Intervention de Bernard Doroszczuk

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 17 mai 2022 à 14h35
Audition de l'autorité de sûreté nucléaire sur son rapport annuel pour 2021

Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire :

Je vous remercie de nous accueillir pour la présentation du rapport sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en 2021. Je suis accompagné des membres du collège de l'ASN, ainsi que des membres du comité exécutif. Nous interviendrons à plusieurs voix au cours de cette audition.

Au nom de notre institution, je m'associe à l'hommage qu'a rendu le président Villani à la mémoire de Bernard Bigot, avec qui nous entretenions des rapports étroits. Très grand scientifique et très grand industriel, M. Bigot était un homme passionné et passionnant.

Je vous exposerai d'abord nos appréciations générales sur les exploitants nucléaires. En complément, Géraldine Pina, commissaire issue du milieu médical, dressera un bilan rapide de la radioprotection dans ce domaine, dans le contexte particulier de la pandémie de Covid-19. Ensuite, je vous présenterai les enseignements essentiels que l'ASN tire des événements qui ont marqué la fin de 2021 et le début de 2022. Enfin, Olivier Gupta, directeur général, interviendra sur les évolutions du contrôle exercé par l'ASN et sur la préparation de notre prochain plan stratégique.

La sûreté des installations nucléaires et la radioprotection dans les secteurs médical, industriel et du transport de substances radioactives se sont maintenues en 2021 à un niveau satisfaisant, dans la continuité de l'année précédente.

Le nombre d'événements significatifs de niveaux 1 et 2 sur l'échelle internationale des événements nucléaires, dite Ines, se réduit légèrement depuis trois ans : 104 événements ont été déclarés en 2021, après 109 en 2020 et 115 en 2019. Par ailleurs, un seul des événements déclarés en 2021 est de niveau 2.

Au sein d'EDF, l'année 2021 a été particulièrement chargée en matière industrielle, après une année 2020 perturbée par la pandémie. La qualité de l'exploitation des installations s'est maintenue à un niveau satisfaisant, et des progrès ont été constatés en matière de radioprotection, après deux années de recul.

L'organisation des centrales nucléaires pour mener à bien les opérations de maintenance conséquentes, en particulier les visites décennales dont le rythme s'est notablement accéléré en 2021 - quatre visites de réacteurs de 900 mégawatts, a été satisfaisante.

Depuis quelques années, EDF améliore sa stratégie de gestion des écarts affectant les installations pour privilégier une résorption rapide, ce qui est satisfaisant.

À la fin de 2021, EDF a détecté des fissurations de corrosion sous contrainte sur des circuits directement raccordés au circuit primaire principal de plusieurs réacteurs. Ces fissures constituent un événement sérieux et inédit pour le parc ; elles conduiront à un programme de contrôle et de réparation de grande ampleur.

Dans ce contexte globalement positif, les performances de certaines centrales d'EDF en matière de sûreté apparaissent en retrait : c'est le cas de la centrale de Flamanville, qui demeure sous surveillance renforcée, ainsi que de celles de Golfech et Gravelines, du fait notamment d'un manque récurrent de rigueur d'exploitation.

En ce qui concerne Orano, le niveau de sûreté des installations est resté globalement satisfaisant en 2021. Des avancées ont été réalisées dans la gestion des projets complexes, à l'instar de ceux liés à la reprise et au conditionnement des déchets anciens. Ces avancées restent à généraliser et à consolider pour l'ensemble des projets, au regard notamment de l'analyse des causes des retards affectant les projets les plus importants.

En 2021, les dysfonctionnements de l'usine Melox d'Orano ont entraîné une saturation plus rapide que prévu des capacités d'entreposage des matières plutonifères et soulevé des enjeux importants en matière de protection des travailleurs.

Pour ce qui est du CEA, l'ASN considère que la sûreté des installations et la gestion des déchets demeurent en grande continuité par rapport à 2020, dans un contexte d'incertitude sur la poursuite du fonctionnement des installations anciennes et les projets pour les remplacer. De manière structurelle, le CEA rencontre des difficultés pour respecter les délais des projets de démantèlement, de reprise et de conditionnement des déchets anciens. Ces difficultés résultent des contraintes de gestion imposées à cet établissement public en termes d'annualité budgétaire et de plafond d'emplois : ces contraintes ne sont pas réalistes au regard de la gestion de ce type de projets.

Cette appréciation générale positive pour les exploitants nucléaires s'accompagne de trois points de vigilance.

En premier lieu, l'ensemble des exploitants doivent encore progresser en matière de maîtrise du risque incendie. Nous pensons en particulier à l'entreposage et au stockage de matériels représentant des potentiels calorifiques importants, mais aussi à la sectorisation permettant de circonscrire les feux. Ces progrès sont nécessaires, car tous les exploitants feront l'objet d'une revue internationale par leurs pairs sur ce thème en 2022 et 2023.

En deuxième lieu, si des progrès ont été accomplis, l'ensemble des exploitants doivent améliorer encore l'organisation et les moyens de la gestion de crise, s'agissant des délais de mobilisation des équipes d'intervention en situation d'urgence et de la réalisation d'exercices périodiques.

En dernier lieu, tous les exploitants doivent être particulièrement attentifs à la conformité des installations, au regard notamment des phénomènes de vieillissement, de dégradation et de corrosion, qui tendent à s'amplifier.

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