Il s'agit donc de la voie publique. Le dispositif n'avait pas vocation à être éteint. Historiquement, une certaine pénombre régnait à cet endroit, et nous avons mis en place des dispositifs artistiques colorés sous l'autoroute. Aucune panne particulière ne m'a été signalée, mais il est toujours possible qu'il y ait eu de la pénombre, d'autant plus que le match s'est terminé tard.
Au sujet de la provenance des délinquants, nous n'avons jamais connu un tel phénomène. S'il s'agissait d'habitants de Saint-Denis, ces phénomènes existeraient depuis longtemps et se seraient produits plus souvent.
Un point de délinquance extrêmement dur existe autour de Porte de Paris. Il s'agit d'un des hotspots de la vente de cigarettes trafiquées, de médicaments vendus sous le manteau par des personnes souvent en errance.
Je n'ai aucune information concernant des messages envoyés sur les réseaux. Cette question relève de la compétence du service du renseignement territorial. Nous n'avons en tout cas pas reçu d'alerte particulière.
Cela nous ramène à la question du dispositif policier : il est certain qu'il n'y avait pas assez de policiers en civil pour appréhender les délinquants. Certains policiers avaient pour mission la gestion des flux ; ils ne devaient pas bouger, et ils ont vu des délinquants agir devant eux sans pouvoir intervenir, car telle n'était pas leur mission. Je ne leur fais aucun reproche, mais c'est la réalité : le dispositif n'était pas bien calibré.
Le dispositif global a été construit en réponse à une peur de casse sur les Champs-Élysées et de phénomènes de hooliganisme qui n'ont pas eu lieu. De nombreux policiers étaient à Paris, mais les faits de délinquance se sont produits à Saint-Denis, sur les supporters.
Pour moi, le système a vrillé et les délinquants ont pu s'épanouir en raison du nombre de faux billets, qui a créé la désorganisation et le chaos. Les forces de l'ordre et de sécurité privée se sont concentrées autour de certaines portes mises sous pression par cet afflux de spectateurs munis de faux billets, en relâchant leur surveillance sur d'autres points. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase dans ce système robuste, ce sont les faux billets. Nous n'avions jamais été confrontés à un tel phénomène au Stade de France. Il y a eu 2 800 faux billets scannés, et l'on peut donc imaginer qu'il y a eu 3 000 ou 4 000 faux billets, concentrés sur trois ou quatre portes, pour 20 000 personnes. On en revient à une proportion d'un faux billet pour cinq.
La faiblesse des infrastructures du côté RER D est évidente et connue de longue date : on y passe par un boyau d'étranglement. Pour cette raison, le RER B est toujours privilégié pour acheminer massivement les supporters, le RER D restant un complément.
Percer un autre tunnel sous l'autoroute serait particulièrement complexe. Le dérivatif testé lors du match suivant, où le flux passait sur le pont au-dessus de l'autoroute devant le complexe sportif Nelson Mandela, et reprenait le cheminement habituel, me semble être la solution la moins coûteuse et la plus immédiatement opérationnelle.
Le problème me semble moins venir de la passerelle elle-même que des barrages de préfiltrage qui ont aussi créé les engorgements. Sont-ils bien positionnés ? Par ailleurs, si tous les supporters arrivent au dernier moment, ils ne peuvent pas passer par cette passerelle, même si elle était élargie. L'enjeu est d'étaler les arrivées sur trois, quatre ou cinq heures, et de ne pas les concentrer dans la dernière heure et demie, à plus forte raison si les gens sont alcoolisés et moins patients.
Les effectifs des agents de circulation doivent être augmentés. Pour les jeux olympiques et paralympiques, nous mettons en place un système de volontaires chargés de l'accueil autour du Stade de France. Si nous avions eu dix-huit mois pour organiser la finale de la Ligue des champions, nous aurions imaginé de tels dispositifs. Lorsque les délais ne permettent pas de faire appel à des volontaires, la charge doit peser sur les organisateurs et être intégrée dans les coûts de l'événement. La commune ne peut pas se permettre de recruter quatre-vingts ou quatre-vingt-dix personnes chaque semaine pour accueillir le public.
La signalétique quotidienne doit être améliorée. Elle est largement sous-dimensionnée, en particulier du côté du RER D. Il n'empêche qu'une signalétique spécifique doit être mise en place lors d'événements de cette nature : elle était manifestement insuffisante, selon le témoignage de nombreux supporters qui ont eu l'impression de se perdre, notamment en sortant du RER D.
Je ne sais pas s'il y avait des nuances entre la position des préfectures. Mon rôle n'est pas d'interpréter les relations au sein de l'État. En revanche, dans la répartition traditionnelle des rôles, la préfecture de Seine-Saint-Denis s'occupe de l'intérieur du stade, tandis que la préfecture de police de Paris est chargée de l'extérieur du stade, notamment des flux de supporters à l'extérieur de la couronne du stade. Les problématiques d'ordre public échappent totalement à la municipalité. Les barrages filtrants et le plan de circulation sont élaborés sous l'autorité du préfet de police.
La coopération entre les forces de l'ordre et les stadiers est l'un des sujets auxquels nous avons été confrontés. De nouveaux dispositifs ont été testés à l'occasion du match entre Nantes et Nice en finale de la Coupe de France. Il faut repenser nos dispositifs et créer de l'attrait pour les personnes qui viennent sans billets aux abords du stade pour vivre l'événement, sans pour autant être des délinquants. Ces personnes, si elles n'ont rien à faire, participent à la montée en pression du système. Il faut développer des logiques d'animation dans l'espace public, pour que ces personnes aient un intérêt à venir sur le site. Cette piste me semble importante.
Nous nous sommes rendu compte que les dispositifs de forces mobiles dont la mission est de tenir un point ne pouvaient pas agilement s'adapter à l'évolution de la situation.
La vente d'alcool, pour moi, n'a pas grand-chose à voir avec l'application de la loi Évin. Le sujet concerne les abords du stade. Ce n'est pas parce qu'on dit aux gens que l'alcool est dangereux pour la santé qu'ils ne vont pas boire. En revanche, interdire aux supporters de consommer de l'alcool aux abords du stade à partir de 18 heures les incite à décaler leur arrivée au dernier moment : les gens ne vont pas « prendre le risque » de ne pas boire avant le match. Cela doit faire partie intégrante de la préparation de l'événement.
Lors de la finale de la Coupe de France, la vente d'alcool avait été interdite à partir de 15 heures, et tous les commerces autour du stade avaient fermé. La consommation d'alcool a été importante dans le centre-ville de Saint-Denis et à La Plaine, et nous avons connu des difficultés. Au lieu que les supporters se retrouvent sous protection policière autour de la couronne du Stade de France, 7 000 personnes se sont réunies devant l'hôtel de ville, dans un espace inadapté. Les choses se sont à peu près bien passées, il n'y a pas eu de casse, mais nous ne sommes pas passés loin de l'accident.
Les phénomènes de délinquance observés autour de ce match peuvent-ils se reproduire ? Oui, mais il faut prendre en compte le fait que ce match était sans commune mesure. Un dirigeant de l'UEFA m'a dit que des centaines de milliers de personnes avaient tenté d'obtenir un billet, alors que quelques milliers de places étaient à vendre. Cet événement a suscité une attente hors norme. Des rumeurs ont probablement circulé dans des réseaux de délinquants, par le bouche-à-oreille ou par le biais d'applications. Notre ville connaît évidemment d'énormes problèmes de délinquance, mais il y avait ce soir-là des dizaines et des dizaines de délinquants de plus que ceux que la police municipale connaît bien.