Intervention de Nicolas Garnier

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 16 juin 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Audition de M. Nicolas Garnier délégué général d'amorce

Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce :

La loi AGEC a effectivement défini des enjeux spécifiques aux outre-mer pour les REP : c'était une première, même si les initiatives actuelles ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. D'ailleurs, pour ce qui concerne les DROM, on a encore beaucoup de mal à obtenir des chiffres au sujet de la collecte sélective.

De plus, il aurait fallu pousser la logique à son terme en fixant des objectifs environnementaux contraignants par DROM et par REP.

Néanmoins, établir des filières de débouchés de recyclage dans ces territoires n'est pas une mince affaire : on ne va pas créer de grandes papeteries à Mayotte ou de grandes verreries dans les territoires ultramarins producteurs de rhum - les verres qui y sont employés viennent majoritairement du Brésil.

Il faudrait une stratégie de l'économie circulaire pour la Caraïbe, l'Amazonie et une partie de l'océan Indien : à ce titre, il est grand temps de construire une dynamique internationale. Aujourd'hui, pour recycler quelques tonnes, soit on invente des filières de recyclage un peu baroques, soit on transporte les déchets sur des milliers de kilomètres - il fut un temps où une partie de la collecte sélective de la Martinique se retrouvait à Fos-sur-Mer - une partie va maintenant au Brésil -, ce qui n'a pas de sens.

L'opération pilote menée en Guadeloupe, à savoir la consigne de bouteilles en plastique, a fait l'objet de luttes presque homériques dans les deux assemblées parlementaires. Je précise qu'il ne s'agit pas d'une consigne stricto sensu, car les bouteilles collectées sont broyées : c'est une simple collecte sélective non professionnelle.

Au terme de négociations difficiles avec la ministre de l'époque, Élisabeth Borne, on a décidé d'attendre trois ans. Sur ce sujet, le Sénat a joué un rôle majeur. Mais depuis lors, il ne s'est presque rien passé : la collecte sélective n'a pas été développée hors foyer, notamment dans la restauration. Vous connaissez donc d'ores et déjà mon opinion sur le sujet.

En parallèle, avec l'expérimentation assez avancée menée en Guadeloupe, on obtient le pire de la privatisation d'une collecte sélective, à savoir la discontinuité territoriale.

La collecte sélective payante des bouteilles est assurée dans les supermarchés de Pointe-à-Pitre et, peut-être, dans deux ou trois villes relativement étendues de Guadeloupe ; mais les petits commerces de proximité, les « lolos », n'auront pas d'automates de consigne. Comment pourraient-ils se charger d'alimenter les automates des supermarchés des villes guadeloupéennes ? Cette simple suggestion a provoqué un tollé.

Non seulement l'expérimentation de la consigne ne donne pas des résultats exceptionnels, mais elle va coûter très cher. De plus, elle ne vise pas les objets qui polluent majoritairement la mer - barquettes de frites, paquets de chips, emballages unitaires de gâteaux, etc. Les bouteilles représentent moins de 10 % de la pollution plastique des mers.

Enfin, il est intéressant d'imaginer d'autres formes de gouvernance. Dans nos rêves les plus fous, ce n'est pas l'État, mais la région, voire l'intercommunalité, qui donne l'agrément en établissant le cahier des charges de Citeo. L'État, lui, est juge et partie. Sauf exception, la Direction générale des collectivités locales (DGCL) ne nous défend pas et, in fine, les cahiers des charges ne sont pas assez contraignants. Le Sénat aura peut-être l'audace et la force de mener cette réforme sensationnelle ?

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