Je précise que l’enjeu est également environnemental, car ce mécanisme est l’un des moyens les plus efficaces pour lutter contre les fuites de carbone. En effet, dès lors que ce mécanisme empêchera toute forme de concurrence déloyale, une entreprise européenne n’aura plus aucune raison de se délocaliser à l’extérieur de l’Union, ce qui sera bénéfique pour nos économies, nos emplois et le climat. Il s’agit donc d’un pas extrêmement important.
La souveraineté de l’Europe s’est aussi affirmée dans le domaine social.
Jusqu’ici, on parlait beaucoup de l’Europe sociale. Il m’est d’ailleurs arrivé de l’évoquer dans d’autres circonstances et en d’autres temps. Désormais, elle prend corps, en pleine cohérence avec le modèle que la France a toujours défendu.
Chaque travailleur européen disposera, grâce à la directive créant un cadre commun sur le salaire minimum, d’un revenu minimal adéquat. C’est une avancée majeure, une véritable conquête sociale à l’échelon européen. Le socle européen des droits sociaux que nous appelions de nos vœux, qui n’était qu’une promesse, commence à prendre forme.
Je suis également fière que notre pays ait fait adopter, après dix ans de blocage, une directive fixant un objectif clair aux entreprises, celui d’attribuer au moins 40 % des sièges à des femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises en Europe d’ici à 2026, soit une échéance très proche. Il s’agit d’une avancée considérable pour l’égalité entre les femmes et les hommes, dont le Président de la République a fait pour son second mandat, comme pour le premier, une priorité.
Je voudrais aussi rappeler la proposition formulée le 19 janvier dernier par le Président de la République, qui vise à inscrire le droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Comme vous le savez, le Parlement européen l’a reprise à son compte. À l’heure où ce droit fondamental est remis en cause dans une démocratie aussi importante que les États-Unis, l’Europe doit d’autant plus porter ce combat pour elle-même et au-delà de ses frontières.
Nous avons également fait deux pas de géant pour mieux réguler le numérique. Je veux parler de l’adoption des deux textes clés que sont le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA).
Ces textes auront un impact majeur sur nos vies et celles des générations futures. Il s’agit aussi bien d’empêcher les comportements monopolistiques des grandes plateformes et de mettre fin aux abus de position dominante, qui étaient patents, que de contraindre ces acteurs à la responsabilité et à la transparence quant à la suppression des contenus illicites sur les réseaux sociaux. Ce qui n’est pas permis hors ligne ne l’est pas non plus en ligne !
En effet, là était peut-être la première menace pour nos démocraties : des réseaux sociaux livrés à la loi de la jungle et, avec eux, la remise en cause de la validité de la parole publique et d’un débat éclairé entre représentants et citoyens.
Notre objectif est de faire en sorte que ces textes européens deviennent des références mondiales. En effet, ma conviction est que l’Europe, en se donnant des règles pour elle-même, est de fait en train de contribuer à l’élaboration d’un véritable ordre public international du numérique.
On le voit déjà depuis plusieurs années avec le fameux règlement général sur la protection des données (RGPD), qui est repris aujourd’hui par de nombreux pays tiers. Je ne doute pas qu’il en ira de même avec ces deux autres textes majeurs que nous venons d’adopter au cours de la présidence française de l’Union européenne, car ils répondent à des besoins fondamentaux.
Nous avons aussi renforcé la souveraineté de l’Europe en faisant définitivement surmonter à l’Europe commerciale sa naïveté. Parce qu’elle considérait souvent le commerce du seul point de vue économique, l’Europe a trop longtemps été prête à accepter des règles du jeu asymétriques. Le choix de l’ouverture, qui était le sien depuis toujours, devenait de plus en plus synonyme de naïveté aux yeux de nombre de nos concitoyens.
Ce n’est plus le cas et, pour le prouver, je voudrais citer trois exemples.
Tout d’abord, nous avons mis en place un instrument permettant une meilleure réciprocité en matière d’accès aux marchés publics. Les entreprises chinoises, par exemple, ne pourront venir répondre à des appels d’offres en Europe que si nos entreprises sont autorisées à en faire de même en Chine. C’est un progrès majeur, en vue duquel nous nous battions depuis longtemps. Je me souviens qu’il y a quinze ans – j’occupais alors d’autres fonctions, mais qui étaient tout de même en lien avec l’Europe –, il s’agissait déjà du combat que menait le gouvernement de notre pays.
De la même manière, les États tiers subventionnant à outrance leurs entreprises – on peut là encore penser à la Chine, mais il existe d’autres exemples –, venant ainsi fausser la concurrence au sein de notre marché intérieur, seront sanctionnés par la Commission européenne, grâce à l’accord trouvé au Conseil, le dernier jour de notre présidence, sur l’instrument de lutte contre les subventions étrangères.
Nous avons enfin contribué à la promotion de règles plus protectrices pour la santé des consommateurs, via des mesures « miroirs », qui nous permettent d’imposer aux produits importés les mêmes règles que celles que nous appliquons pour les productions au sein de l’Union.
Ce sont là des exemples qui, je le crois, parlent très concrètement à nos concitoyens, à nos entrepreneurs et aux salariés de notre pays.
La vérité – pour la mettre au jour, j’ai fait référence par deux fois à mon expérience passée –, c’est que cela faisait longtemps que la France portait ces questions au niveau européen. Elle n’a pas toujours été entendue, certains de nos partenaires ne voyant dans notre plaidoyer, chacun s’en souvient, qu’une forme de protectionnisme. Aujourd’hui, les temps ont changé. Nous avons saisi l’occasion que nous offrait la présidence française de l’Union européenne pour parvenir aux objectifs que nous nous étions fixés dans chacun de ces domaines.
Les résultats sont là : l’Europe est désormais beaucoup mieux armée pour protéger efficacement ses intérêts et ses emplois.