Intervention de Michel Cadot

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 juin 2022 à 10h30
Incidents survenus au stade de france le 28 mai 2022 — Audition de M. Michel Cadot délégué interministériel aux jeux olympiques et paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs

Michel Cadot, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et délégué interministériel aux grands événements sportifs :

Nous avons eu évidemment des échanges assez nombreux, par l'intermédiaire de l'UEFA, avec les milieux sportifs de l'Union européenne pour déterminer, dans l'hypothèse où Liverpool arriverait en demi-finale, ce qui n'a été confirmé que le 3 mai dernier, comment se passeraient le transport et les achats de billets. Nous avons étudié les précédents, examiné la question des autorisations. C'est à ce moment-là, d'ailleurs, que nous avons pris conscience de la nécessité d'une zone de stockage, notamment du public accompagnateur et non-détenteur de billets.

Les services de la Diges, en amont - on avait en effet reçu des demandes de garanties, de facilitation et de simplification pour les visas, etc. -, ont eu des contacts avec les différents services : c'est le rôle de la Diges d'assurer cette liaison interministérielle au niveau des administrations centrales. Elle doit également respecter le rôle des autorités territoriales dans la gestion de proximité du dispositif. Je ne suis pas en mesure de vous dire dans l'immédiat avec qui exactement les contacts ont été noués, mais des entrevues ont certainement eu lieu compte tenu de la présence de délégations étrangères. Je crois me souvenir que des contacts ont été établis avec l'ambassade de France à Londres. Cela ne répond pas complètement à votre question. Quoi qu'il en soit, la liaison avec le club a été recherchée par l'intermédiaire de l'UEFA, puisque c'était notre interlocuteur.

L'UEFA participait d'ailleurs à deux des trois réunions que j'ai présidées moi-même. Elle était également représentée lors des réunions intermédiaires auxquelles la Diges a participé.

Le court délai dont nous disposions est-il à l'origine des importantes difficultés rencontrées ? La réponse est non, car nous sommes parfaitement à même, dans un site comme le Stade de France, auquel les équipes devraient être préparées, d'organiser un grand événement de cette nature en trois ou en quatre mois. Il ne s'agit pas d'un événement inédit sur ce site, qui a déjà accueilli de grandes épreuves de cette nature. Certes, le délai était court : cela exigeait de ne pas perdre de temps et d'anticiper sur les vrais sujets, mais nous en étions capables.

Il y a eu des difficultés, c'est indéniable ; il y a eu un dysfonctionnement grave. Mais c'est quelque chose qui se récupère très vite. Par exemple, lorsque j'étais préfet de police, j'ai essuyé un échec lors de l'organisation de la Coupe de France de football le 21 mai 2016. Je n'étais pas en poste depuis longtemps, mais je me suis retrouvé dès le lendemain chez M. le ministre pour en tirer les leçons. Trois semaines après, nous avons organisé l'Euro 2016 dans des conditions de risque terroriste majeur, et tout s'est bien passé. C'est la preuve que l'on peut tirer rapidement les enseignements d'un vécu négatif. Nous disposons pour ce faire de l'expérience nécessaire, nous avons des personnes qui connaissent le problème : le tout est de les avoir au bon moment, ensemble et au bon niveau de décision. C'est pourquoi, en tant que délégué interministériel aux grands événements sportifs, je n'ai pas creusé davantage certains sujets. Je sens bien que c'est l'un de vos questionnements, mais je crois qu'il faut respecter les compétences des acteurs.

Cela me conduit à répondre à votre troisième question : je pense qu'effectivement dans la conception des responsables au PC du Stade de France et dans l'organisation du dispositif par la préfecture de police, a sans doute été privilégié de manière trop prioritaire le volet ordre public. L'accent a, selon moi, trop été mis sur la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC).

