Nous avons largement identifié au cours de nos travaux un besoin fort de simplicité, de synthèse et de lisibilité de la part des consommateurs. Les scores et les affichages simplifiés et synthétiques semblent souvent emporter leur adhésion, sous réserve qu'ils soient fiables et cohérents.
Par exemple, il est clair que la méthode de l'analyse du cycle de vie utilisée dans le cadre de l'affichage environnemental n'est pas suffisante en elle-même. Dans le domaine agricole, par exemple, elle sous-estime les impacts positifs de certains modes d'élevage agricoles, par exemple en termes de biodiversité ou de stockage de carbone. L'affichage environnemental devra donc en tenir compte et opter pour une méthodologie qui intègre correctement ces bienfaits. Par ailleurs, une fois mis en place, il serait dommage que l'affichage environnemental tombe dans les travers que nous avons identifiés pour nombre de produits, à savoir une jungle de logos, de couleurs ou de lettres. Nous recommandons notamment que la diversité de logos entre catégories de produits soit encadrée : ce faisant, les consommateurs connaîtront bien ce logo, s'y habitueront et sauront l'utiliser.
Le Nutri-score est à la jonction de ces préoccupations : d'un côté, la nécessité de « faire simple » pour que le consommateur puisse traiter l'information, et, de l'autre côté, l'importance de bien expliquer l'utilité et les limites du score.
Ce dernier, facultatif, est désormais appliqué dans sept pays européens. Il simplifie la compréhension du tableau nutritionnel qui est à l'arrière des emballages et le synthétise sous forme d'une lettre de A à E et d'un code couleur.
Le Nutri-score est considéré comme ayant atteint ses objectifs informationnels par tous les acteurs que nous avons entendus, y compris les industriels. Quelques exceptions persistent concernant des filières particulièrement mal notées, mais 93 % des Français le connaissent. Il a poussé certains fabricants à améliorer la recette de leurs produits et il est appliqué sur presque 60 % des produits alimentaires mis en vente. Le ratio est quasiment de 100 % pour les marques de distributeur (MDD).
Nous avons pu également nous rendre compte lors de nos travaux qu'il fallait continuer la communication autour du Nutri-score et plus largement l'éducation à l'alimentation, pour que les consommateurs ne surestiment pas non plus son message. Le Nutri-score n'est ni une interdiction ni un blanc-seing. Il ne dit pas qu'un produit est mauvais et qu'un autre est bon. Il dit avant tout qu'il est préférable de consommer tel produit avec modération, et que tel autre produit peut être mangé en plus grande quantité. Il apporte un supplément d'information compte tenu de la complexité des données nutritionnelles « brutes », mais il ne dit pas qu'il ne faut pas manger de produit E, ou qu'il est sain de ne manger que des produits A. Pour le dire autrement, le Nutri-score ne remplace pas l'éducation à l'alimentation, il ne remplace pas le nutritionniste, il ne remplace pas l'éducation au goût.
Bien entendu, le Nutri-score n'est pas parfait, et il existe quelques exemples de notation qui semblent paradoxaux ou un peu déroutants, comme un jus de pomme pressé 100 % fruit noté C contre une bouteille de Coca Zéro notée B.
De même, certaines filières, comme le fromage, considèrent être mal notées, car le calcium qu'ils procurent ne serait pas assez pris en compte. Le fait de calculer le Nutri-score sur une portion de 100 g ou de 100 ml est parfois également déploré, car personne ne consomme 100 ml d'huile d'olive par jour.
Des adaptations ont déjà eu lieu pour améliorer la notation de certains produits. Les fromages ont vu leur note s'améliorer lorsque la méthodologie de calcul a été modifiée pour mieux intégrer le calcium. D'ailleurs, les chiffres des ventes de fromage continuent de progresser depuis l'entrée en vigueur du Nutri-score. Une étude a, du reste, montré que les deux tiers des produits dits « du terroir » obtenaient de bonnes notes.
