J’étais présent à ses obsèques, à Fréthun. Ce fut une émouvante cérémonie d’adieu, à laquelle assistaient de nombreux élus et habitants de sa chère commune et du Pas-de-Calais.
Le don de soi et l’amour du prochain ont sans cesse guidé la vie de Catherine Fournier.
Née à Boulogne-sur-Mer, elle a grandi près de Calais, à Fréthun, commune dont son père, René Hochart, qui est présent ici et que je salue, fut longtemps maire. C’est sans doute dans cet environnement familial, au cours des premières années de sa vie, que se forgea sa vocation pour le service de l’intérêt général, sa passion pour l’engagement public et politique.
Après un diplôme universitaire de gestion des entreprises et des administrations, obtenu à Lille, Catherine Fournier y fit ses débuts professionnels, dans le secteur des assurances.
Dès 1988, à l’âge de 33 ans, elle était de retour à Fréthun, où elle fondait une entreprise gérant une résidence hôtelière sous forme pavillonnaire. Elle fut longtemps chef d’entreprise et illustra dans ces fonctions, déjà, l’engagement, en contribuant par exemple, à travers l’édification de motels, à loger des ouvriers et leur famille lors de la construction du tunnel sous la Manche.
Ce don de soi, Catherine Fournier en apporta le témoignage le plus éloquent dans l’exercice de ses différents mandats, singulièrement son mandat de maire.
En 1995, sept ans après son retour à Fréthun, elle eut la fierté de succéder à son père à la mairie.
Brillamment réélue à trois reprises par la suite, toujours avec de très beaux scores – 90 % des voix au premier tour en 2008 ! – elle allait rester maire pendant vingt-deux ans. Elle n’y renoncera qu’en 2017, après son élection au Sénat, pour se mettre en conformité avec la législation sur le cumul des mandats.
Pendant plus de deux décennies, elle mit toute son énergie et sa générosité au service des habitants de Fréthun. Elle œuvra avec beaucoup d’efficacité pour l’emploi et l’aménagement du territoire. Elle s’investit à fond dans le dossier de la gare internationale de Calais-Fréthun, point d’entrée du tunnel sous la Manche. Grâce à son action, la ville s’est métamorphosée, en se développant autour de cette gare TGV internationale et des installations d’Eurotunnel.
Profondément enracinée dans sa commune, Catherine Fournier l’était aussi dans son département et dans sa région. Élue conseillère générale du Pas-de-Calais de 2006 à 2008, puis conseillère régionale à partir de 2015, aux côtés de Xavier Bertrand, elle contribua au dynamisme économique de la région. Elle exerça en outre d’importantes responsabilités dans les intercommunalités : elle fut ainsi vice-présidente de la communauté de communes du sud-ouest du Calaisis, puis vice-présidente de l’agglomération du Grand Calais Terres et Mers.
Catherine Fournier ne fut pas seulement une élue locale exemplaire ; elle fut aussi une grande sénatrice.
Son entrée au Palais du Luxembourg, en septembre 2017, marquera sa vie politique. Après avoir sillonné le Pas-de-Calais au cours de la campagne pour les élections sénatoriales, allant de mairie en mairie aux côtés de Jean-François Rapin et du regretté Philippe Rapeneau, elle a défendu avec passion, au sein de notre assemblée, sa commune, le Calaisis et son département du Pas-de-Calais.
Dès son arrivée, nous avons apprécié cette femme souriante et chaleureuse, dont les premières interventions dans l’hémicycle furent écoutées avec attention sur toutes les travées.
Elle adhéra au groupe Union Centriste et devint membre de la commission des affaires sociales. Particulièrement assidue aux réunions de commission, elle se plongea très rapidement dans les travaux législatifs et fut nommée, dès juin 2018, corapporteur de l’important projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, chargée du volet relatif à la formation professionnelle.
