rapporteur. – Il convient en outre de mieux réguler l’apprentissage, sans freiner son développement.
Tout d’abord, la détermination des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage – le « coût-contrat » – pourrait être davantage encadrée.
La réforme de 2018 a confié aux branches professionnelles le soin de déterminer les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, sous la supervision de France compétences, qui doit assurer la convergence de ces niveaux et contribuer à l’équilibre financier du système. Les opérateurs de compétences financent ensuite les CFA selon les niveaux de prise en charge définis pour chaque formation en apprentissage.
Afin d’assurer la convergence des coûts, France compétences émet des recommandations aux branches professionnelles lorsque celles-ci proposent des niveaux de prise en charge trop divergents. Si les branches ne prennent pas en compte ces recommandations, le niveau de prise en charge concerné est déterminé par décret.
Le premier exercice de détermination des niveaux de prise en charge a été lancé en 2019. France compétences a constaté que 70 % des valeurs fixées par les branches étaient convergentes. Ses recommandations, émises sur les valeurs non convergentes, ont été suivies à 98 % par les branches professionnelles.
Un nouvel exercice de détermination des coûts-contrats a été engagé à la fin de 2021, en prenant en compte l’observation des charges moyennes des CFA qui ont pu être collectées grâce à la remontée de leurs comptes analytiques au titre de l’année 2020. Ces données comptables ont révélé un écart d’environ 20 % entre le coût moyen observé et la moyenne des niveaux de prise en charge.
France compétences a donc invité les branches à ajuster leurs niveaux de prise en charge pour qu’ils soient plus proches des coûts réels des CFA, sur la base des données collectées. Cet exercice a nécessité un délai plus important qu’envisagé, car France compétences a considéré que ces coûts observés n’avaient pas été suffisamment pris en compte par les branches dans leurs premières propositions de niveaux de prise en charge.
Après ces deux exercices de détermination des coûts-contrats, nous considérons que les leviers de régulation de l’apprentissage doivent être renforcés pour assurer sa soutenabilité. En particulier, les recommandations de France compétences doivent pouvoir mieux prendre en compte l’observation des coûts.
Nous proposons donc qu’une concertation soit menée entre France compétences et les branches, afin d’engager un mouvement général de diminution des niveaux de prise en charge, pour les rapprocher des coûts réels des CFA.
Il conviendra d’élaborer une démarche qui préserve la viabilité des CFA et la dynamique en faveur de l’apprentissage, tout en assurant le juste financement et la soutenabilité du système. Dans ce cadre, il faut accorder davantage de temps aux branches pour faire évoluer ces coûts-contrats, et il convient de mieux les accompagner dans cet exercice.
Le maintien d’une formation en apprentissage de qualité dans un contexte de forte croissance des effectifs passe par le renforcement du soutien aux investissements des CFA. Les représentants des CFA que nous avons entendus estiment le besoin de financement en investissement à 700 millions d’euros pour 2022.
Il existe, pour soutenir ces dépenses d’investissement, des enveloppes budgétaires à la main des conseils régionaux. France compétences finance ainsi deux enveloppes : l’une pour le fonctionnement, à hauteur de 138 millions d’euros, l’autre pour l’investissement, à hauteur de 180 millions d’euros. Les conseils régionaux disposent ensuite de ces enveloppes pour soutenir les CFA. Alors que l’enveloppe consacrée au soutien du fonctionnement était sous-consommée, le Gouvernement a autorisé par décret la fongibilité des enveloppes, ce qui permet de donner plus de latitude aux régions pour soutenir les investissements des CFA.
Nous proposons d’aller plus loin en prévoyant que les montants alloués par l’État varient en fonction de l’évolution des effectifs d’apprentis, car les dotations fixées en 2018 ne semblent plus adaptées à la croissance de l’apprentissage.
Les besoins spécifiques pourraient en outre être mieux identifiés dans le cadre de la prise en charge des contrats d’apprentissage. À cet égard, nous considérons qu’une étude doit être menée par France compétences pour évaluer les besoins spécifiques des apprentis et des CFA dans les territoires d’outre-mer, afin de s’assurer de la bonne adaptation des dispositifs et de proposer, le cas échéant, les ajustements nécessaires.
Par ailleurs, nous regrettons que la part de personnes handicapées parmi les nouveaux entrants en apprentissage stagne depuis 2015, malgré les dispositifs de soutien existants. Celles-ci pourraient bénéficier d’un soutien renforcé grâce à l’enveloppe régionale d’aide au fonctionnement des CFA.
Ensuite, en complément de la régulation des coûts, il est possible d’agir sur les ressources destinées au financement de l’apprentissage.
La taxe d’apprentissage a été intégrée à la contribution unique pour la formation professionnelle et l’apprentissage (Cufpa) depuis la réforme de 2018. Elle est fixée à 0,68 % de la masse salariale. Sa part principale (0,59 %) finance l’apprentissage et son solde (0,09 %) des formations initiales technologiques et professionnelles hors apprentissage.
Cette taxe connaît toutefois de nombreuses exemptions et exonérations. Certains secteurs d’activité ou catégories d’employeurs ne sont pas redevables de la taxe d’apprentissage : associations, fondations, coopératives agricoles, mutuelles, organismes HLM, secteur de l’enseignement, etc. En outre, les entreprises d’Alsace et de Moselle sont assujetties à des taux réduits.
Ces exemptions sont le fruit d’une sédimentation de mesures de soutien sectorielles dont la pertinence n’apparaît plus forcément justifiée. En effet, tous les employeurs de droit privé peuvent recruter des apprentis et bénéficier à ce titre des aides de l’État s’ils y sont éligibles. On pourrait donc envisager, au nom d’un principe d’équité, que tous les employeurs privés participent au développement de l’apprentissage, qui favorise l’insertion des jeunes sur le marché du travail. Ce principe a été défendu par les partenaires sociaux dans leur accord-cadre du 14 octobre 2021 sur l’adaptation de la réforme.
Nous proposons donc qu’une concertation soit engagée avec les employeurs aujourd’hui dispensés de taxe d’apprentissage pour que, à terme, et selon une application progressive, tous les employeurs de droit privé susceptibles d’accueillir des apprentis soient redevables de cette taxe.
Cette extension devra être précédée d’une évaluation de ses impacts sur les acteurs économiques et les territoires concernés, en veillant à ne pas mettre en péril certains secteurs d’activité. Les exonérations aujourd’hui prévues pour les petites entreprises pourraient ainsi être maintenues, afin de ne pas les fragiliser.
Enfin, nous identifions un dernier levier à actionner en matière d’apprentissage : la modulation du coût-contrat pour les formations qui bénéficient d’autres sources de financement public. La loi a prévu la possibilité d’une telle modulation, mais le Gouvernement ne l’a, à ce stade, pas utilisée.
L’objectif de cette modulation serait d’atténuer le niveau de prise en charge versé à des organismes de formation publics compte tenu des financements ou avantages matériels dont ils peuvent bénéficier par ailleurs et qui leur permettent de réduire leur coût par apprenti. C’est en particulier le cas des lycées ou établissements d’enseignement supérieur publics accueillant un public mixte d’étudiants et d’apprentis.
Il serait donc opportun d’évaluer précisément les coûts et les sources de financement des organismes bénéficiant à la fois de la prise en charge au contrat et d’autres financements publics, afin d’engager, sur cette base, une modulation du coût-contrat pour éviter une différence de traitement selon les CFA.