Intervention de François Pimont

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 15 juin 2022 à 9h30
Prévention et lutte contre l'intensification et l'extension du risque d'incendie — Audition de représentants des sylviculteurs des sapeurs-pompiers de france et de l'institut national de recherche pour l'agriculture l'alimentation et l'environnement inrae

François Pimont, ingénieur de recherche en écologie des forêts méditerranéennes à l'Inrae :

Pour répondre à la question de Mme Préville sur les températures, Météo-France prévoit le niveau de danger quotidien à partir de différents indicateurs.

Nos recherches tentent de mieux comprendre les effets de la sécheresse et de la température sur l'état hydrique des végétaux, qui est un facteur déterminant : la quantité d'eau dans les végétaux va influer sur la virulence des feux. Une meilleure connaissance de l'hydraulique des plantes et les données satellitaires de surveillance permettent de cartographier plus précisément les risques.

Actuellement, le pilier du suivi de l'état de la végétation est le Réseau hydrique. Organisé par l'ONF, il mesure toutes les semaines l'état hydrique des végétaux dans une trentaine de sites en France. Sa situation budgétaire est extrêmement tendue, alors que les sommes en jeu pour financer ce réseau sont presque négligeables par rapport au coût des incendies de forêt. Ainsi, le nombre de points de mesure a dû être réduit, et les mesures commencent de plus en plus tard, le budget n'étant pas suffisant pour couvrir l'ensemble de la saison - aujourd'hui, les relevés n'ont toujours pas commencé, alors que des feux se déclarent déjà dans les Bouches-du-Rhône ou dans le Gard. Un meilleur suivi de la végétation est nécessaire.

Ces mesures sont croisées avec les observations satellitaires, afin d'étendre spatialement les informations. Des choses doivent encore être développées avant que cela ne puisse devenir opérationnel.

Je voudrais revenir sur la question des mégots, qui représentent entre 2 % et 3 % des causes d'incendies, pour 6 % des surfaces brûlées. Certains endroits souffrent clairement d'un déficit d'information : sur les aires d'autoroutes traversant le Var, aucune information concernant les feux de forêt n'est disponible, et certaines personnes en transit peuvent facilement ne pas s'apercevoir qu'elles se trouvent dans un territoire à risque. Aux États-Unis, dans tous les territoires à risque, un panneau avec un camembert indique le niveau de danger dans chaque commune. En France, il y a un déficit d'information : il faut sensibiliser le public au fait que nous nous trouvons dans une période à risque, même si la saison des feux peut désormais s'étendre tout au long de l'année.

Concernant la déprise agricole, il faut prendre en compte le contexte des observations. Notre étude - qui reste une étude préliminaire - montre qu'à l'échelle de l'ensemble du Sud-Est, la déprise agricole ne peut pas être considérée comme un facteur décisif de la variation des activités de feu. Cela ne veut pas dire que, plus localement, elle n'a aucun effet. Par exemple, dans l'Aude ou les Pyrénées-Orientales, nous suspectons que la déprise agricole liée à la vigne a des effets sur les incendies. Nous creusons actuellement la question avec la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de l'Aude.

Si j'ai parlé des États-Unis au sujet des scolytes, c'est que l'interaction entre les scolytes et les feux existe déjà là-bas. En France, il y a des scolytes depuis de nombreuses années dans l'Est de la France, mais ils étaient relativement peu présents dans les zones à risque de feux de forêt. Pour cette raison, j'ai indiqué que cette interaction scolytes-feux avait été relativement peu considérée jusqu'à maintenant.

Mais il faut reconsidérer la question. Les attaques massives de scolytes, très amplifiées par la sécheresse, pourraient favoriser d'importantes activités de feux dans de nouvelles zones à risque. Aux États-Unis, les études montrent que les scolytes font doubler le niveau de danger. On peut rapidement basculer d'un côté à l'autre du seuil : des centaines d'hectares connexes roussis par les scolytes peuvent être le lieu d'un incendie important. Il s'agit donc d'un point de vigilance, à ajouter aux feux agricoles dans les facteurs de « sauts » en discontinuité de la tache d'huile.

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