Intervention de Yann-Gaël Amghar

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 juillet 2022 à 9h00
Situation des comptes sociaux – Audition de M. Yann-Gaël Amghar directeur de l'urssaf caisse nationale

Yann-Gaël Amghar, directeur de l’Urssaf Caisse nationale :

– Je suis désolé si mon propos a eu l’air excessivement émollient sur la situation financière, ou trop ciblé sur la question des taux d’intérêt. Je me suis focalisé, comme je pensais y être invité, sur l’impact attendu des taux sur nos conditions de financement. Bien sûr, ce serait prendre le sujet par le petit bout de la lorgnette que de croire que la seule question est celle de l’évolution des taux d’intérêt et des conditions de financement de la dette sociale ! J’ai d’ailleurs également insisté sur la capacité de la sécurité sociale à se financer au quotidien, rappelant qu’en 2020 nous avons été confrontés à un choc exceptionnel, soulignant l’importance de cette question de la liquidité.

Dans vos questions, beaucoup d’éléments sont de nature politique, et relèvent des choix qui doivent être faits. L’amélioration des comptes repose essentiellement sur une amélioration des recettes, qui reflète le rebond de l’économie. Quant aux dépenses, elles correspondent aux prévisions, ou les dépassent, notamment pour la branche maladie.

Nous ne sommes pas prévisionnistes, d’autant qu’une partie de l’évolution des dépenses dépendra d’arbitrages politiques. Mais l’élément nouveau, pour les années qui viennent, sera l’impact du retour de l’inflation sur les comptes sociaux, avec la double question de savoir à quelle vitesse l’inflation se répercute sur les salaires, et sur nos dépenses. Cela dépendra du rythme de revalorisation des prestations, de la manière dont on revalorisera plus ou moins rapidement les déterminants des dépenses de santé, de l’évolution du point d’indice de la fonction publique, des honoraires correspondant aux prestations médicales, des tarifs des produits de santé… Il peut y avoir un effet spontanément bénéfique de l’inflation sur les comptes sociaux si l’inflation se répercute plus vite sur les salaires que sur les prestations. Mais on voit bien en ce moment, avec le projet de loi sur le pouvoir d’achat, que, si l’inflation repart trop vite, les rythmes normaux de révision des prestations peuvent être politiquement difficiles à maintenir.

Pour l’instant, nous observons une bonne tenue des recettes. Nos enquêtes sur le niveau de la masse salariale, des embauches, ou sur le niveau des impayés en fin de mois, ne laissent pas prévoir, à ce stade, de difficultés nouvelles : mois après mois, nous constatons une amélioration des impayés par rapport à la situation qui prévalait pendant la crise. En fait, on observe plutôt une bonne résistance de l’économie française, qui a été le principal vecteur de redressement des comptes sociaux. Mais dans la durée, il y aura des arbitrages politiques à prendre sur le rythme de prise en compte de l’inflation et donc la répartition de l’effort entre recettes et dépenses.

Mme la rapporteure générale m’interroge sur la certification des comptes et sur la manière dont nous avons traité les régularisations opérées en 2021 sur les cotisations des travailleurs indépendants. Il s’agit donc du rattachement de ces régularisations à un exercice ou à un autre. Les travailleurs indépendants bénéficient d’un système de cotisations provisionnelles sur la base du dernier revenu connu, avec une régularisation l’année suivante lorsque le revenu est définitivement connu, comme pour l’impôt sur le revenu.

Nous avons appliqué la norme comptable, définie notamment par le Conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP) dans le recueil des normes comptables applicables aux établissements publics, qui prévoit que ces régularisations soient rattachées à l’exercice relatif aux déclarations de revenus, c’est-à-dire à l’exercice au cours duquel on connaît les montants régularisés. Ce sujet a donné lieu à de nombreux travaux, qui ont montré qu’il était impossible de prévoir avec suffisamment de robustesse l’ampleur de ces régularisations. Nous n’avons fait qu’appliquer les normes comptables en intégrant les régularisations l’année où leur montant est connu avec certitude. L’Unédic, qui reçoit les recettes correspondantes, a vu ses comptes certifiés sans réserve par ses commissaires aux comptes, alors que la question aurait pu se poser vu l’avis de la Cour des comptes… Nous avons eu une divergence avec la Cour, qui n’a pas voulu tenir compte de cette norme comptable, alors que celle-ci s’impose à nous.

Nous portons actuellement 40 milliards d’euros de déficits cumulés des régimes sociaux. Comme je l’ai dit tout à l’heure, en 2022, la Cades doit reprendre 40 milliards d’euros de dette. Notre besoin de financement sera donc allégé en fin d’année à 19 milliards d’euros environ.

Au premier semestre, nous nous sommes financés à – 0,6 %. Pour le second semestre, nous espérons nous financer entre – 0,2 % et 0 %.

Aussi, sur l’année, on devrait être entre – 0,3 % et – 0,4 %, en cohérence avec les prévisions que nous avions faites en début d’année. Après, nous sommes dépendants des décisions de la BCE, et nous pourrions nous retrouver avec des taux positifs en fin d’année.

Madame Lubin, vous m’interrogez sur l’impact des mesures de pouvoir d’achat. Pour l’instant, seule l’exonération de cotisations des indépendants a vocation à être compensée. La question porte sur la pérennisation de la prime de pouvoir d’achat. Il s’agit d’une rémunération désocialisée, ce qui entraîne une substitution de ce mode de rémunération aux augmentations de salaires soumis à cotisations.

Il y a donc évidemment un impact sur les finances sociales, mais cet effet est un peu neutralisé par le forfait social, 20 % en général, mis en place voilà dix ans.

Je ne suis pas en mesure aujourd’hui d’évaluer l’impact réel sur les finances de la mise en place de la prime, d’autant qu’elle prend le relais de dispositifs existants.

Mme Laurence Cohen. – Avec la réforme de l’assurance chômage mise en place par le précédent gouvernement, on a assisté à une augmentation de l’ordre de 48 % des radiations administratives depuis un an. Dans ces conditions, comment se féliciter de l’amélioration des comptes de l’Unédic ?

– Madame la sénatrice, cette question n’entre pas dans mon champ de compétence. Je rappelle que les comptes de l’Unédic sont en dehors des comptes de la sécurité sociale. L’évolution du nombre de personnes indemnisées n’a donc aucun effet sur les comptes de la sécurité sociale.

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