Intervention de Isabelle Briquet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 29 juin 2022 à 9h05
Contrôle budgétaire – secrétariats généraux communs – communication

Photo de Isabelle BriquetIsabelle Briquet :

rapporteure spéciale. – Les secrétariats généraux communs, ou SGC, ont été créés il y a un an et demi, le 1er janvier 2021. Ils mutualisent dans chaque département les fonctions support des préfectures, des sous-préfectures et des directions départementales interministérielles, les DDI.

Au titre de l’article 3 du décret du 7 février 2020, « le secrétariat général commun départemental assure la gestion de fonctions et moyens mutualisés en matière budgétaire, d’achat public, d’affaires immobilières, de systèmes d’information et de communication, de logistique, de ressources humaines, de relation avec la médecine de prévention et de mise en œuvre des politiques d’action sociale ».

Alors que les SGC devaient initialement être mis en place au plus tard le 1er juillet 2020, la crise sanitaire a conduit à retarder leur installation au 1er janvier 2021. Ce calendrier a été particulièrement complexe pour les services. Outre les conséquences de la crise sanitaire sur les services territoriaux de l’État, ces derniers ont également dû mener en parallèle des réformes importantes : transfert des missions « Sport, jeunesse et vie associative » au ministère de l’éducation nationale également au 1er janvier et, au 1er avril, la création simultanée des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités, les DDETS, et des services de la main d’œuvre étrangère au sein des préfectures.

Je considère, comme je l’ai déjà fait lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 en novembre 2020, que ce calendrier était trop serré et n’a pas permis d’accompagner sereinement les transformations. Les conséquences de ce démarrage difficile se font encore sentir aujourd’hui sur de nombreux sujets. De plus, pour anticiper les très nombreuses difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre de la réforme, une véritable phase d’expérimentation aurait été d’une grande utilité. En effet, les quelques initiatives prises en la matière ne prenaient pas en compte les services de ressources humaines (RH) qui constituent pourtant le cœur du sujet.

La création des SGC répondait initialement à trois objectifs principaux. Il s’agissait tout d’abord de renforcer les compétences des agents chargés des fonctions support, en leur permettant de développer des expertises spécifiques. L’enjeu était ensuite de garantir la réalisation effective des missions support sur l’ensemble du territoire. En effet, alors que l’application des schémas d’emplois des différents ministères a conduit à une diminution très importante des effectifs affectés à ces fonctions support, les mutualisations ont notamment pour objectif de garantir que ces missions pourront continuer à être exercées dans de bonnes conditions. Enfin, les mutualisations devaient également permettre de dégager des marges d’emploi, celles-ci devant ensuite être réallouées vers les fonctions métier. Ainsi, les autres ministères ont en quelque sorte accepté de transférer les effectifs et les crédits de leurs fonctions support en contrepartie de l’engagement selon lequel la moitié des économies qui en résulteraient leur bénéficieraient directement via une augmentation de leur plafond d’emploi sur les fonctions métier.

Force est de constater que la réforme n’a pas atteint ses objectifs. En effet, il ressort des déplacements effectués et des différentes auditions menées que les services rendus par les SGC ne répondent pas toujours aux attentes des services des DDI et des préfectures.

Alors que les agents avaient le choix de rejoindre ou non les SGC, près d’un quart des agents issus des DDI ont fait le choix de ne pas rejoindre cette nouvelle structure, entraînant une perte massive de compétences, en particulier sur les sujets RH. Les ministères ont dû conserver au sein des DDI un nombre important d’agents ayant choisi de ne pas suivre leurs postes. Des corrections techniques sur les plafonds d’emplois leur ont été octroyées, à hauteur de 392 équivalents temps plein travaillés (ETPT) supplémentaires.

À très court terme, le bilan de la réforme est donc loin d’être satisfaisant, puisqu’elle a entraîné une perte de compétences, notamment sur les fonctions RH, et une hausse du niveau global de l’emploi du fait des corrections techniques accordées aux ministères.

