rapporteure. – Depuis maintenant plus d’un an, la vaccination fait partie de nos instruments de lutte contre la pandémie de covid-19. À l’heure actuelle, près de 80 % de la population française a reçu une primo-vaccination complète et plus de 59 % une dose de rappel. Cette campagne vaccinale d’une envergure sans précédent a toutefois été source d’inquiétude pour une partie de la population, notamment en ce qui concerne la sécurité des vaccins, qui ont été développés à une vitesse inédite et grâce à de nouvelles plateformes vaccinales.
À la suite d’une pétition déposée au Sénat, notre commission des affaires sociales a saisi l’Opecst, afin d’établir un état des lieux des effets indésirables consécutifs à la vaccination contre la covid-19, ainsi que du système français de pharmacovigilance. Mes collègues et moi-même avons conduit 23 auditions sous forme d’entretien, qui nous ont permis d’entendre plus de 50 intervenants, du 28 mars au 30 mai 2022, ainsi que d’organiser une audition publique dans un format contradictoire le 24 mai 2022.
Nous vous présentons aujourd’hui un rapport d’étape, qui rend compte de ces travaux et s’intéresse au dispositif de surveillance et d’évaluation des produits de santé, aux effets indésirables induits par les vaccins contre la covid-19 et à la communication ayant entouré ces effets indésirables tout au long de la campagne de vaccination.
Afin d’accélérer la mise à disposition des vaccins contre la covid-19 au vu des conséquences sanitaires des premiers temps de la pandémie, l’Agence européenne du médicament (European Medicines Agency – EMA) a mis en place un système d’évaluation en continu appelé rolling review, qui a permis d’analyser les données fournies par les laboratoires initiateurs des vaccins au fur et à mesure de leur transmission à l’Agence.
La mise à disposition des vaccins a également été accélérée par l’attribution d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle. Cette procédure permet l’octroi d’une AMM sur la base de données cliniques momentanément incomplètes si, et seulement si, le bénéfice de la disponibilité immédiate l’emporte sur le risque représenté par les données manquantes.
Cet aspect conditionnel a été source de nombreuses critiques, certains citoyens ayant le sentiment de faire partie d’une expérimentation. Pourtant, l’octroi d’une AMM conditionnelle n’est pas un procédé nouveau et il est particulièrement légitime dans un contexte de besoin médical non couvert, comme c’était le cas en 2020. En outre, le choix du régime d’AMM conditionnelle permet de laisser la porte ouverte à de nouveaux vaccins.
Si les données de sécurité des vaccins dont l’Agence européenne a disposé pour les AMM avaient peu de recul, il faut souligner qu’historiquement les effets indésirables liés à des vaccins sont toujours apparus dans les mois suivant leur administration et que les essais cliniques ne sont de toute façon pas en mesure de déceler les effets indésirables rares et inattendus, en raison de leurs effectifs limités.
Une fois les vaccins utilisés en population générale, le système de pharmacovigilance a assuré la détection des effets indésirables y étant associés. Ce système s’est remarquablement mobilisé pour accompagner la campagne vaccinale, d’une échelle inédite.
Cela s’est fait tout d’abord à l’échelon des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), qui ont examiné les déclarations d’événements indésirables dans un volume tout aussi inédit et qui ont fait remonter une centaine de signaux à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Ils réalisent à la fois un examen individuel des cas cliniques et une analyse d’ensemble des événements indésirables déclarés à la suite d’une vaccination contre la covid-19.
L’efficacité de ce dispositif, quasi unique en Europe, a été soulignée. La France est l’un des pays qui contribuent le plus aux bases de données internationales. Le réseau mérite d’être conforté, alors que les financements n’ont pas été à la hauteur du surplus d’activité et que des réformes structurantes menacent son fonctionnement.
