Intervention de Philippe Martin

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 14 juin 2022 à 9h00
Incidents survenus au stade de france le 28 mai 2022 — Audition de représentants de la sncf et de la ratp

Philippe Martin, directeur général adjoint en charge des opérations de transport et de maintenance de la RATP :

Merci de votre invitation dans le cadre de vos auditions pour faire la lumière sur les événements du 28 mai.

La RATP et la SNCF, en tant qu'opérateurs de transport, ont un rôle essentiel dans la gestion des grands événements. M. Christophe Fanichet vous a expliqué comment fonctionnait la ligne B. En temps normal, la ligne est interconnectée : les trains continuent et les voyageurs n'ont pas de rupture de charge. Cette spécificité a conduit la RATP et la SNCF à travailler ensemble au sein d'une structure commune dédiée à la ligne, via une direction de ligne unifiée, ce qui nous permet de mieux collaborer étroitement lors de l'organisation de grands événements.

Pour préparer celui-ci, nous avons tenu des réunions fréquentes depuis mars avec les organisateurs - l'UEFA, la FFF, la préfecture de police, les différents acteurs de transports -, afin d'affiner l'organisation. Nous avons communiqué à l'ensemble des parties prenantes, dont la FFF, l'information sur la grève et notamment le plan de transport. Une dépêche AFP du 26 mai indiquait clairement que la RATP invitait les voyageurs à utiliser prioritairement la ligne D. Cela figurait dans les consignes qui avaient été envoyées par courriel et confirmées à l'UEFA, à la FFF et à la préfecture de police. Nous avons collaboré ensemble.

La RATP devait régler trois problèmes : bien sûr, nous devions acheminer l'ensemble des voyageurs au Stade de France, via le RER B, la ligne 13 et un peu la ligne 12. Nous devions aussi gérer les flux autour de la fan zone et rapatrier un certain nombre de supporters anglais, qui étaient dans la fan zone mais munis de billets et qui voulaient se rendre au Stade de France. Enfin, nous devions aussi gérer la grève afin de limiter au maximum l'impact sur l'acheminement des supporters. Ce dispositif a été validé dès le 24 mai et a été transmis. Nous avons communiqué notamment sur le fait qu'il y aurait une rupture d'interconnexion sur la ligne B : dans ce cas, lorsqu'un voyageur arrive en gare souterraine de la ligne B nord, il doit remonter deux niveaux pour aller prendre un train de la ligne B en gare de surface : c'est un itinéraire peu facile, encore plus pour des étrangers non habitués des lieux. Alors qu'en face, les trains de la ligne D vont directement au Stade de France. Cela explique en quelque sorte l'évasion des voyageurs vers la ligne D. Les voyageurs venant de la ligne sud du RER B arrivant gare du Nord avaient donc le choix entre les deux itinéraires, ligne B ou D.

La délégation interministérielle aux grands événements sportifs (Diges) a aussi tenu plusieurs réunions, et notamment une réunion de terrain le vendredi 27 mai à 10 heures, sous l'égide du sous-directeur régional de la police des transports (SDRPT) de la préfecture de police de Paris, afin d'organiser l'acheminement des flux de la fan zone vers le Stade de France. Nous avions privilégié le fait que les supporters prendraient la ligne A et que, arrivés à Gare de Lyon, une partie des voyageurs seraient dirigés vers la ligne D - les équipes de la préfecture de police ont mis des agents de police, en plus de nos agents de sécurité, afin de canaliser les flux -, puis qu'à Châtelet-les Halles ils prendraient la ligne B.

En ce qui concerne l'exploitation des réseaux, des renforts d'offre ont été mis en place afin d'assurer le passage de 80 % des trains, en dépit de la rupture de charge : six navettes supplémentaires aller-retour entre 19 heures 30 et 20 heures 30, dix-neuf trains supplémentaires sur la ligne 13 du métro et vingt-neuf trains supplémentaires sur les lignes 2, 4, 6, 9 et 12, pour la desserte des fan zones notamment. Nous avons mobilisé également 300 agents de station et 300 prestataires, ainsi que 150 agents de sécurité placés à Châtelet-Les Halles, Gare de Lyon, Nation et Porte de Saint-Denis.

