Intervention de Yann-Gaël Amghar

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 juillet 2022 à 9h00
Situation des comptes sociaux – Audition de M. Yann-Gaël Amghar directeur de l'urssaf caisse nationale

Yann-Gaël Amghar, directeur de l’Urssaf Caisse nationale :

– La commission des comptes de la sécurité sociale a présenté hier une actualisation des comptes. Depuis deux ans se sont multipliés les retournements de tendance dans l’évolution des situations économiques ainsi, par voie de conséquence, que dans les prévisions, d’autant qu’on sous-estime en général ces retournements.

Depuis la présentation du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, il y a eu d’abord une révision à la hausse des prévisions de croissance pendant la discussion au Parlement, où elles sont passées de 6 % à 6,25 %, la hausse de la masse salariale prévue passant, elle, de 6,2 % à 6,4 %. Avec le retour des restrictions sanitaires en début d’année et la dégradation du contexte international, les prévisions de croissance pour 2022 ont été revues à la baisse, à 2,5 %, conformément au consensus des économistes en juin. Pour la sécurité sociale, le principal déterminant des recettes est la masse salariale. Or, celle-ci devrait croître non plus de 6 %, mais de 8,3 %. Cela s’explique par deux facteurs : l’emploi reste bien orienté, et l’inflation se reflète dans l’évolution des salaires. Les comptes 2021 ont aussi été revus favorablement, parce que les recettes ont été meilleures que prévu.

En 2022, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) devrait reprendre 40 milliards d’euros de dette, ce qui réduira notre besoin de financement : celui-ci passera, en moyenne, de 64,8 milliards d’euros en 2021 à 40 milliards d’euros environ en 2022 du fait de cette reprise de dette et du déficit anticipé de quelque 17 milliards d’euros en 2022. Pour l’instant, nous trouvons facilement des financements car les liquidités sont abondantes et les taux directeurs négatifs. Au premier semestre, nous avons pu emprunter à – 0,6 %. La révision des prévisions de déficit en 2021 et 2022 n’a qu’un impact modéré sur notre besoin de financement. C’est en mars 2022 que celui-ci a été le plus élevé, à 58 milliards d’euros, et nous devrions finir l’année autour de 19 milliards d’euros.

Ce qui conduit à revoir l’analyse de notre besoin de financement n’est pas tant la révision des hypothèses économiques que la situation de notre déficit, qui reste élevé en 2021 et 2022, et l’évolution des conditions de financement, avec la remontée prévisible des taux d’intérêt. Notre hypothèse était qu’en 2022 l’Urssaf se financerait à – 0,4 % sur les marchés. Pour l’instant, nous avons fait mieux, puisqu’au premier semestre nous étions à – 0,6 %. Au deuxième semestre, nous devrions faire moins bien, entre – 0,2 % et 0 %, car la Banque centrale européenne (BCE) devrait remonter ses taux à partir de juillet. Cela devrait réduire les gains que la sécurité sociale réalise – paradoxalement – sur ses emprunts, qui se sont élevés en 2021 à 270 millions d’euros. En 2022, la dette diminuant et les taux revenant vers la neutralité, nous avons prévu 125 millions de produits financiers, mais nous devrions plutôt être à 100 millions d’euros. En fait, à ce stade, l’impact de la remontée des taux restera modéré, et se verra surtout au second semestre et en 2023 – mais il faut rester prudent sur les prévisions, car on sous-estime toujours les retournements de tendance.

Nous devrions toutefois retrouver un univers de taux positif en 2023. La dette recommencera donc à nous coûter, mais il est difficile de dire combien, d’autant que, avec l’inflation, les taux réels continueront à être négatifs, et l’encours se dévaluera progressivement. Outre le coût de la dette, nous devons veiller à sa liquidité. Nous trouvons facilement des financements aujourd’hui, car les liquidités sont abondantes, même si les investisseurs commencent déjà à se montrer plus prudents, notamment sur les titres à long terme. Tout dépend, en fait, de l’évaluation que font les marchés de la capacité de notre pays à rembourser ses dettes, telle qu’elle est reflétée par les notes que nous donnent les agences spécialisées. Pour l’instant, Fitch et Moody’s nous donnent la même note qu’à la France, avec un point de vigilance sur la dette de long terme. Dans un contexte économique incertain, un émetteur public est une valeur de refuge. Mais en cas de choc imprévu, la liquidité peut se retreindre brutalement, comme cela s’est produit en mars 2020, où nos besoins de financement sont devenus d’un coup difficiles à satisfaire. Nous devons donc identifier les mesures permettant de réduire notre exposition aux chocs sur les marchés financiers. Nous sommes actuellement contraints par le fait que nous ne pouvons recourir qu’à des titres de court terme, c’est-à-dire de moins d’un an, à la différence de l’agence France Trésor.

M. Philippe Mouiller. – Merci pour cette présentation. Vous avez surtout parlé des taux d’intérêt et souligné l’avantage pour nos dettes des taux négatifs, mais le véritable enjeu est surtout le moyen d’orienter l’évolution de ces dettes. Certes, la situation de l’emploi génère de bonnes recettes, mais en matière de dépenses, les perspectives ne sont pas bonnes. Le stock de dette reste important, et des questions fondamentales se poseront en 2023 sur la santé et les hôpitaux. La cinquième branche, très récente, est déjà en déficit. Les recettes de CSG attendues pourront-elles suffire ? Pourriez-vous nous donner des perspectives sur la manière de financer nos besoins en 2023 ? L’évolution des taux ne saurait être le seul paramètre retenu : vous nous parlez de centaines de millions d’euros quand nous parlons de milliards d’euros ! Les représentants du ministère, comme vous-même ce matin, donnent le sentiment de ne pas trop s’en faire parce que les taux d’intérêt sont toujours négatifs. Nous nous préoccupons davantage du solde de notre dette, et des enjeux financiers des années à venir.

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