Intervention de Sonia de La Provôté

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 9 juin 2022 à 10h20
Examen d'un rapport d'étape sur les effets indésirables des vaccins contre la covid-19 et le système de pharmacovigilance français gérard leseul député sonia de la provôté et florence lassarade sénatrices rapporteurs

Photo de Sonia de La ProvôtéSonia de La Provôté, vice-présidente de l'Office, rapporteure :

sénatrice, vice-présidente de l'Office, rapporteure. - Les effets indésirables liés aux vaccins sont d'origine immunologique : ils peuvent être liés à la composante innée du système immunitaire comme à sa composante adaptative. Si l'inquiétude s'est un temps focalisée sur la protéine virale de spicule, que les vaccins contre la Covid-19 font produire aux cellules humaines et qui a été qualifiée de toxique, il semble que c'est plutôt la plateforme vaccinale qui soit susceptible d'induire ces effets indésirables. En effet, parmi les effets les plus marquants, les thromboses atypiques sont associées aux vaccins à adénovirus (les vaccins d'AstraZeneca et de Janssen), alors que les myocardites sont majoritairement liées aux vaccins à ARN (les vaccins de Pfizer/BioNTech et Moderna). Nous présentons dans le rapport le traitement de certains des principaux effets indésirables, dont ces thromboses atypiques et ces myocardites qui ont toutes deux conduit à une modification des recommandations vaccinales.

L'adhésion à la vaccination dépend de nombreux facteurs. La crainte d'effets indésirables demeure cependant, comme l'ont confirmé les auditions, la principale raison de non-adhésion, dans un contexte où les vaccins utilisés en France reposent sur de nouvelles technologies. Beaucoup ont redouté au tout début qu'une partie du génome viral soit intégrée au génome des cellules humaines ; mais cette crainte se serait atténuée au fur et à mesure de l'utilisation de ces vaccins, la démonstration de leur efficacité prenant le pas sur les doutes exprimés.

L'adhésion à la vaccination a beaucoup fluctué au cours de la pandémie de Covid-19, en raison d'un contexte épidémique changeant, du ressenti de la population vis-à-vis de la pandémie et du traitement médiatique de la vaccination, ce dernier point pouvant faire varier l'adhésion sur des échelles de temps très courtes.

Si la couverture vaccinale est aujourd'hui, il convient de le souligner, bien supérieure aux intentions initiales pour la primo-vaccination, l'adhésion à la dose de rappel est en revanche moins satisfaisante. Plusieurs facteurs y ont contribué en diminuant les bénéfices perçus de la vaccination : la moins grande dangerosité intrinsèque du variant Omicron et des variants qui en sont proches, ainsi que la déception quant à l'efficacité des vaccins contre la transmission du virus, notamment observée dans le contexte de la circulation de ces derniers variants, alors même que la possibilité d'atteindre une immunité collective était un argument très prégnant, qui avait amené une partie des personnes ne présentant pas de risque de forme grave de la Covid-19 à se faire vacciner.

À ce titre, la communication officielle a été difficile à appréhender. Le rôle de l'information dans l'adhésion est important et le fait que peu de médias majeurs aient questionné ouvertement l'intérêt et la sécurité de la vaccination a vraisemblablement contribué dans un premier temps au succès de la campagne vaccinale. Les réseaux sociaux, qui ont permis à des « entrepreneurs de la défiance » de véhiculer des messages décourageant la vaccination, ont finalement eu une influence limitée.

La prise de parole de scientifiques dans les médias, tels que le Pr. Axel Kahn militant pour la vaccination des professionnels de santé, a également été très bénéfique à l'adhésion.

Plus généralement, la place des scientifiques dans la gestion de cette crise a été importante : la mise en place de comités scientifiques créés spécialement pour la crise du Covid-19 a pu envoyer un message de proximité des gouvernants avec la science et de recherche du conseil scientifique le plus pertinent. Cependant, elle a aussi marginalisé les institutions établies qui portaient officiellement la parole scientifique depuis de nombreuses années, d'autant que les missions des comités ad hoc étaient parfois redondantes avec celles desdites institutions. On pense ici par exemple à la Haute autorité de santé ou à l'ANSM.

La communication qui accompagne une campagne vaccinale de cette ampleur est tout autant essentielle que délicate à mettre en oeuvre. Il s'agit là d'un point fondamental, que nous avions soulevé avec force dans notre premier rapport, en décembre 2020, en insistant sur la nécessité que cette communication soit de bonne qualité et transparente. Il a été regretté que la campagne vaccinale ait été menée par des acteurs politiques et non par les institutions telles que la Direction générale de la santé et Santé publique France, qui certes, dans les faits, ont été à la manoeuvre, mais en second plan. La campagne de vaccination risquait en effet de pâtir de la défiance qui perdure vis-à-vis des gouvernants en France, ravivée à plusieurs reprises, notamment au début de la crise sanitaire, par la polémique sur les masques, qui a constitué un événement majeur. D'autres épisodes ont instauré un doute sur l'articulation effective de la décision publique avec les meilleures connaissances scientifiques disponibles : on peut citer les promesses de retour à la vie normale grâce à la vaccination, alors que les connaissances scientifiques à date ne permettaient pas de l'affirmer avec certitude, la non prise en compte de la capacité du virus de se transmettre par aérosol ou encore le débat sur la pertinence d'un allongement du délai entre les deux premières doses de vaccin.

La portée limitée des données cliniques obtenues par les industriels comme par les scientifiques (nous avions évoqué dans nos précédents rapports la difficulté à mettre en place des cohortes suivies par plusieurs équipes) et la prise en compte, en conséquence, d'études observationnelles ou dites « de vie réelle », jugées moins robustes que des études cliniques et dont les cohortes ont par ailleurs été difficiles à mettre en place, pour établir certaines recommandations vaccinales ont ainsi été mal perçues. C'est le cas du recours aux AMM conditionnelles, procédure qui n'est pourtant pas inédite et qui présente un certain nombre d'avantages dans le contexte de la pandémie de Covid-19, comme la possibilité d'une mise sur le marché bien plus rapide. Rappelons-nous de l'urgence sanitaire qui régnait au moment où cette décision a été prise. C'est aussi le cas de l'extension des recommandations vaccinales à des populations (enfants, femmes enceintes) qui ne figuraient pas dans les essais cliniques initiaux. Si l'on sait que les études observationnelles offrent un niveau de preuve moindre, elles ont au bout du compte concerné en l'espèce une partie beaucoup plus significative de la population générale.

Ces décisions sanitaires ont été motivées par l'urgence et les bénéfices supposés de la vaccination ; pour beaucoup, leur bien-fondé est aujourd'hui avéré. Il n'en reste pas moins que cela a donné le sentiment à de nombreuses personnes de faire partie d'un essai clinique grandeur nature. Les auditions menées ont permis de constater que cet argument est sans cesse repris, même un an et demi après le début de la vaccination. Au regard de l'évolution de la pandémie, le rapport bénéfices-risques, lui aussi évolutif, a été mal ou moins bien communiqué et s'est donc avéré source d'un déficit d'adhésion à la parole publique.

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