Intervention de Roger Karoutchi

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 8 juin 2022 à 10h50

Photo de Roger KaroutchiRoger Karoutchi :

rapporteur. – Je dirai les choses sans détour : nous sommes mis brutalement devant le fait accompli et sans négociation préalable. Lors de la campagne électorale, le Président de la République a annoncé la suppression de la redevance audiovisuelle dès cette année. On imaginait qu’elle aurait lieu à l’horizon d’un an, après un débat parlementaire sur une éventuelle réforme de l’audiovisuel. Or la suppression est prévue dès l’adoption de la loi de finances rectificative au mois de juillet, avec le remboursement des versements effectués depuis le mois de janvier par les contribuables mensualisés.

J’aurais de loin préféré un projet de réforme audiovisuelle, examiné dans le cadre d’un débat parlementaire sur les missions et le périmètre du service public. C’était le minimum. Mais la messe est dite...

Nous avons auditionné presque tous les présidents de chaînes de radio et de télévision publiques. Ils nous ont demandé non pas de s’arc-bouter sur la taxe universelle, mais de préserver la prévisibilité et le niveau des crédits publics, ainsi que les moyens de travailler ensemble.

Sur le plan financier, on nous annonce de manière inédite que l’État se dispensera des 3,1 milliards d’euros – 3,7 milliards avec les dégrèvements – que rapportait la redevance. Mais par quoi tout cela sera-t-il compensé ? Pour l’heure, ce sera seulement par le déficit et la dette. Le Président de la République a très clairement évoqué une mesure de pouvoir d’achat. C’est humiliant pour l’audiovisuel public, qui avait besoin de soutiens et de financements.

À la place de la suppression pure et simple de la redevance, plusieurs options étaient possibles ; mais elles ont toutes été refusées par le Gouvernement. Nous les avons également étudiées. Ainsi, la mise en place d’une taxe sur les 12,5 milliards d’euros de ventes de téléviseurs, portables ou autres supports électroniques, imposerait l’application d’un taux de 30 %. Cette mesure ne serait évidemment pas favorable au pouvoir d’achat.

Certains rêveraient que l’audiovisuel public bénéficie d’un prélèvement sur recettes et soit ainsi placé au niveau de l’Union européenne ou des collectivités locales. La dotation accordée serait ainsi garantie sans aucune remise en cause ultérieure par des gels ou réductions de crédits. Cette solution nous paraît impossible, sous peine d’entraîner dans son sillage l’hôpital, l’éducation ou l’armée.

Comment peut-on trouver des garanties pour le financement ? La mission budgétaire détaillera chacun des budgets des différentes chaînes concernées. L’intégration des crédits dédiés à l’audiovisuel public au sein d’une mission budgétaire permettra, en outre, d’inclure ce financement dans la trajectoire pluriannuelle des finances publiques et de répondre ainsi à un impératif de prévisibilité. S’agissant de la garantie, je le rappelle, la contribution actuelle n’en était pas une, et le Parlement avait en théorie la main sur son niveau. D’ailleurs, la diminution d’un euro de la contribution a donné lieu à un vrai débat dans l’hémicycle. Néanmoins, aucune modification substantielle n’a été enregistrée depuis un certain temps, nonobstant, sur la période 2018-2022, les économies de 190 millions d’euros, dont l’essentiel a été réclamé à France Télévisions. Cet objectif a été respecté par les chaînes publiques.

Pour renforcer la garantie de financement, nous proposons également de créer une autorité habilitée, indépendante de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Cette autorité supérieure de l’audiovisuel public – ASAP –, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, compterait quatre personnalités qualifiées nommées par les commissions des finances et de la culture de l’Assemblée nationale et du Sénat. L’autorité supérieure devra donner au Parlement un avis éclairé pour les votes futurs, en présentant les défis en matière de financement, les évolutions nécessaires sur le montant du financement permettant à l’audiovisuel public d’accomplir ses missions de service public. Les moyens alloués doivent pour le moment être maintenus au niveau existant. Ils seront ajustés en cas de modification du périmètre.

Un débat parallèle s’est tenu sur la ressource complémentaire que représente la publicité. Celle-ci oblige à des efforts d’audimat, parfois étrangers au service public. Pour y remédier, d’aucuns suggèrent d’augmenter la contribution étatique. Nous proposons raisonnablement de maintenir la publicité dans la journée, pour une recette à hauteur d’environ 350 millions d’euros, d’engager les programmes dès 20 h 30, et non pas 21 h 10, et de supprimer tous les parrainages sur France Télévisions et Radio France, qui atteignent environ 70 millions d’euros. Quoi qu’il en soit, un dialogue devra être engagé avec les chaînes publiques. Leurs patrons sont prêts à une redéfinition du service public.

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