Pour pallier en partie les refus de suivre leurs postes de la part des agents, certains ont pu, dans un premier temps, continuer à effectuer des fonctions support depuis les DDI, en travaillant sous lettre de mission de leur directeur. De plus, les transferts opérés depuis les DDI lors de la création des SGC se sont avérés légèrement inférieurs aux effectifs antérieurement affectés aux fonctions support au sein des DDI. La baisse des effectifs, même légère, a mis en difficulté les SGC dès leur lancement. Si, pendant la période de création, les agents des SGC nouvellement créés ont pu faire de nombreuses concessions, il est urgent que ces nouveaux services trouvent leur rythme de croisière.

Pour ce faire, le rapport propose plusieurs axes.

Il faut d’abord remettre de l’humain et de la proximité entre les services bénéficiaires et les secrétariats généraux communs.

Outre les problèmes de fond, l’éloignement des SGC par rapport aux DDI, le recours à des boîtes fonctionnelles, la difficulté à joindre par téléphone les gestionnaires ont constitué de réelles difficultés sur le volet ressources humaines au lancement de la réforme. Pour que les gestionnaires RH puissent se consacrer à leur mission et développer un vrai suivi, il faut leur dégager du temps et, d’une certaine manière, leur simplifier la vie. C’est le sens des développements informatiques, que je recommande de poursuivre et d’accélérer. Les agents ont en effet à gérer de nombreux logiciels de ressources humaines, cloisonnés entre les ministères, qui sont énumérés dans mon rapport.

De plus, il me semble essentiel de poursuivre les différents chantiers de convergence RH déjà engagés sur le périmètre de l’administration territoriale de l’État (ATE).

La convergence intéresse en premier lieu l’égalité républicaine, au titre de laquelle il est difficilement justifiable que deux agents ayant la même ancienneté, dans un même bureau et sur une même mission soient rémunérés différemment. De plus, la multiplicité des régimes indemnitaires et de gestion est source d’une grande complexité, ce d’autant plus en présence d’un service gestionnaire unique. La convergence de l’action sociale me paraît également essentielle.

Il est évidemment très difficile de réaliser cette convergence, d’autant que celle-ci ne s’entend le plus souvent que dans le sens d’un alignement par le haut, ce qui pose la question de la soutenabilité budgétaire d’une telle évolution.

En tout état de cause, il me semble indispensable de mieux associer les SGC à ces chantiers, pour évaluer leur mise en œuvre sur le terrain. En effet, il est important que ces chantiers aboutissent à une simplification pour les agents. Je propose la désignation d’un groupe témoin de SGC pour organiser l’itération entre l’administration centrale et le réseau territorial.

Je considère surtout qu’il faut absolument intégrer une dimension plus qualitative à la gestion des ressources humaines. Pour prendre une citation rapportée d’un Président de la République dont vous reconnaîtrez peut-être le style : « en RH, on n’est pas mauvais, on est nuls ». Non que je partage entièrement le constat, mais il me semble indispensable de profiter de la création des SGC pour développer une vraie fonction ressources humaines pour le périmètre de l’administration territoriale de l’État.

Cela suppose de sanctuariser les effectifs des services de ressources humaines et de changer de regard sur la réforme. Loin d’être un vivier pour les économies d’emploi, les SGC doivent être regardés comme une occasion de développer une fonction RH de qualité appuyée sur une gestion proactive des carrières, et sur un vrai accompagnement des personnes. On ne sait que trop à quel point la qualité de la gestion des ressources humaines est importante pour la motivation des agents et le bon fonctionnement des services.

Il faudra aussi donner les outils nécessaires à l’échelon départemental, ce qui impliquera la poursuite de la déconcentration des actes de gestion.

De plus, alors que l’on assiste à un renforcement du rôle du préfet dans la gestion des ressources humaines du périmètre de l’administration territoriale de l’État, il me semble indispensable de renforcer le dialogue social sur ce dernier. Je propose d’organiser à un rythme au moins annuel la réunion des différents comités techniques de la préfecture et des DDI.

Je souhaite conclure sur la question essentielle de l’identité des SGC. Le SGC a une vocation interministérielle, mais peine à trouver sa place. Souvent identifié aux services de la préfecture, il n’est pas véritablement considéré comme un service interministériel. Pour y remédier, j’insiste sur la nécessité de nommer des référents de proximité dans tous les départements, ce qui permet de conserver une porte d’entrée pour chacune des DDI et de répondre aux attentes des directeurs et des services. Il est également très important de remettre de la proximité en permettant l’organisation de permanences dans les services de la préfecture, des sous-préfectures et des DDI.

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