Intervention de Cédric Villani

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 9 juin 2022 à 10h20
Examen d'un rapport d'étape sur les effets indésirables des vaccins contre la covid-19 et le système de pharmacovigilance français gérard leseul député sonia de la provôté et florence lassarade sénatrices rapporteurs

Cédric Villani, député, président de l'Office :

Ceci s'est vu jusqu'au plus haut niveau de l'État. Le président de la République lui-même avait assuré qu'il n'y aurait jamais de passeport sanitaire. Il avait également dit, un mois avant que Pfizer n'annonce la mise au point de son vaccin, que ceux qui promettaient un vaccin avant une année étaient des menteurs. Ce type de déclarations est assurément très délétère. J'ai de même trouvé choquant qu'un débat ait eu lieu à propos de l'obligation vaccinale après que l'on avait répété au début sur tous les tons que la vaccination ne serait pas obligatoire.

L'avant-dernier paragraphe sur l'importance de reconnaître l'existence de certains effets indésirables est très satisfaisant. Ceci pourrait figurer en caractères gras. Il est indiqué que ces effets sont « majoritairement bénins » ; peut-être pourrait-on ajouter une formule comme « et de façon exceptionnelle sous des formes graves », afin de bien montrer que nous ne minimisons pas le phénomène. La question des troubles menstruels est également mentionnée ici, en spécifiant bien que 2 % des cas semblent graves, ce qui n'est pas considérable, mais implique néanmoins que l'on n'en fasse pas abstraction. Ces troubles existent et doivent être pris en compte.

Ma dernière remarque concerne les deux dernières phrases. Je ne peux pas adhérer à la conclusion telle qu'elle est rédigée actuellement. Je considère en effet que l'avant-dernier mot est à la science, tandis que le dernier revient toujours aux politiques. Ceci correspond à la doctrine de l'Office. Dans notre rôle d'expert scientifique parlementaire, nous ne devons surtout pas outrepasser nos droits en prenant les décisions. Notre mission est d'aller aussi loin que possible dans l'instruction des dossiers scientifiques, de formuler éventuellement des recommandations, mais à la fin, c'est aux politiques qu'il incombe de trancher.

Le positionnement du curseur entre le bénéfice et le risque est également une question importante. Il existe toujours une balance bénéfices-risques collective et il revient à la société de déterminer le choix de l'endroit où elle souhaite placer le curseur en matière par exemple de prudence ou de niveau de mortalité acceptable. Voici 50 ans, sévissait la grippe de Hong Kong, qui a causé à peu près autant de dégâts que les deux premières vagues du Covid, avec plusieurs dizaines de milliers de morts à l'échelle française. La société avait alors trouvé normal de ne faire quasiment rien. La balance bénéfices-risques entre libertés publiques et prudence penchait alors très clairement du côté des libertés publiques. Aujourd'hui, le contexte de notre société est différent. À état de connaissances scientifiques identique, je suis persuadé que l'on n'aurait pas pris il y a 50 ans les mêmes mesures qu'aujourd'hui. Les Suédois ont, dans un premier temps, agi comme la France d'il y a cinq décennies, avant de le regretter et de considérer qu'il aurait fallu adopter une attitude intermédiaire. Il s'agissait d'une décision politique, sur la base des mêmes schémas scientifiques. Cette démarche était démocratiquement respectable. Il me semble nécessaire de trouver une autre formulation pour indiquer que la science doit faire partie du débat et guider la décision finale, mais que celle-ci revient aux politiques et relève d'un choix de société, en particulier dans l'appréciation bénéfices-risques globale.

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