Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du 12 juillet 2022 à 14h30
Bilan de la présidence française de l'union européenne — Suite d'une déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

La France a manqué de temps pour convaincre ses partenaires sur certains dossiers ; je pense notamment aux textes relatifs au financement des partis politiques européens et à la transparence de la publicité à caractère politique, que le Président de la République affichait comme une priorité pour renforcer la démocratie en Europe.

Je ne nie pas que, dans l’ensemble, les grands dossiers européens aient avancé sous la présidence française. Mais, ces avancées tiennent autant, voire plus, à la Commission européenne : c’est la Commission qui a donné le tempo. Elle a suivi son programme de travail et publié les textes annoncés aux dates prévues.

Du côté du Conseil, le champ de la présidence française avait de toute façon rétréci par rapport à celui de 2008 : en 2022, le Conseil européen n’était plus présidé par la France, puisqu’il existe dorénavant un président permanent du Conseil européen, Charles Michel ; il en est de même pour le Conseil des affaires étrangères, présidé depuis l’adoption du traité de Lisbonne par le Haut Représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aujourd’hui Josep Borrell.

Dans ce costume étroit, la France a consenti de réels efforts pour favoriser l’obtention de compromis au Conseil. Le Gouvernement les brandit « pêle-mêle » ; il se garde de distinguer, d’une part, les accords politiques obtenus et, de l’autre, les initiatives simplement lancées, mais loin d’aboutir. Et il néglige le poids du Parlement européen, qui pourrait bien, à l’issue des trilogues délicats qui s’annoncent, ternir certains résultats déjà hâtivement annoncés.

Venons-en au fond : comme en 2008, la présidence française fut de nouveau bouleversée par une crise d’envergure, cette fois-ci géostratégique. L’Union européenne s’est mobilisée pour répondre à l’agression russe de l’Ukraine : j’étais dans ce pays il y a quelques jours, avec le président Gérard Larcher.

Quelle tristesse, mais aussi quelle résilience du peuple ukrainien ! Sous l’impulsion française, l’Union a réagi vite et bien – il le fallait –, pour aider militairement l’Ukraine, sanctionner la Russie par l’adoption de six paquets de sanctions, accueillir 5 millions de réfugiés ukrainiens, leur accorder une protection temporaire et une aide humanitaire, enfin réorienter son approvisionnement énergétique.

Cette crise ukrainienne a-t-elle interféré avec les priorités de la PFUE ? Paradoxalement, on peut considérer qu’elle a plutôt servi l’ambition française d’amener l’Europe à se penser comme une puissance. Elle a en effet donné des arguments à l’impératif de souveraineté stratégique, pour lequel la France plaidait depuis longtemps et que refusaient d’entendre certains États membres.

Toutefois, ne nous réjouissons pas trop vite : ainsi, en matière de défense, l’activation de la Facilité européenne pour la paix, l’adoption de la boussole stratégique, le renforcement des investissements européens de défense, décidé à Versailles, sont autant d’étapes décisives, mais le retour en force de l’OTAN et le rééquipement militaire accéléré des États membres profitent surtout aux États-Unis.

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