Intervention de Claude Malhuret

Réunion du 12 juillet 2022 à 14h30
Bilan de la présidence française de l'union européenne — Suite d'une déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Poutine vient enfin de l’avouer, lors de la célébration du 350e anniversaire de Pierre le Grand : la guerre en Ukraine n’a rien à voir avec la supposée menace occidentale que dénoncent depuis des années ses affidés. Il apporte lui-même la réponse claire et définitive à tous les idiots utiles qui répètent depuis des mois que la Russie n’a fait que répondre aux menaces de l’Europe et de l’OTAN : « L’Ukraine fait partie de la propre histoire, de la culture et de l’espace spirituel de la Russie. » Après Pierre le Grand, « c’est maintenant notre tour de reprendre et de renforcer ce qui appartient à la Russie ».

La guerre en Ukraine n’est rien d’autre qu’une tentative d’annexion ethno-nationaliste, comme en témoigne, depuis deux jours, la délivrance de passeports russes aux Ukrainiens. Le fauteur de cette guerre vient lui-même de l’annoncer. Le masque est tombé.

La guerre vient, enfin, apporter de l’eau au moulin du Président de la République qui, depuis cinq ans, n’a cessé de prêcher, jusqu’alors dans le désert, pour l’Europe puissance.

C’est, là encore, l’un des plus grands échecs de Poutine : avoir ouvert les yeux à des centaines de millions d’Européens qui croyaient que la guerre était une relique et qu’ils étaient parvenus à la paix perpétuelle de Kant, alors qu’ils n’étaient qu’en train de préparer leur sortie de l’histoire.

L’Europe a engagé son réarmement et a adopté sans ciller la boussole stratégique proposée par Emmanuel Macron. Espérons que cette leçon sera retenue plus longtemps que toutes celles qui disparaissent au gré d’une actualité qui ne fait plus qu’exacerber les émotions et s’évanouir la mémoire.

Reste que l’Union européenne devra se garder de céder à la tentation d’un gaullisme du pauvre. Une telle doctrine, qui n’a rien à voir avec le gaullisme, conduirait à prêcher la médiation, voire l’équidistance entre Amérique et Russie, et demain entre Amérique et Chine, sans comprendre qu’il y a d’un côté le camp de la démocratie et de l’autre celui des dictatures.

Cette nouvelle guerre froide avec, à terme, un adversaire chinois beaucoup plus puissant et inquiétant que ne l’était l’Union soviétique sera, à l’instar du climat, une menace majeure pour les générations à venir.

Contrairement à ce que prétendent les tyrannophiles d’extrême droite et d’extrême gauche, ce ne sont pas les démocraties qui en sont à l’origine, mais les dictatures et les systèmes totalitaires, qui portent en eux la guerre comme la nuée porte l’orage.

Prétendre échapper à ce cadre géostratégique ou y occuper une position de neutralité, telle une sorte de grande Suisse qui fut trop longtemps la tentation des Européens, serait une erreur, même le jour lointain où nous nous serons enfin réarmés. Aujourd’hui, ce choix trahirait tout bonnement une incompréhension totale des rapports de force.

La boussole stratégique est bienvenue ; cela étant, elle ne se conçoit que dans une alliance toujours plus étroite avec les démocraties extra-européennes

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion