Intervention de Xavier Lescure

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 juillet 2022 à 9h00
Variole simienne – Audition du professeur xavier lescure infectiologue à l'hôpital bichat de Mm. Bruno Coignard directeur des maladies infectieuses et françois beck directeur de la prévention et de la promotion de la santé de santé publique france et du docteur clément lazarus représentant de la direction générale de la santé

Xavier Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat :

– Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais, pour ce qui me concerne, évoquer la situation clinique.

Nous avons affaire à une variole simienne qui, jusqu’alors, n’avait pas beaucoup dépassé les zones d’endémie. Il s’agissait essentiellement de zoonoses, les transmissions interhumaines étaient peu fréquentes. Elles concernaient surtout les chasseurs ou les enfants en contact avec les animaux porteurs du virus, principalement les rongeurs et les singes.

Cette infection virale à gros virus à ADN enveloppé, assez résistant en milieu inerte, provoquait, durant la phase virémique d’invasion systémique, des signes généraux tels que fièvre et syndrome pseudo-grippal. On assistait ensuite à l’émergence de lésions cutanées ou cutanéo-muqueuses, d’évolution monosynchrone, c’est-à-dire en une seule phase, qui duraient environ trois semaines avant de cicatriser une fois les croûtes tombées et qui pouvaient laisser des séquelles cicatricielles dysesthétiques.

Le pronostic de cette maladie en zone d’endémie est variable en fonction des régions et des sous-types viraux. Nous pensons que les données dont nous disposons ne sont pas forcément très précises s’agissant du nombre de patients touchés et du contexte de la zone d’endémie. Cependant, on considère que la mortalité est d’environ 30 % pour le sous-type viral évoluant en Afrique centrale et de 10 % en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, le sous-type viral qui s’est disséminé en dehors de la zone d’endémie est celui de l’Afrique de l’Ouest, dont la mortalité est moins sévère.

Depuis le mois de mai dernier, nous constatons une diffusion au-delà de la zone d’endémie. C’était déjà arrivé, mais il existe, cette fois, une particularité des modes de transmission, ce qui a un impact sur la présentation clinique. Aujourd’hui, et c’est inédit, la transmission interhumaine est assez dynamique dans une communauté particulière, la transmission se faisant essentiellement entre hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), dans un contexte de multipartenariat. Ces hommes sont en général jeunes et souffrent très peu de comorbidités. On retrouve des patients séropositifs au VIH, mais la plupart sont très bien contrôlés et ne présentent pas d’immunodépression. Nous n’avons pas de forme grave, parce que les patients, aujourd’hui, ne présentent pas de facteur de risque de gravité de la maladie, la population de malades ne comportant pas de personnes à risqus que sont les enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées.

La particularité clinique de cette sortie de la maladie de sa zone d’endémie est probablement liée au mode de transmission : les lésions sont essentiellement, dans un premier temps, génitales ou périgénitales. Elles évoluent selon la chronologie classique, mais on voit régulièrement des évolutions atypiques, avec des récurrences proches de la première floraison : on a l’impression, cliniquement, que plusieurs éruptions cutanées sont possibles, ce qui n’est pas décrit dans la maladie en zone d’endémie et pourrait laisser envisager une physiopathologie différente ou de potentielles recontaminations. Par ailleurs, on note une plus grande fréquence des cas de rectites et de pharyngites, qui sont probablement liés aux modes de transmission et dont on ignore aujourd’hui les séquelles potentielles d’un point de vue fonctionnel.

Aujourd’hui, en France, Bichat et La Pitié-Salpêtrière font à peu près la même évaluation : la gravité est faible, mais, sur un panel de 500 patients diagnostiqués dans les deux hôpitaux, on compte plus de 25 hospitalisations, ce qui n’est pas totalement négligeable. Cependant, il convient de préciser que ce ne sont pas des hospitalisations en réanimation, qui grèvent le pronostic vital : il s’agit essentiellement d’atteintes oculaires, de kératites, d’atteintes rectales ou de surinfections bactériennes, lesquelles sont, sur la zone d’endémie, la principale cause de gravité, voire de décès, du fait d’un accès aux soins limité et d’un accès aux antibiotiques parfois restreint.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion