Intervention de Clément Lazarus

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 juillet 2022 à 9h00
Variole simienne – Audition du professeur xavier lescure infectiologue à l'hôpital bichat de Mm. Bruno Coignard directeur des maladies infectieuses et françois beck directeur de la prévention et de la promotion de la santé de santé publique france et du docteur clément lazarus représentant de la direction générale de la santé

Clément Lazarus, adjoint à la sous-directrice veille et sécurité sanitaire, représentant de la Direction générale de la santé :

– Pour ma part, je vous présenterai ce qu’a fait la Direction générale de la santé depuis le lancement de l’alerte, l’esprit dans lequel elle travaille et les perspectives en termes de gestion.

Au préalable, je précise que la maladie, si elle s’appelle la variole du singe, n’est qu’un cousin de la variole. Elle a en outre peu à voir avec le singe. Elle a été découverte chez le singe, cet animal pouvant être hôte de cette maladie, mais le réservoir animal, ce sont plutôt les petits rongeurs. Sur ce sujet, nous travaillons avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et les autorités vétérinaires.

Je précise par ailleurs que la variole du singe n’est pas une maladie des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Si l’épidémie dans les pays de l’hémisphère Nord et en Europe est actuellement centrée sur cette communauté, elle peut se diffuser au-delà de ce cercle. Il faut le dire de manière très claire.

Nous avions l’habitude de voir ces dernières années des cas importés depuis les zones d’endémie, vers les USA, vers le Royaume-Uni, compte tenu de ses liens avec le Nigeria, vers Israël en 2018, Singapour en 2019. La fréquence des événements d’introduction est désormais plus importante, compte tenu de l’augmentation du trafic aérien mondial. Nous n’avions pas encore vu de circulations actives à large échelle, comme c’est le cas en France depuis le 19 mai.

Après la découverte de ce premier cas, nous avons mis en place une stratégie autour du risque épidémique et biologique (REB). Il s’agit d’une stratégie d’endiguement des premiers cas d’une maladie qui ne circule pas de manière autochtone dans notre pays.

La conduite à tenir consiste à mettre à l’isolement les cas durant 21 jours, à réaliser des investigations en aval pour trouver d’éventuels cas secondaires et en amont pour identifier les lieux et les circonstances de contamination, éventuellement pour les documenter et mettre en place des actions.

Il faut également avertir les cliniciens, via les Mars et les DGS-Urgent, mais aussi via la Coordination opérationnelle – Risque épidémique et biologique (COREB). Il s’agit d’une phase d’alerte et de sensibilisation. Peu de spécialistes en France ayant eu à connaître cette maladie, les médecins peuvent passer à côté du diagnostic. Un travail iconographique a également été réalisé pour permettre aux populations les plus ciblées de reconnaître les lésions.

On a mis assez rapidement en place une vaccination post-exposition des cas à risques. Alors que le premier cas a été identifié le 19 mai, que la Haute Autorité de santé a publié son avis le 24, nous avons pris un arrêté sur le fondement de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique, car le vaccin américain bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis contre le monkeypox, mais pas en Europe. L’avis de la HAS a été complété le 20 juin pour préciser les indications chez les enfants et les personnes ayant été immunisées contre la variole lorsqu’elles étaient jeunes. Depuis le début de la vaccination, plus de 1 000 injections ont été réalisées.

Nous avons saisi plusieurs fois le Haut Conseil de la santé publique afin qu’il nous aide à élaborer et à diffuser des recommandations sur la conduite à tenir face aux cas et aux sujets contacts et aux personnes ayant un risque de développer une forme grave, sur les mesures de prévention et les gestes barrières spécifiques, et ce en concertation avec les associations.

La documentation des cas effectuée a permis de constater une circulation particulière chez les HSH multipartenaires, une localisation assez spécifique des lésions et les circonstances de transmission, très majoritairement des contacts très rapprochés.

La variole du singe n’est pas une maladie sexuellement transmissible au sens strict du terme, mais elle s’en approche.

