Intervention de Bruno Coignard

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 juillet 2022 à 9h00
Variole simienne – Audition du professeur xavier lescure infectiologue à l'hôpital bichat de Mm. Bruno Coignard directeur des maladies infectieuses et françois beck directeur de la prévention et de la promotion de la santé de santé publique france et du docteur clément lazarus représentant de la direction générale de la santé

Bruno Coignard, directeur des maladies infectieuses de Santé publique France :

– Je vais faire un point de situation épidémiologique, en m’appuyant sur un diaporama.

L’alerte initiale date de mai 2022. Elle a été émise par les autorités sanitaires de Grande-Bretagne, en vertu d’un système européen qui permet aux États membres et à ce pays d’échanger des messages d’information sanitaire de manière rapide. Ce message a été reçu par la DGS et Santé publique France le samedi 14 mai. Il faisait état de deux cas confirmés, chez une mère et un nouveau-né, d’infections à monkeypox, et d’un cas index, le conjoint. Surtout, ces personnes n’avaient pas voyagé ou été en contact avec des voyageurs. Ces cas dataient des 12 et 13 mai.

En date du 14 mai, les Britanniques rapportaient aussi quatre cas confirmés chez des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, qui n’avaient pas non plus voyagé ou été en contact avec des voyageurs. Cela plaidait donc très fortement en faveur d’une transmission autochtone sur le territoire britannique.

Ce message a été bien reçu par nos collègues de la DGS et par nous-mêmes. Nous avons tenu une première réunion le lundi suivant pour analyser ce signal atypique – les notifications précédentes concernaient toutes des importations, les malades ayant voyagé en Afrique.

Dans un second temps, le Portugal a aussi confirmé ses premiers cas. Au départ, il faisait état de syndromes infectieux similaires avec des lésions cutanées chez des homosexuels masculins, sans diagnostic étiologique – ils ont recherché la présence de monkeypox à la suite de l’alerte britannique.

Nous avons donc mis en place dès le 17 mai une surveillance renforcée : en plus de la déclaration obligatoire pour tous les orthopoxvirus, dont la variole, nous avons mis en place une définition de cas spécifique et une conduite à tenir, pour diffusion aux cliniciens qui déclarent ensuite ces cas et aux laboratoires.

Le premier cas français a été déclaré, après diagnostic au Centre national de référence (CNR), le 19 mai.

Le 4 juillet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sur la base des données remontées par les pays, avait recensé plus de 6 000 cas, une très grande majorité d’entre eux – 4 920 – dans la région Europe. Selon l’inventaire du nombre de cas en Europe, établi en date du 7 juillet, sur la base des données corrigées par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), les pays principalement concernés sont l’Espagne, l’Allemagne, la France, le Portugal, les Pays-Bas, l’Italie et la Belgique – je ne cite que les pays qui ont déclaré plus de 100 cas.

La courbe épidémique réalisée sur la base des mêmes données européennes montre une progression régulière. Il faut toutefois ne pas se fier à l’apparence de stabilisation, voire de décroissance au cours des dernières semaines : les délais de diagnostic sont, en moyenne, de sept jours. Par ailleurs, les délais de notification à l’ECDC peuvent varier suivant les pays. Les trois pays qui connaissent une hausse des nombres de cas sont la Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Allemagne, qui ont des dynamiques un peu plus précoces et, surtout, beaucoup plus importantes qu’en France.

Le bilan que nous avons arrêté hier, mardi 12 juillet, à 14 heures, sur la base de nos données nationales – il sera mis en ligne après cette réunion – fait état de 912 cas confirmés recensés en France, dont 828 ont fait l’objet d’une investigation par nos équipes et celles des agences régionales de santé (ARS) et ont été décrits en date du 11 juillet.

Les adultes ont entre 19 et 84 ans, l’âge médian étant de 36 ans. Nous avons aussi 5 cas adultes féminins et 2 cas pédiatriques. Parmi les hommes dont l’orientation sexuelle est connue, 97 % sont des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et 75 % ont des relations multipartenaires, c’est-à-dire avec au moins deux partenaires rapportés dans les trois semaines précédant le début des symptômes. La plupart de ces malades ne sont pas capables d’identifier la personne qui les aurait contaminés.

S’agissant de la répartition géographique des 824 cas décrits au 11 juillet, l’essentiel – 517 – est diagnostiqué en région Île-de-France, mais le nombre de cas déclarés augmente de façon régulière en Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, sans doute aussi à la faveur des migrations estivales.

J’y insiste, les données des dernières semaines ne sont pas consolidées. Le délai de diagnostic médian est aujourd’hui de six jours ; il a beaucoup diminué. Quoi qu’il en soit, l’épidémie est encore active. La date de début des signes du premier cas était le 7 mai, et le dernier cas recensé dans ce bilan date du 7 juillet.

Pour ce qui concerne les principaux signes rapportés, 81 % des malades déclarent des éruptions génito-anales, 73 % une éruption sur une autre partie du corps, 78 % de la fièvre, 76 % des adénopathies et 37 % un mal de gorge ; 5 % sont immunodéprimés. Enfin, 211 malades, soit 26 %, sont séropositifs au VIH. Quant aux non-porteurs du VIH – au nombre de 403 –, soit 70 %, ils sont sous prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP).

Le délai médian de diagnostic est de six jours, mais il a diminué : il était de 13 jours en semaine 18, contre 4 jours aujourd’hui. Cela montre bien que l’accès aux tests est aujourd’hui beaucoup plus fluide qu’au tout début. Quelques hospitalisations ont été rapportées, comme l’a indiqué le professeur Xavier Lescure, pour la gestion de douleurs parfois intenses, quelques surinfections bactériennes et, parfois, des mesures d’isolement.

L’analyse est en cours. Je n’ai pas de données plus précises à ce stade, mais nous pourrons vous les communiquer ultérieurement. Aucun décès n’a été recensé parmi les cas français.

Pour conclure, les actions que Santé publique France mène aujourd’hui se déclinent sur plusieurs axes : surveillance-investigation ; contribution à l’expertise et lien avec la recherche, avec laquelle nous partageons nos données – nous avons des relations quotidiennes à l’échelon national avec les cliniciens, avec des équipes de recherche, notamment des modélisateurs, pour travailler sur la dynamique épidémique, avec l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes sur certains projets de recherche. Nous partageons nos données à l’échelon européen, toutes nos données de surveillance nationale alimentant les travaux du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, mais aussi avec l’OMS.

L’appui aux décideurs est quotidien : nous transmettons chaque jour à la Direction générale de la santé, depuis le 19 mai, des données sur les cas.

Les analyses sur le suivi des contacts sont en cours, pour voir, notamment, quelles sont leurs caractéristiques. Enfin, Santé publique France, dans son établissement pharmaceutique, participe bien évidemment à la gestion du stock des doses de vaccins et d’antiviraux et aux schémas logistiques d’approvisionnement.

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