Il y a bien sûr un vrai enjeu au niveau de l'Éducation nationale. La sexualité est au coeur de l'intimité des êtres humains et son évocation bouscule tout un chacun au plus profond de son être. En faisant beaucoup de prévention sur le terrain, je me rends compte que ce n'est vraiment pas un sujet comme les autres et par conséquent, les parents sont souvent coincés dans des contradictions. Ils le formulent d'ailleurs très souvent : ils protestent quand il n'y a pas d'éducation sexuelle, et quand elle est mise en place, ils préfèreraient qu'elle émane d'eux... On est un peu dans une situation de blocage.
Pour autant, je partage ce qui a été dit, l'enjeu est vraiment de mettre en place une véritable éducation sexuelle qui tienne compte, et j'insiste là-dessus, de ce que nous disent les jeunes. Aujourd'hui, quand on regarde les études qui sont faites en France sur la sexualité des Français, on nous bassine encore avec des chiffres qui semblent dire que la sexualité des Français n'a pas évolué depuis les années 1970, parce qu'on y définit encore le rapport sexuel comme un simple coït. Or comme le disent énormément de jeunes, il se passe énormément de choses entre le cours de maths et de physique, et qui ne s'apparentent pas uniquement à des rapports sexuels tels qu'ils sont définis dans les études. Certaines pratiques sexuelles sont extrêmement banalisées dans les établissements scolaires, ce sont aussi des pratiques stéréotypées qui émanent du milieu pornographique et se sont diffusées sur le terrain : par exemple, la fameuse « totale », c'es--à-dire, pour être clair, le trio fellation-sodomie-éjaculation faciale.
Les stéréotypes de pratiques sexuelles issus de la pornographie ne sont jamais déconstruits par les contre-discours que j'évoquais tout à l'heure et c'est pourquoi il est extrêmement important de les mettre en place, à l'école bien sûr, dans des actions éducatives : il y a un énorme besoin de formation.
Malheureusement, l'Éducation nationale nous répète qu'il n'y a pas de budget pour faire intervenir des compétences extérieures, alors que cela est nécessaire car il est temps que l'Éducation nationale cesse de fonctionner en vase clos. Le recours à des intervenants formés permettraient de mettre en place des actions plus efficaces.
Nous constatons une hausse des signalements de faits dérangeants y compris chez des enfants d'école maternelle. J'en profite pour dénoncer le manque de respect de l'intimité de nos enfants dans les écoles maternelles. Aujourd'hui, ne pas respecter l'intimité des enfants, en les amenant aux toilettes à heure fixe à la convenance des adultes, c'est manifester une absence totale de respect de leur intimité. Comment voulez-vous construire une éducation affective, relationnelle et sexuelle digne de ce nom si dès le plus jeune âge, les adultes envoient des messages contradictoires ? Alors, bien sûr, parfois cela occasionne des dérapages, qu'il ne faut pas non plus confondre avec le développement normal de l'enfant, le stade de l'exploratoire notamment, que les pédiatres et les psychiatres évoquent très souvent.
En bref, l'école a un rôle important à jouer.
Par ailleurs, nous devons mettre le paquet sur les réseaux sociaux et essayer de bannir les contenus pornographiques sur ces plateformes. On en revient à la question d'accessibilité de ces outils, mais également au sujet de la vérification d'âge.
Dans le combat que nous avons mené, on n'a eu de cesse de nous répéter, et d'ailleurs, la Cnil a rendu des avis en ce sens, que la vérification d'âge, c'était très bien, mais qu'il fallait être prudent ! Il ne faudrait surtout pas qu'on collecte trop de données sur les internautes. Alors qu'aujourd'hui, le modèle économique de ces sites pornographiques, c'est justement la collecte de données ! Ils ont même publié des statistiques très précises, Pornhub étant capable de dire qui consommait quelle pornographie en fonction de son vote, Trump ou Clinton par exemple ! Vous voyez, le ciblage est plutôt au coeur de leur métier. Nous faire croire qu'un système de vérification d'âge qui ne soit pas respectueux du RGPD n'existe pas est insensé. Nous avons d'ailleurs été contactés par nombre de structures qui en proposent : il serait peut-être temps d'appuyer sur le bouton pour passer aux actes.