Intervention de Michelle Meunier

Commission des affaires sociales — Réunion du 12 juillet 2022 : 1ère réunion

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

rapporteure. – Le renforcement et la structuration des contrôles doivent aller de pair avec un renouvellement des pratiques en matière de pilotage stratégique.

Le déficit que nous avons constaté dans ce domaine est en partie imputable aux gouvernements successifs qui ont évoqué – et même, pour certains d’entre eux, préparé – un projet de loi Grand Âge, avant d’y renoncer. Dans ce contexte, les évolutions législatives et réglementaires n’ont été qu’incrémentales, et n’ont pas favorisé une approche globale ni une vision stratégique des sujets. La volonté de développer le maintien à domicile s’est imposée comme la priorité stratégique du secteur, et ce à juste titre. Or, cet objectif prioritaire ne dispensait pas les autorités d’assurer le pilotage stratégique du secteur des Ehpad, afin de garantir son adéquation avec l’évolution des besoins et le développement du virage domiciliaire.

Le renforcement du pilotage stratégique doit passer par une meilleure gestion du régime d’autorisation.

En attendant, et à défaut de refondre tout le régime d’autorisation, comme cela est développé dans les conclusions de ce rapport, nous vous proposons trois évolutions.

Tout d’abord, la question des transferts d’autorisation et du pilotage de l’offre privée a retenu notre attention. La réglementation en vigueur ne laisse qu’une marge de décision limitée aux autorités compétentes pour s’opposer à un transfert d’autorisation. Dans la pratique, le rejet du transfert ne peut se fonder que sur l’incapacité du cessionnaire à remplir les conditions de gestion de l’établissement. Comme la plupart des organismes cessionnaires gèrent déjà des établissements, démontrer une telle incapacité est complexe. Un droit d’opposition à ces transferts doit ainsi être accordé aux autorités de tarification, afin qu’elles soient en capacité de piloter l’offre dans le temps et de choisir les opérateurs.

Ensuite, nous observons qu’une autorisation donne droit à la perception de dotations publiques, finançant principalement les salaires des soignants, sans lesquels l’établissement n’accueille personne et ne réalise donc pas de profits. L’autorisation d’exploiter un Ehpad est, par conséquent, un actif public dont bénéficie un opérateur privé, et doit être considéré de la même façon que les licences de téléphonie, les autorisations d’occupation du domaine public ou les concessions d’autoroutes. La délivrance de l’autorisation pourrait, dès lors, être soumise au versement d’une redevance.

Enfin, la procédure d’appels à projets renforce la concurrence non seulement entre établissements publics et privés commerciaux, mais encore entre ces derniers et les établissements de l’économie sociale et solidaire (ESS). Nous proposons alors des mesures d’encadrement de l’offre à but lucratif, qui dépasse déjà 50 % de l’offre dans certains territoires.

Ces remarques sur le pilotage de l’offre nous conduisent naturellement à évoquer des questions de gouvernance.

A contrario de la pratique constatée dans le groupe Orpea, la gouvernance des établissements a un grand besoin de gestion de proximité, laquelle passe par une meilleure association des résidents ou de leurs familles.

L’association des usagers au fonctionnement des établissements médico-sociaux a longtemps été balbutiante. Le principal organe est, à cet égard, le conseil de la vie sociale (CVS), créé par la loi de 2002, en remplacement du conseil d’établissement. Les associations d’usagers estiment que seul un CVS sur cinquante est opérationnel, et qu’une très grande proportion des résidents, des familles et des personnels ne connaît pas son existence et son rôle.

Avec le décret du 25 avril 2022, le Gouvernement a apporté d’opportunes précisions. La composition du conseil a d’abord été élargie et les attributions des CVS précisées. Le décret rend également obligatoire l’élaboration d’un règlement intérieur et d’un rapport d’activité.

Ces clarifications sont bienvenues, mais elles ne lèvent pas tous les obstacles à la bonne marche de ces organes. La présence d’associations agréées, par exemple, devrait être envisagée, sur le modèle des associations d’usagers dans le secteur sanitaire.

Nous rejoignons nos collègues de l’Assemblée nationale sur la nécessité de créer un conseil national consultatif des personnes âgées, sur le modèle du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Ce dernier, créé par la loi de 1975, peut être consulté par les ministres compétents et peut se saisir de toute question relative à la politique concernant les personnes handicapées, dont il évalue la situation matérielle, financière et morale.

Un tel organe pourrait, par ailleurs, être relié par convention au comité d’animation des contrôles, en lien avec notre recommandation n° 5, convention qui aurait pour objet de favoriser la concertation et les échanges d’informations.

Avec la place des usagers, la question de la gouvernance est dominée par une autre problématique : celle de la simplification du pilotage territorial.

De ce point de vue, la création en 2020 d’une nouvelle branche de sécurité sociale chargée de la gestion du risque de perte d’autonomie n’a pas changé grand-chose. Pour un certain nombre d’acteurs, la médicalisation souhaitable des Ehpad emporte ou emportera à terme une compétence élargie des ARS dans les territoires, ne laissant éventuellement aux départements que la compétence d’aide à domicile. Un tel recul de la place des départements dans la politique médico-sociale ne nous semble pas opportun.

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