Ce système reposant sur la déclaration des événements constatés, il importe que la procédure de déclaration soit accessible à tous, professionnels de santé comme personnes directement concernées, et rendue plus facile. En effet, les professionnels de santé n’ont majoritairement pas la culture de la déclaration et ont très peu de temps à consacrer à cette tâche, qu’ils considèrent souvent comme administrative. Cependant, les déclarations doivent rester suffisamment informatives et s’appuyer sur une présentation des cas cliniques détaillée, pour que les centres qui les analysent puissent établir l’existence ou l’absence d’un lien avec la vaccination.
Une forte mobilisation a également été constatée à l’ANSM, qui a fait montre d’une transparence inédite en publiant régulièrement les rapports de pharmacovigilance sur son site internet.
Si la pharmacovigilance repère des signaux à partir de l’observation d’un nombre de cas qui peut être relativement réduit, la pharmaco-épidémiologie est en mesure de déceler si, à l’échelle de larges groupes de personnes ou à l’échelle populationnelle, un symptôme survient plus fréquemment qu’attendu, à la suite d’une vaccination. Les deux démarches sont donc très complémentaires. L’exploitation par le groupement d’intérêt scientifique (GIS) Epi-Phare des bases de données de santé médico-administratives – qualifiées de « trésor national » –, complétées par les systèmes d’information ad hoc de dépistage (SI-DEP) et de vaccination (VAC-SI), a effectivement permis de quantifier des signaux observés par la pharmacovigilance, mais également d’apporter des informations sur l’efficacité des vaccins en vie réelle, utiles à l’estimation de la balance bénéfices-risques associée à chaque vaccin.
Cette balance est un élément central dans l’élaboration des recommandations vaccinales, permettant de garantir le meilleur niveau de sécurité des vaccins. Elle n’est pas le résultat rigoureux et objectif d’une formule mathématique, mais le produit d’une appréciation collégiale prenant en compte de multiples paramètres et les incertitudes qui y sont liées. Elle est au cœur des discussions d’experts qui conduisent à formuler les recommandations vaccinales.
À cet égard, elle doit être régulièrement actualisée, au vu des connaissances apportées par la pharmacovigilance et la pharmaco-épidémiologie sur la sécurité et l’efficacité des vaccins, mais également parce qu’elle dépend du contexte épidémique – circulation actuelle et prévue du virus, et évolution de la maladie. Cette dépendance au contexte épidémique rend son appréciation difficile alors que les mesures prises par les autorités doivent être cohérentes avec la situation sanitaire et que les citoyens doivent percevoir cette cohérence. À ce sujet, nous souhaitons saluer le récent avis de la Haute Autorité de santé (HAS), qui, en ce sens, anticipe différents scénarios de reprise épidémique à l’automne prochain.
De plus, si elle est appréciée à l’échelle populationnelle, la balance bénéfices-risques doit être évaluée différemment pour les différents sous-groupes de la population –selon l’âge, la présence de comorbidités, etc. –, qui sont concernés par des bénéfices et des risques variés.
L’aspect qualitatif et populationnel de la balance bénéfices-risques et les nombreux paramètres dont elle dépend la rendent difficile à appréhender par la population. Ils peuvent aussi entraîner des incompréhensions, voire créer de la défiance. Aussi, un effort d’objectivation et de transparence est nécessaire afin d’éclairer le bien-fondé des décisions prises par les instances sanitaires.
Les vaccins contre la covid-19 utilisent deux nouvelles technologies vaccinales : les vaccins ARN et les vaccins à adénovirus. Tous deux consistent à faire produire la protéine virale de spicule à des cellules humaines, ce qui a suscité de l’inquiétude.
Cependant, il semblerait que ce soit plutôt la technologie vaccinale qui soit susceptible d’induire des effets indésirables – ARN encapsulé dans une nanoparticule lipidique, ou adénovirus. En effet, parmi les effets les plus marquants, les thromboses atypiques sont associées aux vaccins à adénovirus – les vaccins d’AstraZeneca et de Janssen -, quand les myocardites sont majoritairement liées aux vaccins à ARN – les vaccins de Pfizer/BioNTech et Moderna. Nous présentons dans le rapport le traitement de certains des principaux effets indésirables, dont, notamment, ces thromboses atypiques et ces myocardites qui ont conduit à une modification des recommandations vaccinales.