Intervention de Alice Elfassi

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 2 juin 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde avec des organisations non gouvernementales

Alice Elfassi, responsable des affaires juridiques de Zero Waste France :

La coopération entre les collectivités et les associations reste difficile dans certains territoires. À La Réunion, par exemple, le projet d'incinérateur a crispé la relation partenariale pourtant essentielle en matière d'éducation à l'environnement et de sensibilisation. Même si notre association se concentre sur les impacts environnementaux, elle prend de plus en plus en compte ceux qui concernent la santé publique. En outre-mer, les décharges restent nombreuses, même si les incinérateurs posent des problèmes environnementaux et sanitaires.

Faut-il adapter les objectifs de recyclage et développer la valorisation énergétique ? Nous mettons surtout l'accent sur la prévention et le réemploi, car la réglementation incite, quoi qu'il en soit, à réduire l'enfouissement au profit d'autres modes de traitement. Nous ne souhaitons pas que les investissements dans l'incinération prennent le pas sur des financements publics qui pourraient servir à développer des dispositifs de consigne, de tri des biodéchets ou d'éducation à l'environnement. Le projet d'unité de valorisation énergétique (UVE) à Saint-Pierre de La Réunion est un exemple significatif.

De même, en Martinique, la valorisation énergétique des déchets existe grâce à l'implantation d'une usine Albioma destinée à traiter les déchets de la canne à sucre pour produire de l'énergie. Toutefois, la récolte de la canne à sucre étant saisonnière, l'usine a fini par devoir importer des ressources depuis le Brésil et le Canada durant le reste de l'année. On a donc construit une infrastructure peu flexible et très coûteuse dont l'alimentation a nécessité que l'on importe des déchets. La démarche ne nous paraît pas vertueuse.

En outre-mer, les besoins en chauffage urbain ne sont pas identiques à ceux de l'Hexagone, car les habitations sont souvent équipées de chauffe-eau solaires efficaces. Il est donc difficile de justifier ainsi les investissements massifs sur la valorisation énergétique des déchets.

Quant aux filières REP, il faut effectivement que les éco-organismes soient implantés en outre-mer tout comme dans l'Hexagone. Nous restons toutefois critiques sur leur mode de fonctionnement actuel. L'exemple de la filière REP bâtiment est un bon exemple, dans la mesure où la loi AGEC a posé les bases solides d'un soutien à la prévention et au réemploi, pour faire comprendre que les éco-organismes n'ont pas pour seule mission de développer le tri et le recyclage. Or, le cahier des charges que l'on nous a présenté reste décevant en ce qui concerne les objectifs de réemploi, alors que l'industrie du bâtiment est responsable de 75 % des déchets produits en France. C'est donc tout le système de la REP qu'il faudrait refondre pour mettre l'accent sur la prévention et le réemploi plutôt que sur le tri et le recyclage, en contraignant davantage les éco-modulations et les bonus-malus qui sont imposés aux producteurs de déchets. La filière du bâtiment, toute nouvelle, devrait être en pointe.

Peu de relations ont été établies entre les éco-organismes et les groupes locaux. Il existe toutefois une exception en Nouvelle-Calédonie où le groupe local m'a indiqué être en relation avec Trécodec, éco-organisme qui traite les piles, batteries et pneus. Cette relation fonctionne bien.

Des actions en commun ont été menées à La Réunion avec les bailleurs locaux, même si elles se sont essoufflées au cours des deux dernières années. Ce type de partenariat est essentiel pour l'éducation à l'environnement et la sensibilisation.

Pour lutter contre les dépôts sauvages et favoriser la sensibilisation des usagers, nous envisagions d'organiser des visites de décharges par des groupes scolaires. Les associations pourraient s'en charger en se concentrant sur les impacts environnementaux et sanitaires de ce type d'installation. Un partenariat avec la collectivité territoriale concernée serait intéressant.

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