Intervention de Florence Lassarade

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 9 juin 2022 à 10h20
Examen d'un rapport d'étape sur les effets indésirables des vaccins contre la covid-19 et le système de pharmacovigilance français gérard leseul député sonia de la provôté et florence lassarade sénatrices rapporteurs

Photo de Florence LassaradeFlorence Lassarade, sénatrice, rapporteure :

Depuis maintenant plus d'un an, la vaccination fait partie de nos instruments de lutte contre la pandémie de Covid-19. À l'heure actuelle, près de 80 % de la population française a reçu une primo-vaccination complète et plus de 59 % une dose de rappel. Cette campagne vaccinale d'une envergure sans précédent a toutefois été source d'inquiétudes pour une partie de la population, notamment en ce qui concerne la sécurité de vaccins développés à une vitesse inédite et grâce à de nouvelles plateformes vaccinales.

À la suite d'une pétition déposée au Sénat, la commission des affaires sociales du Sénat a saisi l'Office sur l'état des lieux des effets indésirables consécutifs à la vaccination contre la Covid-19 et sur le système français de pharmacovigilance. Avec mes collègues, nous avons conduit 23 auditions sous forme d'entretiens, qui nous ont permis d'entendre plus de 50 intervenants du 28 mars au 30 mai 2022, ainsi que l'audition publique du 24 mai 2022 dont il a été question dans le propos introductif de Cédric Villani, conduite dans un format contradictoire comme c'est l'usage à l'Office.

Nous vous présentons aujourd'hui notre rapport d'étape, qui rend compte de ces travaux et s'intéresse au dispositif de surveillance et d'évaluation des produits de santé, aux effets indésirables induits par les vaccins contre la Covid-19 et à la communication ayant entouré ces effets indésirables tout au long de la campagne de vaccination.

Afin d'accélérer la mise à disposition des vaccins contre la Covid-19 au vu des conséquences sanitaires des premiers temps de la pandémie, l'Agence européenne du médicament (EMA) a mis en place un système d'évaluation en continu appelé « rolling review », qui a permis d'analyser les données fournies par les laboratoires initiateurs des vaccins au fur et à mesure de leur transmission à l'Agence.

La mise à disposition des vaccins a également été accélérée par l'attribution d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) conditionnelle, procédure permettant l'octroi d'une AMM sur la base de données cliniques momentanément incomplètes si, et seulement si, le bénéfice de la disponibilité immédiate l'emporte sur le risque représenté par les données manquantes.

Cet aspect conditionnel a été source de nombreuses critiques, certains citoyens ayant le sentiment de « faire partie d'une expérimentation ». Pourtant, l'octroi d'une AMM conditionnelle n'est pas un procédé nouveau et est particulièrement légitime dans un contexte de besoin médical non couvert, comme c'était le cas en 2020. En outre, le choix du régime d'AMM conditionnelle permet de laisser la porte ouverte à de nouveaux vaccins.

Si les données de sécurité des vaccins dont l'EMA a disposé pour les AMM avaient peu de recul, il faut souligner qu'historiquement les effets indésirables liés à des vaccins sont toujours apparus dans les mois suivant leur administration et que les essais cliniques ne sont de toute façon pas en mesure de déceler les effets indésirables rares et/ou inattendus en raison de leurs effectifs limités.

Une fois les vaccins utilisés en population générale, c'est le système de pharmacovigilance qui a assuré la détection des potentiels effets indésirables associés. Ce système s'est remarquablement mobilisé pour accompagner la campagne vaccinale, d'une échelle inédite.

Ceci s'est traduit tout d'abord à l'échelon des Centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV), qui ont examiné les déclarations d'évènements indésirables dans un volume tout aussi inédit et fait remonter une centaine de signaux à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Les CRPV réalisent à la fois un examen individuel des cas cliniques, mais également une analyse d'ensemble des évènements indésirables déclarés à la suite d'une vaccination contre la Covid-19. L'efficacité de ce dispositif, quasi-unique en Europe, a été soulignée. Le réseau mérite d'être conforté, dans un contexte où les financements n'ont pas été à la hauteur du surplus d'activité et où des réformes structurantes menacent son fonctionnement.

Ce système reposant sur la déclaration des événements constatés, il importe que la procédure de déclaration soit accessible à tous, professionnels de santé comme personnes directement concernées, et rendue plus facile. En effet, les professionnels de santé n'ont majoritairement pas la culture de la déclaration et disposent de très peu de temps à consacrer à cette tâche, qu'ils considèrent administrative. Cependant, la déclaration doit rester suffisamment informative, avec une « présentation du cas clinique » détaillée, pour que les Centres qui les analysent puissent établir l'existence ou l'absence d'un lien avec la vaccination.

Cette mobilisation a également été constatée à l'ANSM, qui a fait montre d'une transparence inédite en publiant régulièrement les rapports de pharmacovigilance sur son site internet.

Si la pharmacovigilance repère des signaux à partir de l'observation d'un nombre de cas qui peut être relativement réduit, la pharmaco-épidémiologie est en mesure de déceler si, à l'échelle de larges groupes de personnes ou à l'échelle populationnelle, un symptôme survient plus fréquemment qu'attendu, à la suite d'une vaccination. Les deux démarches sont donc très complémentaires. L'exploitation par le GIS EPI-PHARE des bases de données de santé médico-administratives, qualifiées de « trésor national », complétées par les systèmes d'informations ad hoc SI-DEP et VAC-SI a effectivement permis de quantifier des signaux observés par la pharmacovigilance, mais également d'apporter des informations sur l'efficacité des vaccins en vie réelle, utiles à l'estimation de la balance bénéfices-risques associée à chaque vaccin.

Cette balance est un élément central dans l'élaboration des recommandations vaccinales, permettant de garantir le meilleur niveau de sécurité des vaccins. Elle n'est pas le résultat rigoureux et objectif d'une formule mathématique, mais le produit d'une appréciation collégiale prenant en compte de multiples paramètres et les incertitudes qui y sont liées ; elle est au coeur des discussions d'experts qui conduisent à formuler les recommandations vaccinales. Elle doit être régulièrement actualisée, au vu des connaissances apportées par la pharmacovigilance et la pharmaco-épidémiologie (sur la sécurité et l'efficacité des vaccins) mais également parce qu'elle dépend du contexte épidémique (circulation actuelle et prévue du virus et évolution de la maladie). Cette dépendance au contexte épidémique rend son appréciation difficile, alors que les mesures prises par les autorités doivent être cohérentes avec la situation sanitaire et que les citoyens doivent percevoir cette cohérence. À cet égard, nous souhaitons saluer le récent avis de la Haute Autorité de santé, qui anticipe différents scénarios de reprise épidémique à l'automne prochain.

De plus, si cette balance est appréciée à l'échelle populationnelle, elle doit être évaluée différemment pour les différents sous-groupes de la population (selon l'âge, la présence de comorbidités, etc.), concernés par des bénéfices et des risques différents.

L'aspect qualitatif et populationnel de la balance bénéfices-risques et les nombreux paramètres dont elle dépend la rendent difficile à appréhender par la population. Ils peuvent aussi entraîner des incompréhensions, voire créer de la défiance. Aussi, un effort d'objectivation et de transparence est nécessaire afin d'éclairer le bien-fondé des décisions prises par les instances sanitaires.

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