Intervention de Nicolas Garnier

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 16 juin 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Audition de M. Nicolas Garnier délégué général d'amorce

Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce :

La TGAP est un autre sujet qui nous tient particulièrement à coeur, et les DROM pourraient être largement bénéficiaires de la proposition que nous faisons à ce sujet depuis plusieurs années.

Pour en revenir à votre question, un tiers des 600 kilogrammes de déchets annuels produits en moyenne en France par habitant est soumis à une REP, mais avec un financement insuffisant qui s'élève à 50 % du coût global réel, voire à 20 % dans les DROM pour ce qui est des emballages. En d'autres termes, dans les DROM, le contribuable finance jusqu'à 80 % du coût du traitement de ces déchets.

Un deuxième tiers de la poubelle des Français est constitué de matière organique, pour laquelle il n'existe pas de dispositif de REP. De temps en temps, il me vient à l'esprit de créer une REP sur les choux-fleurs et sur les pommes de terre. En effet, les industries agricole et agroalimentaire ne participent pas encore à la fin de vie de leurs produits, et il y a là peut-être quelque chose à inventer...

Afin de développer la collecte sélective des biodéchets, qui repose actuellement sur les seules aides de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), donc sur la ressource de TGAP, nous proposons d'affecter davantage la TGAP à l'économie circulaire. Pour rappel, la TGAP rapporte de 500 à 600 millions d'euros, dont seuls 150 millions d'euros reviennent à l'Ademe au titre de l'accompagnement de l'économie circulaire. Cela fait selon nous de la TGAP une taxe partiellement faussement environnementale. Nous considérons en effet qu'une véritable taxe environnementale doit envoyer un « signal prix », mais aussi affecter, sinon intégralement, du moins majoritairement, sa recette à son objet.

Sans refaire l'histoire des Gilets jaunes, la taxe carbone n'ayant pas été conçue pour produire des recettes destinées à l'accompagnement de la transition écologique, un certain nombre de personnes ont estimé que sous couvert de contribuer à la protection de l'environnement, cette taxe avait surtout des motivations budgétaires. Toutes proportions gardées, il en est de même de la TGAP : le contribuable pourrait ne pas comprendre pourquoi 80 % des 600 millions d'euros de TGAP qu'il paye au nom d'une meilleure gestion des déchets ne sont pas affectés à cet objectif.

Le troisième gisement dont personne ne parle est celui des « abandonnés de l'économie circulaire » : la litière pour chat, le CD, les ustensiles de cuisine, le briquet en plastique... Amorce a ainsi recensé vingt-huit pages d'objets vendus dans le commerce, qui ne bénéficient d'aucune solution de recyclage et qui ne sont soumis à aucune écocontribution. À titre d'exemple, un briquet Bic terminera inéluctablement sa vie dans un centre d'enfouissement ou dans un incinérateur. En l'absence de signal prix, de REP et de TGAP, pourquoi la société Bic ferait-elle évoluer son plastique pour le rendre recyclable ? Pourquoi se rapprocherait-elle d'un éco-organisme pour intégrer son produit dans la collecte sélective des emballages ?

C'est la raison pour laquelle - et le Sénat nous a souvent soutenus dans cette démarche - nous défendons la mise en place d'une TGAP amont sur les produits non recyclables. Cette taxe ne serait exigible qu'en l'absence de solution de recyclage - le cas échéant, le produit serait soumis à une REP ; elle viendrait soulager les collectivités locales des coûts d'élimination. Car reconnaissons-le : la collectivité n'est pas responsable du fait que le briquet n'est pas recyclable et n'est pas recyclé.

C'est là toute l'injustice de la TGAP aval : elle taxe en partie le mauvais acteur. Selon nous, le dispositif fiscal global n'est donc pas cohérent. Certains metteurs sur le marché s'étonnent d'être soumis à une REP et de devoir contribuer à l'environnement quand certains produits, non recyclables, échappent à de telles obligations. Il y a là une forme de prime au cancre qui n'incite pas véritablement à recycler.

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