Mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient le triste honneur de rendre hommage à votre très regrettée collègue, Catherine Fournier, et je le fais sous sa photographie, où transparaît dans son regard bleuté sa force de caractère.
Catherine Fournier : ce nom porte en lui le vent du littoral et le bruit des embruns de cette mer du Nord qu’elle aimait tant. Car elle était du Pas-de-Calais, autant de naissance que de cœur, et fière de cet héritage.
Elle est née en 1955 à Boulogne-sur-Mer, citadelle ouverte sur le monde, port de pêche et d’échanges de ce détroit du Pas-de-Calais. Puis, elle a grandi non loin de là, dans sa commune rurale de Fréthun, une commune qu’elle ne quittera jamais, ou du moins pas longtemps, notamment pour ses études, qu’elle a effectuées à Lille afin d’obtenir un diplôme universitaire de technologie (DUT) en finances et comptabilité.
Son diplôme en poche, elle est vite revenue à Fréthun, au cœur de ce territoire du Calaisis qu’elle aimait tant, et elle a décidé d’y lancer son entreprise de tourisme, qu’elle a gérée jusqu’en 2004, année durant laquelle elle a rejoint une société d’export.
En tant que chef d’entreprise, elle a beaucoup contribué au développement économique de ce territoire, notamment en travaillant en lien avec le Royaume-Uni.
Toutefois, la vie de Catherine Fournier, vous le savez tous sur ces travées, c’était aussi – peut-être même surtout – la politique, au service de son territoire, au service des habitants de sa commune, de son département et de sa région. Car elle était également du Pas-de-Calais de cœur et d’engagement.
À 40 ans, en 1995, comme une évidence, elle a repris le flambeau de son père René Hochart, celui de la mairie et de ses 1 300 habitants.
Réélue à trois reprises pendant vingt-deux ans, Catherine Fournier a été une maire exemplaire. Elle a fait naître une nouvelle école, un stade de football, un complexe sportif et de nouveaux logements.
Elle s’est engagée dans le dossier difficile de la gare internationale de Calais-Fréthun, l’un des combats les plus marquants de sa vie. Dorénavant, Bruxelles n’est plus qu’à une heure de Calais, Paris à une heure trente et Londres, pour les véhicules, à trente-cinq minutes. Ce succès doit beaucoup à sa ténacité et à son engagement constant pour le projet d’Eurotunnel.
Cet engagement pour son territoire, Catherine Fournier l’a poursuivi au sein du conseil régional des Hauts-de-France. En tant que membre de la commission « Au travail », qui portait bien son nom, elle n’a eu de cesse de défendre ses convictions, notamment en faveur de la réindustrialisation et de l’emploi.
Ses derniers combats politiques, elle les a menés ici, au Palais du Luxembourg, où elle a été élue lors du renouvellement de 2017. En tant que sénatrice et membre du groupe Union Centriste, au sein des commissions des affaires sociales, des affaires européennes, des affaires économiques et, enfin, de la délégation aux entreprises, jusqu’au bout elle s’est saisie des sujets qui lui tenaient à cœur.
Tout d’abord, notre modèle économique et de nos entreprises, avec la commission spéciale sur la loi Pacte, où sa rigueur, sa droiture et aussi sa bienveillance en ont fait une présidente aimée et respectée de tous. C’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai fait sa connaissance, appréciant aussitôt sa manière de conduire les débats.
Ensuite, les travailleurs des plateformes, au travers d’un rapport exigeant et complet sur le droit social qui leur est applicable.
Enfin et toujours, les sujets qui touchent à son territoire, la problématique du Brexit et du risque d’un no deal pour les pêcheurs de la côte d’Opale, par exemple ; ou bien encore la fermeture de l’usine Bridgestone de Béthune, dossier sur lequel nous avons également travaillé ensemble, ce qui m’a permis de mesurer la sincérité de ses engagements et sa très grande humanité.
Avec son concours, nous avions mis en place le tout premier dispositif Choc industriel, qui a permis le reclassement de la grande majorité des salariés, ainsi que le développement de plusieurs projets porteurs d’un nouvel élan industriel pour le territoire.
Catherine Fournier incarnait la belle politique, celle des convictions et des combats pour les autres. Toujours au contact de la réalité du terrain, jamais dans la posture, donnant une vocation universelle au très local, précise, technique, mais aussi audible, à l’écoute et accessible, elle portait en elle l’âme du Pas-de-Calais, l’âme de ce territoire dans toutes ses composantes, de la côte au bassin minier en passant par le Ternois et l’Audomarois, un territoire qui aura forgé autant son caractère que ses convictions.
Catherine Fournier était une femme que l’on n’oubliera pas. Elle était attachante, humaine et franche : sa forte personnalité nous aura collectivement marqués. Sur toutes les travées, on a vanté sa capacité d’écoute, mais aussi sa fermeté et sa volonté de faire avancer les choses en travaillant avec tous les élus de bonne volonté.
C’est avec ce même courage, cette même force qui a caractérisé sa carrière qu’elle a affronté la longue maladie – vous l’avez dit, monsieur le président – qui a fini par l’emporter.
Au nom du Gouvernement, avec beaucoup de tristesse et en associant plus particulièrement ceux de mes collègues qui la connaissaient de longue date, comme Olivia Grégoire, Gérald Darmanin et Bruno Lemaire, je tiens à adresser mes plus sincères condoléances, en l’assurant de ma solidarité dans l’épreuve, à son époux, qui avait cessé son activité pour l’accompagner jusqu’au bout ; à ses enfants, qu’elle aimait par-dessus tout ; à sa famille ; à tous ses proches et aux habitants du Pas-de-Calais et de Fréthun, pour qui elle s’est tant battue ; à vous enfin, ses collègues de l’Union Centriste et plus largement de toutes les tendances politiques, avec lesquels elle aimait tant débattre et échanger.
Souvenons-nous de son sourire solaire. Souvenons-nous de ses valeurs. Souvenons-nous de ses combats.