Intervention de Gérard Longuet

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 9 juin 2022 à 10h20
Examen d'un rapport d'étape sur les effets indésirables des vaccins contre la covid-19 et le système de pharmacovigilance français gérard leseul député sonia de la provôté et florence lassarade sénatrices rapporteurs

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office :

Je souhaite tout d'abord exprimer ma reconnaissance aux trois rapporteurs pour la qualité du travail fourni, l'effort que ceci représente et la contribution très positive qu'ils apportent ainsi à l'image, à laquelle je suis très attaché, d'un Parlement lieu naturel d'échanges, d'analyses, de rencontres et de décisions. Votre rapport n'est en effet pas simplement factuel, mais s'engage en prenant une position exprimée dans une très belle phrase de conclusion, à laquelle j'imagine que tous nos collègues parlementaires peuvent souscrire.

Au moment où nos collègues députés sont en campagne, ils pourront apporter la preuve, à travers ce document qui me semble incontestable, que le Parlement sait travailler et apporte une contribution utile aux débats de société, y compris les plus complexes et les plus actuels.

J'aimerais à présent revenir sur quelques points. Le premier est que la responsabilité du politique est considérable dans un monde où la rapidité de communication rend l'opinion extraordinairement sensible, émotive, pour ne pas dire vulnérable à des informations maladroites ou mal contrôlées. Souvenons-nous que lorsque nous avons commencé à travailler sur le sujet du Covid et des vaccinations, se posait précisément la question de l'acceptation de ces vaccins et de la crainte d'un rejet. En réalité, on a observé une situation très particulière, que vous restituez bien : une opinion majoritaire disciplinée et responsable, et l'émergence progressive d'une minorité extrêmement active et inlassablement mobilisée. Ceci montre qu'il existe dans notre pays des clivages profonds. Toute la question réside dans l'impact de ces minorités très convaincues sur la grande opinion. C'est dans ce contexte que la responsabilité du gouvernement est essentielle : s'il ne commet pas d'erreur de communication sur des sujets touchant directement le grand public, alors les opposants les plus fermés à toute idée de progrès ou d'approche scientifique de la situation restent isolés. Si en revanche il commet une maladresse, l'audience de ces opposants peut progresser considérablement dans l'opinion et déborder très largement le champ des seules minorités convaincues.

Je prendrai deux exemples à l'appui de mon propos. Le premier, flagrant, est celui du masque, dont l'effet a été destructeur. Le deuxième est celui du passe sanitaire : il apparaît comme un succès, mais il a créé dans une partie de l'opinion un sentiment de tension, voire de rupture qui, en raison d'une gestion compliquée de ces passes, était susceptible de déboucher sur des réactions plus fortes que ce qui a été constaté.

Ainsi, dans une société extraordinairement informée, avec une rapidité et un degré d'émotivité absolus, le pouvoir politique doit être d'une prudence extrême. Je pense que ce rapport dit vrai. À mes yeux, il montre que la communication politique portée par le gouvernement a été assez équilibrée et le partage avec les autorités techniques relativement bon.

Je souscris totalement à votre analyse sur le fait que cette information technique s'est faite parfois au détriment des institutions qui ont une légitimité historique et sont de ce fait plus apaisantes dans leur communication. Tout comité ad hoc, né dans l'actualité, est dans une situation fragile, car il est toujours en risque d'en dire trop (dans le but d'exister médiatiquement) ou pas assez (pour éventuellement protéger la communication politique). Le réflexe consistant à mobiliser d'abord et avant tout les institutions permanentes compétentes sur ces sujets de santé eût été une sécurité pour le gouvernement.

Le vaccin est une réussite en termes de rapidité. Il convient de saluer à la fois les scientifiques, les entreprises et les administrations pour ce formidable succès. Mais dans un pays où les procédures sont généralement interminables dans tous les domaines (songez qu'il faut 5 ou 6 ans pour installer une éolienne), il n'est pas surprenant que l'on s'étonne qu'il ne faille que 5 ou 6 semaines pour autoriser un vaccin. Le gouvernement a ainsi subi l'influence d'une société animée par une culture du doute, relayée par une information rapide, immédiate, concurrentielle, donc abonnée à la surenchère du sensationnel. Il s'est également trouvé pris dans le souci de sécurité et la politique de consultation générale qui préside généralement aux décisions en matière d'infrastructures collectives et qui se retourne contre lui lorsqu'il s'agit d'aller vite, car la démarche devient alors suspecte, alors même qu'il s'agit d'un talent que les pouvoirs politiques doivent cultiver, puisque l'actualité l'impose.

Je trouve, en conclusion, que ce rapport soulève implicitement la question de la gestion de la communication politique. Cette problématique n'était toutefois pas au coeur du sujet et vous avez eu raison de ne pas la traiter. Des politologues avertis travailleront certainement sur ce sujet à partir des analyses figurant dans le rapport tel que vous l'avez conduit, c'est-à-dire avec un esprit de réalisme, de mesure et la conviction, qui légitime l'OPECST et plus généralement l'action parlementaire, selon laquelle la raison commande le bien.

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