rapporteur. – Pour retrouver des marges de manœuvre afin de prolonger la logique de la réforme, il convient d’abord d’adapter le financement mutualisé de la formation professionnelle aux besoins du marché du travail.
Sans remettre en cause la liberté des actifs d’accéder à la formation professionnelle de leur propre initiative à l’aide du CPF, il paraît possible de mieux maîtriser son pilotage et de le recentrer sur les enjeux d’employabilité et de parcours professionnels.
Afin de responsabiliser les bénéficiaires et d’élever l’intérêt des formations prises en charge, nous proposons d’instaurer un reste à charge pour l’utilisateur du CPF, même modique, en cas de formation ne débouchant pas sur une certification inscrite au RNCP. Seraient ainsi concernées certaines des formations les plus demandées dans le cadre du CPF, telles que la préparation au permis de conduire ou les formations en langues étrangères.
Le reste à charge que nous proposons d’instaurer pour les utilisateurs du CPF pourrait cependant être supprimé, d’une part, en cas de co-financement par l’employeur, afin de promouvoir la co-construction des parcours de formation ; d’autre part, en cas de validation du projet de formation dans le cadre d’un CEP, afin d’améliorer l’accompagnement des utilisateurs.
Afin de développer les pratiques d’abondement du CPF par l’employeur, qui restent marginales, la négociation collective apparaît comme un levier pertinent. Nous préconisons donc d’encourager la conclusion d’accords collectifs prévoyant des mesures d’abondement en inscrivant ce thème de négociation au titre des dispositions d’ordre public dans le code du travail et en étendant cette négociation obligatoire à toutes les entreprises de 50 salariés et plus.
Il convient par ailleurs de renforcer la lutte contre la fraude au CPF et le démarchage abusif, même si leur impact financier reste à ce jour limité : environ 15 000 comptes ont été atteints au total, d’après la Caisse des dépôts et consignations.
Le mode de financement de la formation des demandeurs d’emploi mérite également d’être réévalué. Les fonds mutualisés de la formation professionnelle y contribuent pour une large part, à travers France compétences, dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC). Cette contribution est rattachée au budget de l’État par le biais d’un fonds de concours. Son montant a été fixé à 1,632 milliard d’euros pour 2021 et 1,684 milliard d’euros pour 2022.
La légitimité de ces versements est contestée : le pilotage du plan étant maîtrisé par l’État, en s’inscrivant pour partie dans le cadre des pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC), les entreprises ont le sentiment d’être « payeurs aveugles » sur ce volet où elles ne voient pas de retour sur investissement. Dans un référé d’avril 2021, la Cour des comptes avait relevé le « fort éparpillement » des actions financées par le PIC. Parmi celles-ci figure par exemple la Garantie jeunes, remplacée depuis le 1er mars dernier par le contrat d’engagement jeune.
Les partenaires sociaux appellent ainsi à distinguer, au sein du PIC, ce qui relève de dispositifs apportant des réponses concrètes aux besoins de compétences des entreprises, que peuvent financer les contributions des employeurs, et les priorités d’ordre national relevant de la responsabilité financière de l’État.
Cette clarification devrait conduire à plafonner la dotation de France compétences au PIC à un montant fixé par accord entre les partenaires sociaux. En outre, il nous semblerait cohérent que cette dotation diminue concomitamment à l’amélioration de la situation du marché du travail. La contribution de France compétences au PIC pourrait évoluer, de manière contra-cyclique, en fonction de l’évolution du taux de chômage.
En sens contraire, il serait souhaitable, et plus transparent, d’améliorer le recours des demandeurs d’emploi au CPF, qui est lui aussi alimenté par la contribution formation des employeurs.
Nous soulignons également l’importance de prendre en compte, le moment venu, les observations du comité scientifique chargé de l’évaluation du PIC.