Intervention de Didier Migaud

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 6 juillet 2022 à 9h10
Audition de M. Didier Migaud président de la haute autorité pour la transparence de la vie publique pour la présentation de son rapport annuel

Didier Migaud, président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique :

S'agissant des PPE, les dispositions relèvent d'une directive européenne qui liste un certain nombre de fonctions dont les titulaires sont considérés comme des PPE. C'est totalement indépendant des procédures que vous avez confiées à la Haute Autorité. J'ai moi-même été une PPE pendant longtemps, comme Premier président de la Cour des comptes et, auparavant, comme député. En tant que président de la Haute Autorité, je ne le suis plus - peut-être parce que la Haute Autorité n'était pas créée au moment de la rédaction de cette directive ... J'ai donc connu ce sujet de l'entourage familial, sachant que les banques font parfois de l'excès de zèle, ce que j'avais signalé à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). J'ai pour la première fois découvert ces dispositions comme Premier président de la Cour des comptes, lorsqu'un président de chambre régionale des comptes s'étonnait qu'on lui refuse un prêt parce qu'il était une PPE. J'ai donc dû lui expliquer ces dispositions ...

Au sujet du non-cumul des mandats, nous n'avons pas constaté d'évolution du nombre de signalements. Nous recevons des signalements de citoyens ou d'élus, qui nous font part d'omissions ou de situations particulières, laissant supposer l'existence de conflits d'intérêts ou de prises illégales d'intérêts. Nous vérifions systématiquement, tout en prenant le recul nécessaire, notamment pendant les périodes électorales, où nous pouvons recevoir plus de signalements que d'habitude. Nous nous efforçons aussi de prévenir les situations de conflits d'intérêts et de jouer un rôle de conseil et d'accompagnement auprès des élus concernés.

Pour répondre à M. Sueur, désormais les collaborateurs du Président de la République sont inclus dans le champ du contrôle des mobilités et de la reconversion professionnelle vers le secteur privé.

S'agissant de l'élargissement possible du contrôle, les maires d'arrondissement ne font pas encore de déclarations d'intérêts ni de déclarations de situation patrimoniale, alors qu'un adjoint est obligé de le faire. Ils le font officieusement, de manière volontaire, mais ils n'en ont pas l'obligation.

Je ne vois aucun inconvénient à élargir notre domaine d'action. Une disposition votée par le législateur, annulée ensuite par le Conseil constitutionnel, prévoyait de placer sous notre compétence les membres de la Cour des comptes et du Conseil d'État. Le décret d'application n'est pas paru compte tenu de l'annulation de l'article qui le fondait. Je trouve cependant légitime de nous permettre de solliciter un certain nombre de responsables étatiques, en les invitant à transmettre des obligations déclaratives touchant tant au patrimoine qu'aux intérêts.

En ce qui concerne nos moyens, j'ai relevé un certain nombre de chevauchements et de doublons entre différents acteurs qui ont les mêmes missions. Il est possible de partir de ce constat pour réaffecter un certain nombre de moyens humains. Sur ce point, je n'ai pas été entendu. C'est une très mauvaise utilisation de l'argent public, qui devrait être inacceptable, mais il en est ainsi dans notre pays ...

Nous sommes, de fait, confrontés actuellement à un véritable problème de moyens, compte tenu de l'élargissement de nos missions. J'ai demandé que le budget de l'année à venir soit l'occasion de nous allouer des moyens supplémentaires. Si nous ne les obtenons pas, nous ne serons pas en mesure de remplir la totalité de nos missions, notamment le suivi des réserves émises à l'occasion des avis sur les projets de reconversion professionnelle.

Nos moyens budgétaires sont contraints : nous multiplions les astreintes de nos personnels. Nos responsables sont très loin des 35 heures ... Ils seront sollicités jusqu'au mois d'août, puis, en septembre, il s'agira de contrôler les déclarations des ministres et des députés nouvellement élus. Cette forte activité nécessite des ajustements au niveau des moyens, et pas seulement budgétaires. En effet, nous demandons un pouvoir de sanction pour les non-dépôts de déclaration par exemple. La situation est préjudiciable eu égard aux dispositions que vous avez adoptées : elle peut avoir une valeur de contre-exemple extrêmement grave. On peut ne pas respecter ses obligations déclaratives sans encourir de sanctions, ou les éviter pendant deux à trois ans. Durant cette période de non-respect d'une obligation déclarative définie par la loi, aucun contrôle n'a lieu sur la déclaration de patrimoine ni sur la déclaration d'intérêts. C'est profondément injuste.

Pour ces raisons, nous souhaitons des sanctions plus rapides, même si elles ne sont pas la priorité des parquets, déjà submergés. L'existence de sanctions administratives pourrait être dissuasive, par exemple au travers d'une amende définie, au sein de la HATVP, par une commission des sanctions.

La HATVP demande enfin un droit de communication. L'accès nous est donné à un certain nombre de fichiers, mais, pour nous adresser à un établissement bancaire ou financier, nous sommes parfois obligés de passer par Bercy, ce qui allonge les délais de plusieurs mois parfois. Cela a d'autant moins de sens que Bercy est favorable à ce que nous disposions, dans certaines circonstances, de ce droit de communication directe en lien avec les contrôles que nous effectuons sur les déclarations de patrimoine et d'intérêts.

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