Comme chacun le sait, en dehors du problème territorial entre le préfet de département et le préfet de police, se pose la question de la pluralité de directions. Il existe une direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), qui gère la délinquance courante : elle est sur le terrain, c'est elle qui s'occupe des brigades anticriminalité (BAC). Elle était finalement moins associée que nécessaire et nous aurions pu bénéficier d'un renfort s'il y avait eu une réaction sur ce volet. Je ne pense pas du tout qu'il s'agisse d'un problème d'articulation entre le directeur de la DOPC et le préfet. Le directeur de la DOPC faisait son travail, de la manière qui avait été décidée et avec les moyens accordés. Mais, in fine, le défi n'était pas exactement celui pour lequel ses moyens avaient été dimensionnés...

Enfin, vous m'avez interrogé sur la réactivité face aux faits de délinquance. Ce qui s'est produit à 14 heures, ce n'était pas la même chose que ce qui s'est produit dans la foule, puis sur le parvis. Dans la foule, il y avait beaucoup de pickpockets et nous avons assisté à de nombreuses opérations d'arrachage de biens ; il s'agissait surtout de tirer profit du public étranger, qui constituait une cible facile.

Ce qui s'est produit à 14 heures, c'est autre chose : nous avons été confrontés à de petites bandes et à des tentatives d'intrusion. Des individus sont arrivés autour du stade - on rejoint ici la question des billets - et il y a eu des bagarres. Bref, c'était une autre forme de délinquance : il s'agissait non pas d'une délinquance d'appropriation, mais d'une délinquance procédant par des opérations « coups de poing », si je puis m'exprimer ainsi, pour parvenir à accéder au stade.

Madame la sénatrice, pour ce qui concerne le suivi des foules, oui, il faut sans doute une approche plus collaborative entre les opérateurs de transports et les services de sécurité. Les dispositifs d'information sont disponibles, mais il faut les actionner de manière adaptée à l'évaluation des risques faite dans le schéma d'organisation. Le système de comptage et de suivi de la RATP est destiné à s'assurer qu'il n'y a pas d'engorgement et vise à orienter les flux en fonction des stations. Celui du PC du Stade de France est davantage appuyé par la vidéo - la vidéo du stade et autour du stade, celle de la ville de Saint-Denis et, éventuellement, celle de la préfecture de police. C'est le suivi de cette foule qui aurait pu être amélioré, grâce à l'intelligence artificielle et à l'emploi de quelques algorithmes sur les flux ou sur leur accumulation. À dire vrai, ce n'est sans doute pas l'enjeu technique le plus important pour le stade, mais il le sera pour les jeux Olympiques. C'est la raison pour laquelle je me suis permis d'insister sur ce point, car ce serait un ajout législatif utile dans ce cadre-là.

Quid des autres pistes que le gazage ? Je n'ai pas de solution miracle. Chaque pays a sa propre approche en termes d'ordre public. Je pense, néanmoins, qu'il serait utile d'explorer quelques pistes nouvelles. On pourrait, lorsqu'il n'y a pas d'accumulation d'une foule trop dense, faire appel aux brigades montées. Ce genre de supervision un peu impressionnante pourrait sans doute permettre, sur un parvis comme celui du Stade de France, de mieux accompagner la surveillance. C'est un sujet complexe, sans doute faudrait-il interroger des spécialistes de la sécurité, notamment au niveau national.

M. Assouline m'a questionné sur la répartition des places entre les différents acheteurs, qu'il s'agisse des clubs, des hospitalités, des partenaires ou du grand public. Il est allé jusqu'à dire que certains actes de délinquance pouvaient s'expliquer par cette répartition. Je ne le crois pas. Dans le cadre de ce match, la ville de Saint-Denis - c'est l'un des points que nous avions évoqués lors des réunions de préparation que je présidais - a obtenu plus de 500 billets pour sa population, qu'elle a distribués. Le soir, comme vous le savez, elle a prévu sur la fan zone, installée dans le parc de la Légion d'honneur, 6 000 places à destination du public séquano-dionysien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion