Intervention de Guénola Gascoin

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 2 juin 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde avec des opérateurs économiques

Guénola Gascoin, secrétaire générale du Syndicat national de la filière déchet (Snefid) :

Le Snefid est un syndicat patronal représentatif des entreprises de la filière du déchet, actif depuis cinq ans, notamment dans le domaine de la formation. Il rassemble des entreprises indépendantes, de petite taille - très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME), entreprises de taille intermédiaire (ETI) - fortement implantées dans les territoires. Ses adhérents sont répartis entre La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane.

Les entreprises de la filière du recyclage et de la valorisation des déchets créent de l'emploi, et sont très proches des territoires compte tenu de l'ancrage de leurs métiers, pour beaucoup opérationnels.

Le sujet de la gestion des déchets dans les territoires ultramarins est essentiel. Nos adhérents se sont d'ailleurs félicités de voir votre délégation s'en emparer.

Des problèmes se présentent en matière de répartition du marché. Si la collecte des déchets ménagers ou professionnels revient majoritairement à des opérateurs privés, leur traitement est assuré principalement par des acteurs publics.

La santé financière du secteur est plutôt bonne, quoiqu'en stagnation. Il faut signaler néanmoins certaines difficultés, à commencer par les problèmes de transport qui ont été précédemment cités, liés à la diminution du nombre de dessertes. De manière générale, la gestion du transport a un coût certain. L'aide au fret est à cet égard essentielle.

Nous devons conduire une réflexion, collégialement, sur l'import de produits. Les industriels disposent en la matière d'une faible marge de manoeuvre sur place. Or, il faudrait réfléchir davantage en amont au potentiel de déchets générés par les produits importés, ainsi qu'à la façon dont ils seront traités - pour les produits de couverture dans le secteur du bâtiment, par exemple. En parallèle, une réflexion est aussi à mener sur l'export des déchets plastiques, à l'aune des problèmes posés par son récent blocage.

Il est important de rappeler que, même s'il s'agit d'un déchet, le plastique est composé souvent de matières premières préparées pour le recyclage. Or nous avons encore trop tendance à considérer les déchets comme de simples déchets, à l'aune d'une vision guidée par l'idée de salubrité. Un travail de vulgarisation est à mener sur ce point.

Compte tenu de la répartition des marchés, la santé économique de nos entreprises se heurte par ailleurs à des difficultés récurrentes liées notamment à la longueur des délais de paiement, singulièrement dans le cadre des contrats publics. Ces délais compromettent les achats de matériels, ou l'approvisionnement en pièces détachées et, en définitive, le bon fonctionnement des collectes. Ces tensions se sont aggravées du fait du contexte de crise que nous connaissons, mais elles existaient déjà depuis plusieurs années.

Les entreprises souffrent également de difficultés de recrutement, pour certains métiers comme celui de chauffeur, par exemple, mais également dans l'encadrement intermédiaire. Malgré les formations internes mises en oeuvre, le turn-over reste important. Une réflexion collégiale doit aussi être menée sur ce sujet.

En matière de REP, la nécessité de développer les éco-organismes dans les territoires ultramarins apparaît clairement. Il en existe déjà quelques-uns, mais cette dynamique reste à développer, dans la ligne de la loi AGEC, qui a mis en avant l'importance de la gestion des déchets dans les territoires ultramarins.

Nos entreprises, installées depuis plusieurs dizaines d'années, sont non seulement spécialistes de la gestion des déchets ménagers et professionnels, mais aussi capables de porter des projets. Un lien gagnerait donc à être noué avec les organismes comme Bpifrance, qui les connaît peut-être mal. Le seul facteur limitant est celui du foncier. En effet, toute installation - pour la préparation, comme pour le déconditionnement ou le tri - a besoin de foncier. C'est un point sur lequel il faudra travailler.

Les problèmes qui peuvent apparaître sur certains outils de traitement - pour les piles, par exemple - ont été évoqués précédemment. Ces problèmes engendrent des difficultés de stockage, notamment dans les ICPE, qui perturbent l'organisation des collectes, ce qui est dommageable pour l'ensemble de la filière. Cette difficulté s'est présentée par exemple en Martinique. Il est important d'accompagner les collectivités sur ce sujet.

En réponse à la question de savoir quels seraient les modèles de filière REP à développer, nos adhérents ont insisté sur l'importance de ne pas calquer dans les outre-mer ce qui se fait dans l'Hexagone. Il faut en effet tenir compte des spécificités locales. Nous avons besoin de travailler avec les opérateurs économiques locaux pour envisager des solutions de traitement différentes. Des projets sont ainsi en cours à La Réunion et à la Martinique autour des combustibles solides de récupération (CSR). Le comité stratégique de filière (CSF) a lancé un appel à projets sur le sujet, tout comme l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Ces solutions ne doivent pas être écartées, car nous avons besoin de plusieurs outils. Les CSR pourraient en outre constituer une solution de sortie en cas de refus de tri par les entreprises.

Les entreprises que je représente estiment par ailleurs que la question de la gestion des biodéchets, liée à celle de l'autonomie alimentaire, doit constituer une priorité. L'agriculture ultramarine nécessite en effet de nombreux intrants. Des outils structurants doivent être mis en oeuvre pour le retour au sol des matières organiques et des déchets verts. Il faut privilégier cet axe, notamment à La Réunion.

Nos entreprises font preuve en outre d'une grande pédagogie pour expliquer aux producteurs de déchets leurs obligations en matière de tri. Cette démarche porte plus ou moins ses fruits selon les territoires, mais nous constatons une progression, dont il y a lieu de se féliciter. Il faut accompagner les entreprises dans ce mouvement. Une pédagogie doit également être déployée sur la question du budget de la gestion des déchets.

Enfin, il faudra suivre de près les enseignements de l'expérimentation de consigne menée par Citeo en Guadeloupe, l'objectif étant de récupérer davantage de matière plastique à préparer pour un meilleur recyclage.

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