Intervention de Pierre de Lépinau

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 23 juin 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde sur la responsabilité élargie des producteurs rep

Pierre de Lépinau, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles (Adivalor) :

directeur général d'Agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles (Adivalor). - Vous me donnez l'occasion de vous présenter l'état d'avancement de la filière française de gestion des déchets d'agrofourniture dans les départements d'outre-mer. Cette filière, mise en place dans l'Hexagone dès 2001, repose sur l'engagement des agriculteurs, qui trient à la ferme, des distributeurs, qui collectent, et des metteurs en marché, qui financent le système. Nous sommes l'écosystème agricole le plus performant au monde en matière de gestion des déchets : plus de 90 % des déchets collectés sont recyclés.

Nous intervenons outre-mer depuis 2005. Il s'est d'abord agi d'appuis ponctuels à des opérations pilotes. Ensuite, avec le soutien du ministère de la transition écologique et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), des études ont été menées dans chaque collectivité pour mettre en place des opérations pérennes de collecte. Cela a abouti, il y a quatre ans, à l'instauration d'organisations mutualisées de collectes. À la différence de l'Hexagone, il existe en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion un organisme juridique local unique chargé de mutualiser ce travail, ce qui offre une visibilité accrue à notre action.

Aujourd'hui, nous sommes dans une dynamique de progrès. Une comparaison globale entre outre-mer et Hexagone n'est pas pertinente, car cette dernière connaît de grandes disparités de performances : certains départements d'outre-mer n'ont pas à rougir de la comparaison avec certains départements métropolitains.

Nous sommes la dernière filière REP non réglementée, reposant sur un principe de responsabilité partagée. Dans les outre-mer comme dans l'Hexagone, aux acteurs locaux l'organisation de la collecte, à l'organisme national la prise en charge des déchets jusqu'à leur traitement final.

La dynamique récente la plus notable outre-mer est la réduction de la consommation, notamment de produits phytosanitaires : le plan Écophyto donne des résultats spectaculaires. L'usage de plastiques se réduit également, notamment pour l'empaillage des cultures maraîchères, où ils sont largement remplacés par du papier ou des films biodégradables. Cela entre dans le cadre du plan stratégique national de la nouvelle Politique agricole commune (PAC), avec des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) spécifiques pour les outre-mer, permettant d'accompagner la transition vers des pratiques moins génératrices de déchets.

Nous assistons à un développement important de la collecte en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, où les taux de collecte dépassent 50 %. La situation reste compliquée en Guyane et à Mayotte, où l'agriculture est moins professionnelle et où les volumes de déchets restent trop modestes pour une démarche spécifique. Comme nos collègues, nous appelons donc à une collecte totalement mutualisée, avec des plateformes de transit multi-déchets.

Par ailleurs, jusqu'à présent, le recyclage était impératif ; or pour recycler, il fallait rapatrier en métropole. Cette exigence est amenée à évoluer. Nous sommes inquiets quant à la pérennité des transports maritimes entre outre-mer et Hexagone : la CMA-CGM a récemment annoncé un arrêt total des transports de déchets plastiques. Or les territoires d'outre-mer ne produisent pas les volumes de déchets suffisants pour rendre viable une unité industrielle de recyclage.

Dès lors, soit l'État accepte de réquisitionner les compagnies pour imposer la continuité territoriale en la matière, soit il faudra rechercher des solutions locales, en revenant sur la politique du tout-recyclage au profit d'une valorisation énergétique des déchets sur place, comme cela se fait déjà à Saint-Barthélemy. Cela requiert du courage politique, mais c'est du bon sens : ces déchets peuvent représenter une importante source d'énergie pour des territoires qui en manquent cruellement. Ajoutons que le coût et l'impact écologique du transport maritime sont énormes !

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