Intervention de Sébastien Soriano

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 8 juin 2022 à 11h15
Audition de M. Sébastien Soriano directeur général de l'institut national de l'information géographique et forestière ign sur les défis de l'ign à l'heure de la révolution numérique et du changement climatique

Sébastien Soriano, directeur général de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) :

En 2012, l'Institut géographique national a fusionné avec l'Inventaire forestier national (IFN), devenant l'Institut national de l'information géographique et forestière. Nous réalisons donc l'inventaire forestier, dont l'existence remonte aux années 1960.

Concrètement, nous avons une grille qui couvre toute la France, et chaque année, des binômes de techniciens de la forêt se rendent sur quelque 5 500 « placettes » - c'est le nom donné aux positions géographiques - tirées au sort. Au centre de la coordonnée GPS, ils placent un morceau de bois, et tracent autour un cercle de 25 mètres au sein duquel ils recueillent plusieurs informations : évolution des essences, dégâts de gibier, relevés floristiques, taille des troncs d'arbres, etc. En parallèle, d'autres techniciens se rendent sur les 5 500 placettes visitées cinq ans plus tôt pour y refaire les mêmes mesures.

Ce dispositif exigeant permet d'avoir une vision précise de la forêt. Il est vrai, cependant, que la forêt est en tension : d'une part, elle augmente en surface, ce qui implique des relevés supplémentaires, d'autre part, elle évolue sous l'impact du changement climatique, des scolytes, des incendies, des sécheresses. Ces évolutions appellent un suivi de plus en plus sophistiqué, avec trois grands enjeux pour l'inventaire forestier.

Le premier enjeu est d'assurer sa solidité statistique. Nous y travaillons en lien avec nos tutelles et avec le secteur, dont nous avons besoin de connaître les besoins : ainsi, des attentes se sont exprimées quant à l'évaluation de l'impact des dégâts de gibier, sur le renouvellement de la forêt française, sur le puits carbone ainsi que sur tous les services de biodiversité qu'apporte la forêt.

Le deuxième enjeu consiste à mieux croiser la donnée statistique et la donnée géographique : nous voudrions produire une belle carte de la forêt qui permette de suivre une évolution de façon pertinente, non seulement au niveau national mais aussi, à une échelle beaucoup plus fine, au niveau de telle ou telle forêt, communale, publique ou privée. C'est un travail techniquement complexe, mais nous avons de bons outils, notamment le programme national du LIDAR Haute Densité, financé par le ministère de l'agriculture, l'Office national des forêts (ONF), la direction de la prévention des risques et les fonds des plans France relance (pour la modélisation 3D) et France 2030 (pour caler des modèles beaucoup plus fins sur la forêt). Nous avons également des expérimentations en cours avec l'ONF sur la façon d'exploiter ces données, notamment par des extrapolations pour avoir une vision géographique de l'évolution de la forêt beaucoup plus ciblée.

Le troisième enjeu consiste à rassembler les très nombreux intervenants du secteur de la forêt en France. Lors des Assises de la forêt et du bois menées par le Gouvernement précédent, le principe d'un observatoire de la forêt animé par l'IGN a été acté, et nous sommes en train de le préfigurer. Autour de la table pourraient se retrouver l'ensemble de la communauté forestière, les exploitants publics et privés, notamment pour partager des diagnostics. L'inventaire forestier et son enrichissement fournissent en effet une donnée de base, mais il lui manque une couche de connaissances intermédiaires à partager avec l'ensemble du secteur pour prendre les bonnes décisions. Le grand défi de la forêt, nous le savons, est que ce qui est aujourd'hui planté dans notre sol n'est adapté ni au contexte climatique, ni aux besoins, notamment en bois de construction. Dès lors, comment nous dotons-nous d'un poste de pilotage partagé pour effectuer les bons choix pour l'avenir ? Nous sommes très engagés sur cette question.

Vous m'interrogez également sur le cadastre. Le cadastre napoléonien, dont le nom rappelle l'ancienneté, pose aujourd'hui des problèmes de cohérence : s'il est exact du point de vue de la surface mesurée localement, la mise bout à bout de l'ensemble des feuilles est géométriquement fausse, faisant apparaître des « trous », de quelques mètres à quelques dizaines de mètres. Le contat est le même lorsque l'on superpose nos plans ou nos photos aériennes avec le plan cadastral informatisé (PCI).

Nous travaillons à la convergence de ces deux référentiels avec Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques. Nous avons également un partenariat avec les géomètres experts pour commencer à identifier un certain nombre de bornes. À cette fin, nous avons développé l'application collaborative Alea, qui permet à chacun de signaler l'existence d'une borne cadastrale, c'est-à-dire d'une borne de propriété. Ensuite, les géomètres experts viennent prendre la mesure précise, puis partagent cette information et la reversent au cadastre en vue d'une mise à jour.

Il existe également un projet plus complexe et plus structurant de convergence du cadastre, mais, pour être honnête, il est encore devant nous.

S'agissant des photos des forêts, la mise à jour a lieu tous les trois ans en moyenne. Je prends bonne note de votre souhait que la date des photos soit précisée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion