Intervention de Valérie Masson-Delmotte

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 29 juin 2022 à 10h00
« adapter la france au dérèglement climatique et réduire ses émissions pour sauver l'accord de paris » — Audition d'experts français du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat giec

Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail 1 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) :

Je veux d'abord vous rappeler les points clés du rapport du groupe 1 du GIEC, puis évoquer l'ensemble du travail conduit pour la rédaction des rapports des groupes 2 et 3, avant qu'en soient présentées les principales conclusions par leurs contributeurs ici présents.

Lors de l'audition du 6 octobre dernier, nous soulignions à quel point l'évolution à venir du climat dépendait des décisions que nous prenons maintenant. Les changements sont généralisés et s'intensifient de manière sans précédent. L'influence humaine sur le réchauffement planétaire, par les rejets de GES notamment, qui a atteint, sur la dernière décennie, 1,1 degré C, est un fait scientifique établi. Elle rend plus fréquents et plus sévères des événements extrêmes comme les vagues de chaleur, les pluies extrêmes, les sécheresses.

Chaque région de la terre est affectée de multiples manières. Ces changements s'accentueront avec chaque degré de réchauffement supplémentaire.

Certains phénomènes, comme la montée du niveau de la mer, du fait du temps de réponse des glaciers de l'océan profond du Groenland ou de l'Antarctique, sont irréversibles, mais peuvent être ralentis. D'autres changements, qui dépendent directement du niveau de réchauffement planétaire, peuvent être arrêtés si l'on parvient à limiter celui-ci.

À moins d'une réduction immédiate, rapide et à grande échelle des émissions de GES, limiter le réchauffement à un niveau proche de 1,5 degré C sera impossible. On devrait atteindre ce niveau de réchauffement d'ici 20 ans. Pour limiter le réchauffement planétaire, il est bien sûr nécessaire de réduire fortement et rapidement les émissions de GES, notamment le dioxyde de carbone et le méthane. Pour limiter le réchauffement climatique, il faut à terme atteindre la neutralité carbone, et donc que le solde des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre par les puits carbone soit égal à zéro.

J'en viens aux rapports du groupe 2 - vivre avec les conséquences d'un climat qui change, agir pour gérer les risques et donc agir face aux conséquences de ce réchauffement - et du groupe 3 - agir sur les causes de ce réchauffement et les émissions de gaz à effet de serre - du GIEC.

Le rapport du groupe 2 est le fruit du travail de 270 chercheuses et chercheurs de 67 pays et de 675 contributeurs, qui ont passé en revue les éléments probants de 34 000 publications scientifiques. Il a été relu à plusieurs reprises par la communauté scientifique et les experts nommés par les gouvernements : plus de 62 000 commentaires ont été pris en compte. Le résumé à l'intention des décideurs a fait l'objet d'une approbation.

Le rapport du groupe 3, quant à lui, est le fruit du travail de 278 chercheuses et chercheurs de 65 pays et de 354 contributeurs, qui se sont appuyés sur près de 18 000 publications scientifiques et 59 000 commentaires de relecture. L'approbation de ce rapport a été l'une des plus difficiles que j'ai connues, l'action par rapport au changement climatique étant très débattue.

Avant de donner la parole à Gonéri Le Cozannet et à Annamaria Lammel, je vais présenter les points clés du rapport du groupe 2.

Le changement climatique est une menace pour le bien-être humain et la santé planétaire. Le rapport souligne leur interdépendance avec l'état des écosystèmes. Les actions d'adaptation montent en puissance, mais les progrès sont lents et inégaux et il existe des décalages entre les besoins et ce qui est réellement mis en oeuvre. Malgré ces efforts d'adaptation, on observe une dégradation des écosystèmes qui affecte la vie de milliards de personnes.

Pour les vingt prochaines années, quand le niveau de réchauffement atteindra 1,5 degré C, les impacts dépendront des actions d'adaptation qui sont mises en oeuvre dès à présent. Certains sont d'ores et déjà irréversibles, notamment la perte de biodiversité, et vont s'intensifier à mesure que le réchauffement se poursuit.

On note un décalage croissant entre les besoins d'adaptation et les actions réellement mises en oeuvre, en particulier pour les personnes, les communautés, les régions les plus vulnérables. Les options disponibles pour réduire les risques perdent en efficacité avec l'augmentation du réchauffement. Nous avons devant nous une brève possibilité de construire un développement résilient vis-à-vis du changement climatique et soutenable.

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