L’enjeu est donc de passer à une gestion infectiologique classique, avec une forte composante de santé sexuelle et reproductive.

La prise en charge des cas était au départ centrée sur les établissements de santé de référence et les établissements habilités par les ARS pour la gestion du risque épidémique et biologique. La prise en charge a ensuite été ouverte à l’ensemble des services de maladie infectieuse. On commence à ouvrir la prise en charge en ville, dans les centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD), qui sont des centres dédiés à la santé sexuelle. Le premier réflexe doit être de consulter son médecin traitant, mais le 15 est aussi fait pour orienter les patients.

Les cliniciens ayant constaté que les lésions sont horriblement douloureuses, nous avons saisi les sociétés savantes compétentes afin d’envisager une prise en charge spécifique de la douleur. Nous sommes en attente de leur retour.

Maintenant que nous avons un tableau de la situation, nous n’avons plus besoin de documenter tous les cas et de tester tout le monde lorsque le diagnostic clinique est évident et que les diagnostics différentiels, notamment les IST, sont éliminés.

Cette maladie étant proche de la variole, les laboratoires ont besoin d’une autorisation particulière pour détenir ce type de prélèvement. L’ensemble des laboratoires P3 hospitaliers vont désormais pouvoir les traiter. Le Centre national de référence les assiste dans le déploiement de la technique de diagnostic. Selon la Société française de microbiologie, il est préférable d’en rester au niveau P3 compte tenu de la pathogénicité de cet agent. Toutefois, dans certains territoires ou certaines situations, il est possible d’autoriser les laboratoires de niveau P2 +. Nous travaillons sur cette question.

Nous travaillons d’ores et déjà avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) afin d’identifier les fabricants de tests rapides d’orientation diagnostique (TROD) et d’évaluer les performances de ces tests. S’il était possible d’en mettre à la disposition des CeGIDD, cela faciliterait les diagnostics.

J’en viens à la vaccination préventive. Nous avons saisi la Haute Autorité de santé le 1er juillet, qui a rendu son avis le 8 juillet. La vaccination est recommandée dans trois indications principales : pour les HSH multipartenaires et les personnes trans multipartenaires, les gérants de lieux de convivialité avec consommation sexuelle, les personnes en situation de prostitution. La HAS a indiqué qu’elle ne retenait pas les soignants, mais que la vaccination de ceux qui sont particulièrement exposés était possible au cas par cas. Cette indication ne se fait pas au détriment de la vaccination post-exposition. La vaccination post-exposition est prioritaire sur la vaccination préventive.

Dès le 8 juillet, les ARS ont reçu l’avis de la HAS. Elles travaillent depuis à l’élargissement des centres de vaccination. Nous avons travaillé avec Santé publique France et l’ANSM pour organiser le schéma logistique et lever l’ensemble des freins techniques, notamment en ce qui concerne les conditions de conservation et de transport des vaccins.

Le dimanche 10 juillet, un nouvel arrêté a été publié afin de lever l’ensemble des freins réglementaires qui nous gênaient pour déployer la vaccination. Il n’est plus besoin de faire de rétrocession nominative depuis une pharmacie hospitalière pour vacciner, par exemple, dans les CeGIDD. Le vaccin ne figurant pas dans le calendrier vaccinal, les centres de vaccination ne pouvaient pas vacciner avec ce type de vaccin. Nous avons rappelé que les infirmiers pouvaient réaliser l’injection sur prescription médicale.

Aujourd’hui, plus de soixante-dix centres sont référencés, sur les sites des ARS et sur le site www.sante.fr/monkeypox. Les prises de rendez-vous ont débuté. Nous arriverons à une vitesse de croisière assez rapidement.

Je souligne que nous faisons partie des premiers pays à faire une vaccination préventive, avec le Royaume-Uni, le Canada et l’Allemagne. Il nous a fallu redimensionner les stocks prépositionnés dans les régions et nous travaillons sur la consolidation des circuits d’approvisionnement.

