Intervention de Christian Pinaudeau

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 15 juin 2022 à 9h30
Prévention et lutte contre l'intensification et l'extension du risque d'incendie — Audition de représentants des sylviculteurs des sapeurs-pompiers de france et de l'institut national de recherche pour l'agriculture l'alimentation et l'environnement inrae

Christian Pinaudeau, ancien secrétaire général du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest :

L'expression de « mégafeux » est issue de la presse. Elle ne correspond à aucune définition scientifique. Les mégafeux seraient compris entre 1 000 et 10 000 hectares, ce qui voudrait dire, comme le disait le président de la FNSPF, que ces « mégafeux », en France, ont toujours existé. Quand on entend ce terme, on pense d'abord aux grands feux de Sibérie, du Québec ou des États-Unis parce qu'ils sont devenus totalement incontrôlables. Aucun moyen humain ne peut les arrêter : il n'y a plus qu'à prier. Seuls une pluie très forte, un fleuve, une montagne ou l'océan peuvent les arrêter.

Les mégafeux ne sont pas le vrai sujet. L'enjeu est de savoir comment éviter les risques, ou, en tout cas, les réduire, dans une approche préventive.

La politique de sécurité civile est fondée depuis longtemps sur un triptyque, quels que soient les secteurs : dans l'ordre hiérarchique, la prévention est première, puis vient la prévision et, enfin, la lutte. Le rapport flash de l'Assemblée nationale indique : « il est évident que le bon fonctionnement de la lutte contre les incendies dépend fortement de leur prévention. » La multiplication des moyens de lutte n'est pas la solution - nous le saurions, sinon, depuis longtemps. Il s'agit d'une solution très coûteuse ; les moyens ne sont pas infinis. La prévention et la prévision sont faiblement développées en milieu forestier, voire ne le sont pas du tout ; étant à la retraite, mes affirmations ne coûteront rien à ma carrière.

Certains constats sont partagés par tous les acteurs de la lutte contre les incendies. Seule la foudre est une cause naturelle : l'homme, directement ou non, est derrière tous les autres départs de feux. Le grand incendie en Sibérie, toujours pas éteint, provient d'une rupture de câble électrique. Près de 95 % des feux sont d'origine anthropique. Le réchauffement climatique, indiscutable, conduit à une augmentation des risques ; une autre cause est la densification démographique. Pour le dire simplement, le feu suit l'homme. Cette extension des risques est cartographiée, depuis le rapport Chatry de 2010 : à échéance 2030 et 2060, on sait, globalement, quelles zones seront menacées. Nous ne pourrons pas dire que nous n'étions pas au courant.

Les solutions techniques, également, sont connues. Elles reposent sur une politique de prévention systématique à l'échelle de chaque massif forestier. À l'exception de la forêt de Gascogne, il n'y a pas de politique de prévention systématique dans les autres régions, seulement quelques expériences. Pourquoi ? La forêt, comme les pompiers, est invisible : on la voit seulement quand elle tombe ou qu'elle brûle. Entretemps, il ne se passe rien.

Le coeur du sujet est d'ordre politique, et non technique, car les solutions opérationnelles existent déjà. Le danger de l'expression « mégafeux » se trouve précisément dans cette espèce de connotation qui conduit à penser que le phénomène est inévitable, naturel, et donc que nous ne pouvons rien, si ce n'est fuir. Cela fournit un dangereux alibi supplémentaire pour ne rien décider politiquement. Étant donné le contexte actuel, la protection de la forêt devrait être une priorité nationale : cela n'est pas encore le cas.

Ce contexte est connu : réchauffement climatique, augmentation des populations, en particulier dans certaines zones en période estivale... De fait, l'intensification du risque suit les migrations de populations. Dans le Sud-Ouest, nous avons développé une technologie de géolocalisation des départs de feux : la corrélation est absolument parfaite avec la carte des infrastructures, que ce soient les routes, les autoroutes, les lignes de chemin de fer ou les lotissements.

Il faudrait engager la responsabilité de ceux qui veulent laisser faire la nature en forêt.

Une politique de prévention systématique est tout à fait possible : les modèles existent et sont opérationnels ; une décision politique suffit à les engager.

Toutes les conditions pour leur mise en oeuvre sont connues.

La première est l'application des textes. Nous avons un arsenal juridique complet. J'ai cru entendre que vous vouliez préparer une proposition de loi...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion