Pour revenir sur les conséquences des feux sur la faune et la flore, il faut prendre en compte la répétition des feux de forêt sur un même territoire, qui change par nature la flore et la faune.
La ressource en eau représente une réelle difficulté pour nous. Il est nécessaire de se réapproprier les techniques dites « ancestrales », du brûlage tactique et dirigé, qui m'ont été apprises dès mon plus jeune âge lorsque mon père nettoyait ses châtaigniers. Il me livrait cette phrase : « Dans une châtaignerie, il faut que tu voies une souris courir. » Aujourd'hui, dans le massif des Maures, je pense qu'il faut chercher la souris.
Le vrai sujet est l'exploitation et la rentabilité des massifs. Il faut prendre en compte la parole de ceux qui vivent de ces massifs, et en particulier du monde agricole. L'exploitation touristique n'est pas suffisante pour que nos forêts soient rentables, et il faut une exploitation agricole. Il faut trouver des débouchés, mettre en place des filières, pour que la forêt soit valorisée et entretenue.
C'est autour de ces questions de rentabilité et d'entretien de nos forêts qu'est faite la consultation des populations locales.
Au sujet des vecteurs législatifs, la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) me semble constituer un levier sur lequel vous pourrez intervenir, notamment au sujet des ressources humaines et matérielles, en particulier concernant la flotte des avions bombardiers d'eau.
La mutualisation européenne est une évidence. La base de Nîmes a été reconnue comme un pôle d'excellence par l'Union européenne, mais le renouvellement de la flotte ne progresse pas assez vite par rapport au dérèglement climatique. Pour autant, l'ensemble de la flotte a été remplacé. De gros efforts ont été faits par l'État, et nous disposons de six Dash. Un Canadair coûte de l'ordre de 25 millions d'euros, et le remplacement de la flotte de Trackers a coûté 80 millions d'euros.
Lorsque vous voyez passer un groupe d'intervention spécialisé dans les feux de forêt composé de quatre camions, cela représente un million d'euros pour les collectivités. Les gros camions des Bouches-du-Rhône coûtent chacun 480 000 euros.
Pour le service que je dirige, les 200 millions d'euros injectés dans le budget du SDIS des Bouches-du-Rhône représentent 4,8 milliards d'euros de « sauvé ». Avec les sapeurs-pompiers, c'est comme avec l'assurance de votre voiture ou de votre habitation ; on peut faire ce qu'on veut, mais il faut en assumer les conséquences.
Au sujet des ressources humaines, le volontariat est un élément important pour cultiver la culture du risque. Vous avez parlé du SNU, mais il faudrait le rendre obligatoire et rallonger sa durée. J'ai évoqué la question avec un collaborateur du président de la République lors de sa venue à Marseille. La jeunesse d'aujourd'hui est ouverte et agile, mais il lui manque un élément important : un cap, la faculté de savoir se fixer un objectif et des limites. À notre époque, nous sommes passés par des systèmes qui nous ont donné un cap et des limites : l'éducation parentale, l'instruction nationale et le service national.
Les moyens numériques permettent de développer la prévention et la détection. L'intelligence artificielle nous permet de travailler sur les prises d'appels, de cartographier numériquement les parcours de feu, d'anticiper davantage à l'aide de simulateurs qui participent à la formation des professionnels. Les SDIS investissent dans l'innovation, et il y aura toujours à faire dans ce domaine. En revanche, je pousse un cri d'alerte : il ne faut pas que l'innovation soit un prétexte pour systématiquement mettre aux normes des équipements, qui induit des coûts importants et une augmentation des charges.
Je n'ai pas les compétences pour répondre au sujet des pâturages, mais je sais que lorsque l'on abandonne un territoire, il tombe en friche, et que les friches sont dangereuses pour les incendies.