Je sais que vous allez m’interroger sur les stocks. Aussi, je vous indique d’emblée que le capacitaire et la composition du stock sont couverts par le secret-défense.

Mes collègues de Santé publique France ont beaucoup parlé de la communication, mais j’insiste sur le fait que nous avons un dialogue hebdomadaire et de qualité avec les associations, sur ce que nous faisons et sur les remontées du terrain. Un numéro vert – 0801 90 80 69 – est ouvert depuis aujourd’hui.

Vous le voyez, nous avons fait beaucoup de choses dans un temps restreint. Je rappelle que l’alerte a été lancée voilà un mois et demi.

Enfin, je tiens ici à rendre hommage aux équipes qui travaillent avec moi sur ce sujet. Elles sont totalement mobilisées, tard le soir, y compris le week-end. Soyez assurés que nous sommes totalement déterminés à lutter contre cette nouvelle épidémie. J’espère que tout ce que nous avons appris durant la crise de la covid nous servira pour gérer cette épidémie au mieux.

Mme Corinne Imbert. – Alors que le nombre de cas recensés est assez modeste, craignez-vous un emballement et une augmentation du taux de mortalité ? Craignez-vous que l’on puisse atteindre le taux de 10 % de l’Afrique de l’Ouest ?

Estimez-vous qu’il existe des cas asymptomatiques et non ou mal dépistés ? Quelles mesures sont prises pour favoriser le dépistage, en plus des TROD ?

Comment expliquer le petit décalage de la mise en place de la vaccination par rapport aux autres pays comme le Canada ou l’Allemagne ?

Nous avons bien entendu que les stocks sont couverts par le secret-défense, mais permettez-nous de vous interroger sur le stock dit « suffisant ». Vous dites que la vaccination post-exposition doit rester prioritaire, ce qui signifie qu’il va falloir gérer des stocks. La Haute Autorité de santé recommande deux injections à 28 jours d’intervalle, ce délai pouvant atteindre quelques semaines. Ce délai est-il une façon de gérer les stocks ?

L’Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA) aurait passé des commandes de vaccins. La France bénéficiera-t-elle de ces commandes groupées ou a-t-elle passé des commandes parallèles ?

Pouvez-vous nous donner des informations sur l’efficacité et l’innocuité des vaccins ?

Le démarrage de la vaccination en Île-de-France semble difficile. Est-ce un problème de logistique ou un problème de stocks ? À quelle date les vaccinations seront-elles possibles dans les régions ?

Mme Florence Lassarade. – Existe-t-il un protocole pour la femme enceinte porteuse de lésions génitales ? Faut-il pratiquer systématiquement une césarienne ?

Quel est le délai d’efficacité de la vaccination ? Peut-on envisager la vaccination de la femme enceinte ?

Enfin, le vaccin contre le papillomavirus se diffuse-t-il ? Ce vaccin n’a-t-il pas été victime de l’épidémie de covid ?

M. Bernard Jomier. – Le discours de la Direction générale de la santé ne correspond pas exactement au déroulement des faits. Vous avez rappelé que le premier avis de la Haute Autorité de santé datait de la fin mai, date à laquelle l’Allemagne commandait 240 000 vaccins. Pour le moment, nous n’avons aucune réponse aux questions sur les commandes de vaccins. Nous sommes en retard par rapport aux autres grands pays concernés, comme d’habitude !

Pour évaluer la situation, nous avons besoin des prévisions des épidémiologistes. Or nous n’en avons pas. Les facteurs d’incertitude rendent-ils les prévisions trop complexes ?

Combien de vaccins sont disponibles pour la population générale ? On ne peut pas nous opposer le secret-défense sur le nombre de vaccins disponibles pour la population générale. Cela n’a rien à voir avec la sécurité nationale !

Quand avez-vous commandé des vaccins ? En quelle quantité ?

Un travail d’information a été fait avec un certain nombre d’associations, notamment communautaires, mais pourriez-vous nous en dire plus sur le dispositif d’information de la population ?

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