Concernant la coordination avec la préfecture de police le jour de l'événement, la RATP était présente au centre de coordination opérationnelle de sûreté (CCOS) et les stations les plus critiques étaient sous couverture vidéo constante.

Pour ce qui est de la communication avec la préfecture de police et avec la Fédération française de football, la réunion du 24 mai a clairement précisé les choses : la décision a été prise de reporter une partie des flux de la ligne B vers la ligne D. Au cours de cette réunion, la FFF a demandé que l'on fasse passer des messages aux supporters anglais et espagnols afin que les flux soient dissociés entre les RER B et D, d'une part, et la ligne 13, d'autre part ; ce fut chose faite à grand renfort de communication sonore et de flyers.

Le 27 mai, nous avons fait un point de situation avec la FFF sur le plan de transport ; bien entendu, nous n'avions pas, alors, d'idée claire quant au flux de report de la ligne B vers la ligne D.

Le samedi 28 mai, notre directrice de la permanence générale, qui supervise l'ensemble des réseaux, a eu au moins six échanges téléphoniques avec le correspondant de la Fédération française de football. Ces échanges ont concerné l'évacuation de la fan zone de Nation, la situation constatée sur nos réseaux et la gestion des flux. Puis, à partir de 21 heures, le coup d'envoi étant retardé, deux discussions téléphoniques ont eu lieu concernant la prolongation des dispositifs opérationnels.

Nous considérons donc que les échanges avec l'ensemble des parties prenantes ont été constants avant, pendant et après l'événement. Je précise que nous avons reçu, le 1er juin, un courriel de la FFF dont voici la teneur : « Je voulais vous remercier pour tous nos échanges ces deux dernières semaines et nos conversations récentes sur votre vécu [...] en termes de transport samedi 28 mai. » Aussi avons-nous été quelque peu surpris par les déclarations de la Fédération française de football...

Pour ce qui est de la grève, la rupture d'interconnexion a incontestablement perturbé l'organisation, nous forçant à nous adapter pour gérer les flux - reports sur la ligne D et sur la ligne 13, l'information des voyageurs étant revue en conséquence. Comme à chaque fois qu'un tel mouvement de grève survient, nous avons mis en oeuvre un plan de mobilisation de toutes nos ressources internes en mettant à contribution l'ensemble de nos agents formés à conduire des RER.

Quelques mots sur le déroulé de la soirée : nous avons constaté un flux important de supporters au départ de la fan zone de Nation entre 17 heures et 18 heures 30, mais ces déplacements se sont faits dans le calme. Les trains du RER A ont bien absorbé la charge, et la répartition, à Châtelet-Les Halles, entre les trains de la ligne B et ceux de la ligne D s'est faite sans surcharge importante d'un côté ou de l'autre.

Sur la ligne 13, entre 16 heures et 21 heures, nous avons compté 36 000 voyageurs arrivant au Stade de France - je précise que le comptage est manuel et la marge d'erreur de 5 %. Quant à la ligne B, 10 500 voyageurs l'ont empruntée pour arriver à Gare du Nord, et 6 200 pour arriver à Saint-Denis. La gestion des flux a été maîtrisée. Le dispositif de « stop and go » mis en place avec les forces de sécurité pour la fin du match était rodé ; il a permis d'éviter la thrombose dans nos espaces via des retenues en amont de l'entrée dans nos réseaux : tout s'est bien passé à la sortie de la fan zone comme à l'entrée de la ligne 13.

Nous n'avons eu à déplorer, en outre, aucun incident technique pendant la période critique. De manière générale, la forte fréquentation n'a engendré aucun incident. Nous considérons que les voyageurs ont été acheminés sans difficulté vers leur station d'arrivée. Aucune agression n'a eu lieu dans nos espaces.

Quant aux images de vidéosurveillance, elles restent stockées 72 heures avant d'être écrasées. N'ayant constaté aucun incident et ces images n'ayant fait l'objet d'aucune réquisition avant le vendredi 10 juin, nous ne les avons pas conservées.

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