Intervention de Stéphane Murignieux

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 23 juin 2022 : 1ère réunion
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer — Table ronde sur la responsabilité élargie des producteurs rep

Stéphane Murignieux, président de l'Institut de la transition écologique des outre-mer :

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de saluer chaleureusement nos partenaires représentants des éco-organismes. Vous avez devant vous les premiers de la classe : ce sont eux qui font le travail et je tiens à leur rendre hommage.

J'ai suivi l'ensemble de vos auditions et j'observe que beaucoup de points s'éclairent d'ores et déjà. Sur ce sujet, le Sénat est « à la manoeuvre », et je tiens aussi à saluer son action, notamment législative.

Le problème des déchets est non seulement esthétique, mais aussi sanitaire. Outre-mer, ces derniers sont des foyers de dengue, de chikungunya et d'autres maladies encore.

La gestion efficiente des déchets est donc une impérieuse nécessité, et elle va de pair avec l'économie circulaire. C'est à la fois un moyen de préserver la ressource et une formidable chance de création d'emplois, un relais de croissance pour nos territoires ultramarins.

À ce titre, la coopération régionale est nécessaire, tant dans l'océan Indien que dans la Caraïbe, mais nous nous heurtons à un problème majeur : celui du transport. Aujourd'hui, il est plus coûteux d'envoyer un conteneur de pneus usagés de Martinique en Guadeloupe que de Martinique en métropole.

J'insiste, la coopération régionale est la solution, qu'il s'agisse de la massification, de la gestion des transports ou du développement d'unités locales de recyclage, dont la technologie nous permet aujourd'hui d'abaisser le seuil, du moins pour certains déchets. En effet, tous les plastiques ne sont pas de même nature. À cet égard, je salue l'expérimentation menée par Adivalor au sujet des plastiques biodégradables, tant à La Réunion, dans les plantations d'ananas, qu'en Guadeloupe.

Je salue également la direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui, après douze jours de négociations avec nos partenaires européens, vient d'obtenir un accord pour l'aménagement de la convention de Bâle. Nous allons enfin pouvoir assouplir les règles encadrant le transport des déchets dangereux. C'était là un véritable problème dans l'océan Indien, pour ne pas dire un point de blocage, et ce, depuis de nombreuses années.

Évidemment, nous devrons aller vers des cahiers des charges adaptés et territorialisés, car les collectivités territoriales sont les mieux à même de porter un regard aiguisé sur ces dispositions. Dans cette perspective, les uns et les autres doivent continuer à travailler avec ces partenaires incontournables.

La plateforme interfilières, qui regroupe les éco-organismes, a déjà fait une partie du travail qui lui avait été confié. Le moment est venu d'aller plus loin dans le cadre de son second cahier des charges.

Nous avons nous aussi beaucoup de mal à obtenir des données relatives aux filières REP, du fait de la structure même du marché. En France métropolitaine, c'est possible, car nous disposons de producteurs. En revanche, outre-mer, nous ne disposons que de distributeurs. Or, suivant le choix du législateur, c'est le producteur, et non le distributeur, qui verse l'éco-contribution aux éco-organismes.

Ce constat nous conduit à une question structurelle : qui doit payer l'éco-contribution ? Par exemple, le grand export en est exonéré, du moins sur un certain nombre de produits.

Il s'agit là d'un sujet partenarial, car les éco-organismes opérationnels sont les premiers désireux d'y voir plus clair. Je ne reviendrai pas sur les éco-organismes financiers, comme Citeo, qui n'est pas encore un opérateur technique. Son travail consiste à financer les collectivités territoriales. Il intervient à titre subsidiaire dans le domaine de la recherche et du développement. Au reste, nombre de ses actions sont tout à fait intéressantes.

Par ailleurs, ce qui a été souligné s'agissant des jeunes filières est très instructif. Nous allons voir arriver de nombreuses autres filières : mégots, chewing-gums, etc.

Nous avons un problème structurel dans nos outre-mer : nous n'avons pas d'opérateurs efficients, ou nous en avons peu. Les bateaux de plaisance sont traités chez celui qui déjà a du mal à gérer les flux des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) et qui voit arriver nos flux de véhicules hors d'usage (VHU). Je ne sais pas comment l'on peut fonctionner ainsi. Il y a de grandes difficultés à faire traiter localement, et ce n'est pas en allant embouteiller les microstructures que l'on va pouvoir aller de l'avant. S'il doit y avoir de nouvelles filières, il faut aussi des investissements et de la création pure de structures de traitement. L'investissement sera la clé du traitement local : il faut en passer par là. Mais rassurez-vous : il existe des soutiens, des fonds de la région et de l'Europe.

Je voudrais évoquer le stock et le passif. Nous parlons des filières à venir. On va créer une filière pneus, une filière VHU. La filière DEEE fonctionne bien, de même que la filière de mobilier professionnel. On a réussi à purger le passif, c'est-à-dire tous ces déchets qui s'étaient accumulés et qui n'avaient pas été traités.

Nous le savons, il y a aujourd'hui de 10 000 à 12 000 VHU qui sont stockés, par exemple sur des terrains privés ou sous la végétation en Guyane, et qui n'ont pas été traités. Cela appelle un débat sur les dépôts sauvages et les déchets abandonnés. Il va falloir trouver un moyen de s'attaquer à ce passif.

Je vous soumets une idée. Dans la loi Agec, nous avons obtenu qu'il y ait une part budgétaire émanant des éco-organismes pour travailler sur la problématique des dépôts sauvages et des déchets abandonnés. Peut-on imaginer un fonds mutualisé de tous les éco-organismes pour traiter cela ensemble ? Il y a quatre familles de déchets abandonnés : des pneus, les VHU, certains DEEE et des déchets verts.

J'appelle les éco-organismes à faire des déplacements, à venir sur place - je salue ceux qui le font déjà régulièrement - et à ne pas attendre des années pour découvrir des situations qui leur ont échappé. J'ai voyagé avec certains responsables. Mais il y en a d'autres que l'on n'a jamais vus...

Avez-vous des administrateurs ultramarins dans vos conseils d'administration ? Comment sont-ils représentés ? Ne serait-il pas nécessaire qu'il y ait des représentants soit de la distribution ultramarine, soit des producteurs ultramarins ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, allez-vous organiser une autre table ronde, cette fois avec les représentants de la filière pneus, de la filière textile et de la filière mobilier ?

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