rapporteure. – Vous êtes sans doute nombreux à avoir été sollicités au cours des dernières années par des maires de vos départements au sujet des difficultés qu’ils rencontrent dans l’entretien et la restauration du patrimoine religieux dont leurs communes sont propriétaires. Avec la disparition de la dotation d’action parlementaire, ils ont perdu un levier non négligeable pour le financement de cette charge et un moyen pour nous de les soutenir.
C’est dans ce contexte que notre commission a confié, en février dernier, à Pierre Ouzoulias et à moi-même le soin de faire la lumière sur l’état du patrimoine religieux, les menaces qui pèsent sur sa préservation et les moyens de contribuer à sa sauvegarde.
La France a la chance de bénéficier d’un patrimoine religieux particulièrement riche et bien réparti sur l’ensemble du territoire. Il n’existe pas de décompte officiel, mais on estime qu’il pourrait y avoir jusqu’à cent mille lieux de culte encore en activité ou non sur le sol français.
La grande spécificité française, héritée de la Révolution de 1789, est qu’une bonne partie des édifices cultuels que nous comptons sur notre territoire appartiennent aux collectivités publiques et non aux cultes, comme dans les autres pays. Nous évoquons régulièrement le cas des cathédrales de l’État dans cette enceinte ; mais ce sont évidemment les communes qui possèdent l’essentiel de ces monuments. Là encore, c’est pour des raisons historiques liées à l’attitude des catholiques face au régime de séparation mis en place en 1905 que les édifices cultuels propriétés des collectivités publiques sont presque exclusivement des lieux de culte catholique.
Tous ces édifices n’ont évidemment pas une dimension patrimoniale. Quinze mille d’entre eux sont néanmoins protégés au titre des monuments historiques, et bien d’autres présentent une valeur architecturale ou historique digne d’intérêt. Plus de quarante mille édifices cultuels encore actifs sont antérieurs au XXe siècle.
Ce patrimoine étant porteur d’une grande charge symbolique, sa préservation est particulièrement importante : nous nous sommes rendu compte que ces lieux constituaient de véritables biens communs. Les édifices cultuels ne sont pas seulement des lieux de culte, mais aussi des lieux de culture ; ils structurent nos paysages ; ils définissent l’identité des territoires ; ils sont des vecteurs de transmission de la mémoire locale comme nationale ; ils contribuent à la qualité du cadre de vie. C’est ce qui explique que les Français dans leur ensemble, et pas seulement les fidèles, y soient très attachés.
Il reste que ce patrimoine n’est pas suffisamment connu et documenté. Faute d’inventaire complet du patrimoine religieux, surtout depuis la décentralisation de cet inventaire en 2004, il est difficile de dresser un bilan précis de son état. Seul l’état sanitaire des édifices protégés au titre des monuments historiques est régulièrement contrôlé par les services du ministère de la culture. Mais, même pour ceux-là, il est impossible de savoir avec exactitude combien de monuments religieux sont en péril ou en mauvais état, dans la mesure où le bilan ne comprend que des analyses globales sur l’ensemble des monuments historiques et ne distingue pas selon la catégorie de patrimoine dont ils relèvent.
Il faut donc s’en remettre aux résultats du dernier bilan de l’état sanitaire portant spécifiquement sur le patrimoine religieux, datant de la fin des années 1980, ou aux impressions qui nous ont été confiées dans nos auditions. Il en ressort que le patrimoine religieux ne serait pas en si mauvais état. Paradoxalement, il semble qu’en confiant la propriété d’une grande partie des édifices aux communes, la loi de 1905 ait largement contribué à la préservation de ce patrimoine.
Reste que la situation est contrastée. D’abord, le patrimoine religieux souffrirait globalement d’un déficit d’entretien ou, du moins, d’un entretien trop irrégulier. Cette problématique est commune à tous les types de patrimoine. Ensuite, les édifices protégés au titre des monuments historiques seraient globalement en meilleur état que ceux qui ne le sont pas. Les édifices seraient plus dégradés en milieu rural qu’en milieu urbain. Enfin, si le clos et du couvert sont globalement entretenus, les parties intérieures des édifices sont davantage négligées.