Intervention de Manuel Burnand

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 2 juin 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde avec des opérateurs économiques

Manuel Burnand, directeur général de la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage :

La Federec est une vieille dame de plus de 70 ans : la fédération est née avec différents syndicats régionaux. Dans le cas particulier des DROM-COM, nos adhérents sont suivis par la région parisienne, cette couverture territoriale étant répartie selon le découpage de la loi NOTRe.

La Federec est caractérisée par une compétence par métiers : nous sommes la seule fédération à rassembler des compétences techniques sur l'ensemble des matériaux, le textile, le plastique, le papier-carton, le bois, les métaux, des branches annexes étant chargées de la régénération de solvants et de la valorisation des combustibles solides de récupération --je suis heureux de voir ce sujet évoqué. Nous suivons également les produits complexes comme les véhicules automobiles hors d'usage (VHU), les déchets d'équipements électriques et électroniques, les déchets d'ameublement et les déchets du bâtiment.

Sur toutes ces questions, nous sommes impliqués en amont, puisque notre confédération européenne EuRIC siège à Bruxelles. À l'échelle mondiale, nous jouons un rôle concernant les sujets relevant de la convention de Bâle.

J'ai apprécié vos questionnements sur l'ingénierie, car il s'agit d'un des atouts de notre fédération. Une forte compétence technique, technologique et commerciale est portée par nos entreprises comme par notre club de partenaires. La Federec réunit des entreprises dotées d'ICPE pour recycler et transformer les déchets en ressources, en matières ou en énergie. Une soixantaine d'entreprises nous accompagnent dans l'ingénierie, tant financière que technique - par exemple en ce qui concerne le traitement des pneumatiques par pyrolyse, qui peut se faire dans de très petites unités, ces questions d'échelle étant importantes dans les DROM-COM.

Un point nouveau est l'ingénierie de formation. Nous avons identifié ce besoin depuis de nombreuses années, et il est porté par notre président François Escoffier. Avec l'AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes), nous sommes en train de lancer l'école nationale du recyclage et de la ressource, en prenant en compte certains aspects très pratiques de la formation à la gestion des déchets. Nous montons ce travail avec nos partenaires, afin de leur présenter notre fonctionnement.

Un élément important est le diagnostic de compétences. J'ai été frappé par certains entretiens que j'ai récemment faits avec nos adhérents. Dans certains cas, des gens ayant travaillé dans l'Hexagone pour de grandes enseignes de recyclage ont de très bonnes compétences et une réelle volonté d'aller de l'avant. Nous devons muscler ce volet de la compétence pour changer notre manière de penser : trop longtemps, on a considéré que les déchets des DROM-COM devaient être rapatriés sur le territoire hexagonal. Or nous devons désormais considérer le déchet comme une ressource et une opportunité pour les territoires, en ce qui concerne la création de valeur ou la création d'emplois.

Il faut regarder les choses de manière précise. Pour le plastique par exemple, j'ai été frappé par la surconsommation de bouteilles d'eau en plastique liée à la qualité de l'eau dans les outre-mer. Nous avons parlé de l'exemple un peu triste de la Martinique. Ce genre d'initiatives peut être relancé, les éco-organismes pouvant constituer des leviers d'accélération du développement dans ces écosystèmes économiques particuliers.

L'export des déchets représente un vrai sujet, en particulier en ce qui concerne les piles et les accumulateurs. Vous avez entendu parler à Paris des départs de feu dans des bus électriques. Aujourd'hui, c'est la terreur des sociétés de transport, d'autant plus lorsque les accumulateurs sont dans des porte-conteneurs. Le sujet est extrêmement complexe, car il y a environ deux cents types de batteries mis sur le marché. Cela soulève certaines questions auxquelles nous n'avons pas forcément pensé. En tant que fédération, nous réalisons le danger posé par ces accumulateurs, qui sont des « bombes incendiaires » disséminées sans beaucoup de prudence dans de nombreux objets de consommation, comme nos brosses à dents. Le secteur des déchets en est la première victime.

Pourquoi la filière déchet ne décolle-t-elle pas ? Il faut unir nos forces et décloisonner nos compétences comme nos visions, au moment historique que nous vivons. Les territoires sont essentiels, et nous devons travailler ensemble.

Les récents bouleversements concernent nos entreprises qui portent, de manière historique, l'emploi, les outils industriels et la compétence. Contrairement à ce que j'ai entendu, les éco-organismes ne vont pas résoudre tous les problèmes : dans les faits, les entreprises assument cette responsabilité, et un équilibre doit être trouvé entre les entreprises et les éco-organismes.

La filière déchet a la chance de bénéficier d'un comité stratégique de filière rattaché au Premier ministre. La question de l'articulation entre les opérateurs du déchet et les éco-organismes est en cours d'étude.

Du reste, nous avons porté collectivement un recours contre l'arrêté du 15 mars 2022 qui nous inquiète beaucoup, car il change fondamentalement les choses. Par exemple, alors que les entreprises et les collectivités locales ont pu créer des boucles locales en bonne intelligence, le risque est qu'on impose dogmatiquement certaines choses venues d'en haut, en pensant par exemple que le recyclage chimique va tout résoudre.

Ces travaux sont en cours, mais il s'agit d'un point de vigilance. Une dynamique nouvelle est engagée, mais il faut s'y atteler.

Le PIA4 (Programme investissement d'avenir) lance des éléments que nous devons objectiver sur l'innovation, mais, là encore, il faut définir le partage de valeur entre les entreprises et les éco-organismes.

Je ne reviendrai pas sur la question de la mutualisation, qui a déjà été évoquée, mais je donnerai juste une anecdote : nos adhérents sont principalement situés en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. Clairement, les sujets n'ont rien à voir. À La Réunion, nos adhérents nous disent échanger régulièrement avec CMA-CGM. Les conteneurs passent par plusieurs pays, y séjournent parfois, et la complexité administrative est considérable. Cela n'a rien à voir avec la situation de la Guadeloupe ou de la Martinique, où des circuits courts sont possibles. On ne peut pas généraliser, il faut regarder ces sujets de manière précise et individualisée.

Nous souscrivons entièrement au besoin que représente l'aide au fret. Je m'en tiendrai là, avant de répondre plus précisément à vos questions.

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