Intervention de Pierre Barthélemy

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 21 juin 2022 à 16h30
Incidents survenus au stade de france le 28 mai 2022 — Audition de Mm. Ronan Evain directeur général de l'association football supporters europe fse joe blott président de spirit of shankly ted morris président de liverpool disabled supporters association pierre barthélemy membre de l'association fse et emilio dumas socio du real madrid

Pierre Barthélemy, membre de Football Supporters Europe :

Absolument. C'est aussi ce qui a favorisé les incidents. Il serait bon de conserver des effectifs de police jusqu'à la fin des matches.

Le sixième point avait déjà été signalé lors des incidents qui ont gravement et tristement émaillé la reprise du football après la crise de la covid, en début de saison : il y a un déficit d'encadrement, de recrutement, de préparation, de rémunération et de valorisation des stadiers. C'est pourtant le personnel fondamental de sécurisation des rencontres sportives, mais aussi de fluidification de l'accès au stade. Beaucoup de supporters anglais disent que des stadiers leur ont volé leurs billets pour les revendre à d'autres personnes, ce qui nous paraît absolument incroyable. Beaucoup de stadiers, âgés de dix-huit ou dix-neuf ans, exerçaient ces fonctions pour la première fois de leur vie. Non seulement ils ne savaient pas gérer un match normal, mais en plus, ils étaient perdus dans cette situation, avec des problèmes informatiques, des retards, des files d'attente... Il faut donc d'urgence se poser la question de la formation et de la rémunération des stadiers. Nous ne pouvons pas leur demander, alors qu'ils sont payés au lance-pierres, d'aller prendre des risques, notamment pour courir après des gens qui escaladent les barrières ou qui essaient de passer en force.

Septième point : l'instance nationale du supportérisme, créée sur l'initiative du Sénat et placée auprès de la ministre des sports, a fait un travail exceptionnel depuis quelques années, à titre purement bénévole. Ses travaux ont pris fin pendant le premier confinement. Résultat : il y a eu des incidents graves en ligue 1. Il faut que cette instance soit réactivée. Elle commence à l'être peu à peu, car on se rend compte que la chute du nombre d'incidents entre 2016 et le premier confinement était directement liée à ses travaux. Elle réunit des représentants des ministères, de la police, de la ligue et des représentants de supporters. Il y a urgence à lui donner des moyens humains et économiques pour qu'elle puisse mener des réunions de travail sérieuses. Le ministère des sports devrait affecter une ou deux personnes, un ou deux jours par semaine, aux travaux de cette instance. L'argent ainsi dépensé évitera ensuite d'énormes coûts de police, pour un meilleur engouement et une meilleure présence des supporters dans les stades.

Huitième point : le Sénat est aussi à l'initiative de la création d'un référent supporters. Il s'agit d'un salarié du club qui est en lien avec les supporters. Cet outil a fait descendre les tensions entre des groupes de supporters et leur club là où il y en avait - celles-ci résultaient d'un manque de communication. Il est fondamental, et devrait être mieux mis à profit par la préfecture de police ou par la Fédération française de football, qui n'en a pas pour ses propres supporters. Lors de cette rencontre, par exemple, on aurait pu avoir un lien direct entre les référents supporters des deux clubs et les autorités pour identifier immédiatement les problèmes et remonter de l'information immédiatement. Nous aurions ainsi gagné deux heures.

Les trois derniers points sont plus généraux.

En France, il existe ce qu'on appelle la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH). Il s'agit des policiers, au ministère de l'intérieur, qui sont en charge de la doctrine d'organisation des matchs de football. Ce terme lui-même est problématique, qui montre qu'on ne réfléchit à l'organisation des manifestations sportives, du point de vue policier, que pour lutter contre le hooliganisme. Nous n'avons pas une approche ou une doctrine constructive de fluidification et de dialogue, alors que c'est la norme dans la plupart des pays européens. Il y a donc urgence à mener une réflexion sur cette division, qui d'ailleurs n'était pas en charge de l'organisation de la sécurité lors de ce match.

En France, à chaque incident, nous avons recours aux mesures collectives - interdictions de déplacement, fermetures de tribunes - et jamais aux mesures individuelles. Il y a urgence à basculer vers des mesures individuelles : il faut exclure de nos stades les personnes qui y posent des problèmes. Ce ne sont que quelques personnes, qui créent d'énormes problèmes et salissent l'image du football français. Ce sont elles qu'il faut viser. Il faut arrêter de mettre les problèmes sous le tapis en prenant des mesures globales, collectives, qui punissent 10 000 ou 15 000 spectateurs pour les actes de cinq, dix ou quinze supporters. Ces mesures ne servent d'ailleurs à rien d'autre qu'à punir des innocents, puisque ces quelques personnes reviennent au match suivant... Mais elles délégitiment l'action des instances sportives et de l'État.

Dernier point : une loi sur le sport devait être votée à la fin du précédent quinquennat. De nombreuses promesses avaient été faites à beaucoup d'acteurs, et notamment aux supporters. Beaucoup d'avancées devaient se concrétiser. Cette loi a été escamotée. Il y a urgence à ce que le Parlement se ressaisisse de l'ensemble de ces sujets. Nous serions très heureux de l'aider dans la rédaction d'améliorations à la réglementation nationale en la matière.

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