Les études les plus récentes conduites au niveau européen et français nous montrent que cette extension de la zone à risque est une sorte de tache d'huile. À deux exceptions près que je mentionnerai après, les territoires ne vont pas changer profondément d'un seul coup. Il s'agit de zones faiblement à risque qui vont devenir davantage à risque. À l'échéance de 2050, l'essentiel des efforts est à porter sur les zones en marge des actuelles zones à risque élevé.
Pour déterminer les zones d'intérêt, il est possible de s'appuyer sur les bases de données recensant les feux, même s'il faut mener un effort de systématisation des déclarations, afin de détecter les endroits où les risques de feux de forêt émergent. Il y a maintenant une base de données gérée par l'IGN, ayant permis de réaliser d'importants progrès en la matière, mais il faut poursuivre en ce sens.
La première des deux exceptions que j'évoquais concerne les scolytes. Ce problème est récent en France, mais bien connu aux États-Unis depuis des années. À court terme, les scolytes font roussir sur pied les peuplements, ce qui non seulement disperse la végétation, et donc le combustible, mais l'assèche aussi. Or un peuplement complètement asséché équivaut à un doublement de la vitesse du vent. Ainsi, des zones qui n'étaient pas ou peu sensibles au risque incendie, le deviennent fortement. Ce sont autant de points de vigilance particuliers.
La seconde exception est liée à l'agriculture : les feux de chaume, qui partent des zones agricoles, se propagent à la forêt située à proximité. Ces phénomènes se sont accentués ces dernières années. Il s'agit aussi d'un point de vigilance.
Des outils existent pour cartographier ces zones. Le ministère de l'écologie nous a commandé une carte d'occurrence à l'échelle du Sud-Est. S'appuyer sur ce type d'outils permet de mieux déterminer les zones d'émergence des risques pour y concentrer l'essentiel des mesures.
La prévention joue un rôle essentiel. Des aménagements forestiers, comme des pistes, par exemple, permettent d'éviter que beaucoup de feux ne détruisent plus d'un hectare. Il faut être conscient que la zone Sud-Est connaît déjà des indices de danger sans commune mesure avec ceux observés en en Grèce, au Portugal ou en Californie. Or ces indices vont continuer d'augmenter sous l'effet du changement climatique. Une politique de lutte et de prévention très efficace nous a permis de réduire le nombre de feux qui nous échappent à environ 200 par an dans la zone Sud-Est. Mais nous ne réalisons que peu de progrès en matière de lutte contre les feux qui nous ont échappé. On dénombre aujourd'hui six à sept feux de plus de 100 hectares par an, treize lors de grosses saisons. À la fin du siècle, on anticipe qu'il y en aura quarante par an. Il faut donc dès aujourd'hui diviser par quatre le nombre de petits feux pour en rester au même niveau de grands feux. On pourra sans doute réduire leur nombre, mais jamais les prévenir totalement. Il est donc très important de développer des mesures pour défendre les habitations, car des feux extrêmes - je préfère cette expression à celle de « mégafeux » - se déclencheront partout, quelles que soient les mesures de prévention. Un feu extrême est statistiquement exceptionnelle, que ce soit en termes de taille ou de danger. Mais comme le disait un statisticien célèbre : « Il est impossible que l'improbable n'arrive jamais. » Le feu de Gonfaron, en août 2021, en est un bon exemple : même si les services n'ont pas été désorganisés, dès lors qu'il faut traiter 80 kilomètres de lisière, on ne peut plus protéger toutes les habitations.
Les OLD, la culture du risque, l'information des populations sont des sujets importants. Je suis effaré de voir que les médias ne nous sollicitent qu'en été, au coeur de la saison des feux. Je leur demande souvent de me contacter en amont, pour inciter les gens à mettre en oeuvre leurs OLD en hiver ou au printemps - bien évidemment, aucun journaliste ne m'a jamais rappelé.