Dans le cas présent, il était important d'emporter l'adhésion de la population pour rapidement réduire la morbi-mortalité associée à la Covid-19, directement en vaccinant les personnes à risque de forme grave, et indirectement en réduisant la circulation du virus. Il faut en effet rappeler clairement que l'administration des vaccins réduit la circulation du virus, même si elle ne la bloque pas.
Le début de la campagne vaccinale a été marqué par une bonne dynamique d'adhésion. À la fin du printemps 2021, alors que l'efficacité de la vaccination contre la transmission du virus apparaissait satisfaisante et que la dynamique de vaccination baissait, les autorités ont mis en place un passe sanitaire pour à la fois protéger certains lieux du virus, mais aussi inciter la population hésitante à se faire vacciner. Cette politique a été efficace et a atteint ses objectifs sanitaires.
Puis, pour tenter de convaincre de recourir à la vaccination les 5 à 10 % de personnes qui s'en tenaient à l'écart, un passe vaccinal a été mis en place début 2022. Force est de constater que ses objectifs n'ont pas été atteints et il est à craindre que cette politique plus contraignante ait des conséquences sur l'adhésion à la vaccination en général.
La communication institutionnelle sur les effets indésirables a été relativement discrète par rapport à la communication incitant à la vaccination, sauf lorsqu'il a été question des effets indésirables graves associés au vaccin Vaxzevria. Cet épisode a illustré le « coût » de la transparence en matière d'adhésion à la vaccination, puisque la réputation du vaccin a été définitivement entachée, conduisant à sa sous-utilisation, à un moment où la France ne disposait pas encore de suffisamment de doses pour protéger sa population et alors que la balance bénéfices-risques restait positive pour la majorité des personnes.
S'agissant des autres effets indésirables, si l'information est disponible dans les rapports publiés par l'ANSM - dont la démarche de transparence a été saluée lors des auditions -, encore faut-il connaître leur existence pour les consulter. Il apparaît par ailleurs que leur contenu n'est pas adapté au grand public. En témoigne par exemple la mésinterprétation qui a conduit à penser, à tort, que les évènements indésirables rapportés sont tous attribuables à la vaccination.
Dans la mesure où la portée des moyens de communication de l'ANSM auprès du grand public est limitée, le fait que l'Agence soit seule responsable de cette communication ne permet sans doute pas une bonne appropriation par le grand public de la notion même d'effet indésirable. Or, le fait de connaître leur existence (normale, pour tout produit de santé), mais aussi leur fréquence (rare), contribue à la bonne information des citoyens.
La déclaration d'effets indésirables suspectés d'être dus à un produit de santé n'étant pas dans les habitudes des médecins, il convient d'encourager cette pratique dans le cadre d'une campagne vaccinale conduite avec des vaccins sur lesquels le recul est relativement faible. C'est la démarche qui a été suivie par les autorités sanitaires. Pour autant, divers associations et collectifs ont dénoncé le refus de certains médecins de déclarer des effets indésirables.
Au-delà de la communication pour inciter à la déclaration, il était important d'organiser la bonne transmission de l'information sur les effets indésirables avérés, suspectés et en cours d'étude auprès des professionnels de santé, pour s'assurer de leur vigilance mais aussi les guider dans leur pratique.
L'information ayant trait aux effets indésirables, pourtant disponible sur le site internet de l'ANSM, mais aussi aux différents schémas vaccinaux (les doctrines ayant évolué à plusieurs reprises quant aux délais préconisés), aurait dû être fournie de manière active aux professionnels de santé. C'est la vocation des « DGS-Urgent » ; mais ceux-ci ne sont pas satisfaisants, car ils n'apportent pas la clarté requise. Nous en avons encore eu la démonstration ce matin.
L'adoption d'un discours de vérité par les autorités, en accord avec les avis émis par les agences sanitaires, était nécessaire pour éviter que tout interstice entre les recommandations nationales et l'état des perspectives scientifiques soit investi par les désinformateurs. Dans un contexte où à la fois l'agent pathogène et le vaccin sont relativement nouveaux, cela implique également de ne pas trop s'avancer sur les connaissances à moyen et long terme. En témoigne la déception suscitée par l'efficacité finalement modeste du vaccin contre la transmission du virus.
Une communication transparente et complète sur l'existence d'effets indésirables, une action vigoureuse pour encourager les professionnels de santé à déclarer de tels évènements, mais aussi un soutien adapté au système de pharmacovigilance dans son ensemble sont nécessaires pour garantir les conditions de la confiance des citoyens dans la capacité des autorités sanitaires à assurer leur sécurité. Ceci est d'autant plus important que les plateformes vaccinales utilisées pour faire face au SARS-CoV-2 ont montré leur pertinence et seront certainement à nouveau mobilisées si un nouvel agent pathogène émerge.
Enfin, la confiance se construisant sur la reconnaissance, il semble important de reconnaître l'existence de certains effets indésirables, même majoritairement bénins. À ce titre, nous regrettons que l'ANSM ne se soit pas prononcée à l'échelle nationale sur l'existence d'un lien entre les troubles menstruels et certains vaccins contre la Covid-19, en l'absence de prise de position du Comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance européenne. En effet, leur non-reconnaissance alimente la défiance des citoyens dans le système tout entier. La reconnaissance des personnes souffrant d'effets indésirables est également essentielle, d'autant qu'une partie d'entre elles se trouvent marginalisées et parfois en situation d'errance médicale. Alors que le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale alertait sur le risque d'une stigmatisation des personnes non vaccinées dans sa note publiée le 3 février 2022, il apparaît essentiel que les autorités prennent la mesure de cette autre stigmatisation.
En dernier lieu, nous tenons à affirmer solennellement que nul ne peut accepter une telle polarisation de la société entre les défenseurs du vaccin et ceux qui prétendent qu'ils sont la cause d'effets indésirables nombreux et graves. Le dernier mot doit rester à la science, dont la vérité, qui n'exclut pas les nuances, peut seule apaiser des tensions trop nombreuses.