En octobre de la même année, elle devint présidente de la commission spéciale sur le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises. Elle exerça cette lourde responsabilité avec pragmatisme et engagement, menant à bien, dans des délais brefs, l’examen de ce texte-fleuve et quelque peu hétéroclite, qui a donné lieu à près de 360 auditions et débouché sur la loi dite « Pacte », riche de plus de 200 articles.
Par sa maîtrise des sujets, souvent techniques, et par son sens du dialogue, elle sut immédiatement susciter l’estime et le respect de ses collègues. J’ai le souvenir de ses interventions en conférence des présidents.
En 2020, elle participa à la commission spéciale sur le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.
Elle s’impliqua également dans les travaux de contrôle et d’évaluation des politiques publiques. Avec deux de ses collègues membres de la commission des affaires sociales, Michel Forissier et Frédérique Puissat, elle fut l’auteur d’un rapport d’information, remarqué pour sa grande qualité, sur le droit social applicable aux travailleurs des plateformes. Elle y a formulé d’intéressantes propositions pour améliorer la protection sociale de ces travailleurs, qui se trouvent souvent dans des situations précaires.
Elle s’est aussi mobilisée sur le sujet de la pénurie de médicaments, l’un des effets de la crise sanitaire, plaidant alors pour une mutualisation européenne de l’industrie pharmaceutique.
En outre, elle s’est beaucoup investie au sein de la délégation aux entreprises.
À la suite du renouvellement de 2020, Catherine Fournier rejoignit la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes, dont les présidents Sophie Primas et Jean-François Rapin peuvent témoigner de la finesse de ses analyses et de sa bonne connaissance des dossiers économiques et sociaux.
Lors des questions d’actualité au Gouvernement, elle s’illustrait par sa pugnacité, qu’il s’agisse de l’apprentissage, de l’impact de la pêche industrielle sur l’écosystème ou encore du Brexit.
Catherine Fournier a toujours eu à cœur de défendre son territoire. Elle s’est battue avec acharnement pour que soient conservés les arrêts de l’Eurostar à Fréthun, tout comme elle s’est battue pour les droits des pêcheurs français lors des négociations du Brexit.
Sa dernière intervention dans notre hémicycle, il y a un peu plus d’un an, fut pour défendre la mise en place d’un statut adapté à la spécificité de la liaison fixe transmanche, à l’instar de celui des ports et des aérodromes.
Catherine Fournier ne cédait rien. En cet instant, je repense à cette phrase du général de Gaulle : « Soyons fermes, purs et fidèles ; au bout de nos peines, il y a la plus grande gloire du monde, celle des hommes qui n’ont pas cédé. » Catherine Fournier n’a jamais cédé ; jusqu’au bout, toute sa vie elle aura conservé la même ténacité, la même droiture.
Passionnée non seulement par la vie publique et politique, mais aussi par les voyages ou la musique, c’était, de l’avis unanime de ceux qui l’ont connue, une femme compétente, courageuse et persévérante, ainsi que profondément bienveillante, généreuse et charismatique.
En cet instant, je la revois siégeant dans cet hémicycle, en face de moi : c’était une sénatrice chaleureuse, une élue de proximité, une véritable humaniste, dotée d’une profonde empathie envers les autres.
À ses anciens collègues des commissions des affaires sociales, des affaires économiques et des affaires européennes, à ses amis du groupe Union Centriste, à vous, Hervé Marseille et Valérie Létard, qui m’avez accompagné au dernier rendez-vous que nous avons eu avec elle à l’église de Fréthun, j’exprime une fois encore notre sympathie attristée.
À son père, René, ancien maire de Fréthun, à son époux, Jean-Claude, à ses enfants Antoine et Anne, à sa sœur Michelle, à ses proches, ainsi qu’à toutes celles et à tous ceux qui l’ont accompagnée tout au long de sa vie et ont partagé ses engagements, je souhaite redire la part que le Sénat prend à leur deuil. Votre peine est aussi la nôtre. Nous avions noué des liens d’estime et d’amitié avec elle dès notre première rencontre.
Catherine Fournier restera présente dans nos mémoires.
La parole est à Mme la ministre.