L'enjeu autour du Nutri-score n'est pas tant son existence que la nécessité que les consommateurs sachent s'en servir et, surtout, que les citoyens disposent d'une éducation au goût, à l'alimentation et à la nutrition. Qu'est-ce qu'un repas équilibré ? À quelle fréquence tel ou tel produit devrait-il être consommé ? Quel est le rôle de l'huile d'olive ? Autant de questions qui trouveraient une réponse grâce à cette meilleure formation du consommateur.
Ce sujet est d'autant plus important que le Nutri-score est appelé à se généraliser, ce qui nécessitera toujours plus de compréhension et d'éducation. La Commission européenne va en effet généraliser fin 2022 un affichage nutritionnel simplifié. Plusieurs scores rivalisent pour devenir le score européen. Compte tenu du fait qu'il a déjà été choisi dans sept pays, le Nutri-score « à la française » sera très probablement retenu in fine.
Nous y sommes favorables. D'une part, il est maintenant bien connu des consommateurs et surtout des industriels. Pour ces derniers, un autre choix pourrait les conduire à revoir leurs procédés de fabrication. D'autre part, il a déjà été adapté pour tenir compte des spécificités de filières comme le fromage. Il reste du chemin à faire cependant. Le Nutri-score français va, par exemple, encore être modifié d'ici peu pour mieux tenir compte des spécificités des produits de la mer, ce qui témoigne de sa capacité d'adaptation. Nous pourrions d'ailleurs plaider pour des adaptations supplémentaires de son mode de calcul, notamment pour l'adapter aux portions moyennes effectivement consommées par les Français.
Ce dispositif est utile au consommateur. C'est pourquoi il nous semblerait préférable que, quand un fabricant appose le Nutri-score sur son produit, il en fasse autant sur ses publicités, où il est encore facultatif.
Ce que je vous indiquais en parlant du Nutri-score est en réalité applicable à tous les produits alimentaires : rien ne remplace l'éducation, que ce soit à la maison, en classe ou à la cantine. Malheureusement, c'est souvent uniquement à la cantine que les enfants issus de milieux aux revenus modestes bénéficient d'un repas équilibré, avec des produits de qualité. L'école a donc un rôle important à jouer pour que le consommateur devienne un citoyen averti.
Nombreuses sont les questions qui doivent être abordées dans le cadre d'une éducation alimentaire : éducation au goût et à l'équilibre nutritionnel, éducation à la sécurité sanitaire, notions de coût et de qualité, etc. Il faut apprendre que l'on peut manger de tout, mais en quantités raisonnables, et apprendre à savoir placer le curseur.
Traiter des flux d'information nécessite que le consommateur soit doté de certains réflexes et connaissances : par exemple, connaître les principaux labels et signes de qualité, qui permettent de mieux valoriser les productions de nos territoires. Être consommateur, c'est aussi un métier, cela s'apprend. Il faut lui donner les clefs pour ne pas être à la merci des simples techniques de marketing et pour être capable d'orienter ses achats en fonction de ses attentes personnelles.
Or un très grand nombre d'acteurs entendus en audition nous ont alertés sur le fait que très peu de temps était consacré, à l'école, à ces sujets.
Il faut agir résolument dans cette voie, en prévoyant des moments spécifiquement dédiés, sur le modèle de la semaine du goût, des interventions de professionnels extérieurs et un enrichissement des programmes, et en multipliant les campagnes publiques de communication dans les médias autour des principaux labels.
Il existe d'autres voies, expérimentées par d'autre pays. Le Royaume-Uni, par exemple, n'autorise les publicités à la télévision pour les produits très gras, salés et sucrés, qu'à partir de 21 heures, pour éviter d'y exposer les enfants. Une telle solution ne saurait être envisagée sans un sérieux travail en amont avec les acteurs de santé publique, mais il faudrait au moins engager une réflexion sur ce sujet.
Voilà, mes chers collègues, les différentes solutions que nous esquissons pour fiabiliser l'information apportée au consommateur. Parfois, il convient de créer de nouvelles informations, comme sur l'origine ; parfois, il convient de les dématérialiser ; mais toujours, il s'agit de pouvoir contrôler, puis de réprimer les tromperies. Enfin, il s'agit d'apprendre au citoyen à identifier les informations fiables et trouver son chemin dans cette jungle d'informations.