Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions, commentaires, appréciations et questions.
J’ai entendu quelques compliments ; je vais commencer par y répondre de manière positive. §Je suis en particulier très sensible aux remerciements du président du groupe Les Indépendants – République et Territoires, Claude Malhuret, et du sénateur Jean-Baptiste Lemoyne.
Ces compliments, cher Jean-Baptiste, je vous les retourne, car vous avez directement contribué au succès de la PFUE comme ministre délégué chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie, puis comme ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, fonction que vous venez tout juste de quitter ; vous avez donc participé à l’essentiel de la présidence française du Conseil de l’Union européenne.
Vous l’avez souligné, l’Union a entrepris de « reprendre le contrôle ». C’est une expression que j’ai entendue dans une acception bien différente voilà encore quelques semaines de l’autre côté de la Manche. Si nous la faisons nôtre, c’est de manière plus positive, en l’appliquant à l’Union européenne.
C’est par l’Europe que nous continuerons demain à peser dans le monde et que nous pourrons pleinement protéger nos concitoyens, définir nos standards, nos choix énergétiques, alimentaires, industriels, numériques.
Derrière tout cela, il y a une véritable réhabilitation de la politique industrielle et de la politique économique européenne. Je vous remercie d’avoir porté ce combat dans vos anciennes fonctions, cher Jean-Baptiste.
Plusieurs d’entre vous, notamment Jacques Fernique, Claude Kern et Marta de Cidrac, ainsi que le président de la commission des affaires européennes, Jean-François Rapin, ont évoqué à juste titre la hausse des prix de l’énergie.
Comme vous le savez, le Gouvernement a mis en place un bouclier tarifaire qui gèle les tarifs réglementés du gaz naturel. Ce dispositif sera prolongé – cela a été annoncé – jusqu’à la fin de l’année.
La coordination et la solidarité des partenaires européens seront déterminantes pour nous permettre de nous préparer au mieux à l’hiver prochain. Le Gouvernement y veillera, et la Commission européenne reviendra vers nous dès le 20 juillet avec un plan de réduction de la demande d’énergie. Là encore, il sera crucial de réagir en Européens solidaires.
La Commission a d’ores et déjà adopté une boîte à outils pour autoriser les aides d’État visant à soutenir les consommateurs et les entreprises. Nous poursuivrons nos efforts.
J’ai aussi entendu, après des commentaires constructifs et quelques compliments, des regrets.
Monsieur le sénateur Pierre Laurent, nous serions une « puissance passive » ? Si vous ne me croyez pas lorsque j’affirme que cette présidence a été une réussite, écoutez les autres Européens. Tous les pays de l’Union ont indiqué que la présidence avait, au contraire, été active et réussie. Tous les gouvernements, de droite, de gauche ou du centre, nous félicitent d’avoir fait progresser l’Europe dans une période au demeurant particulièrement difficile, voire dramatique, et de l’avoir rendue plus forte et plus unie.
Certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont estimé que nous aurions manqué d’ambition sur la transition écologique. La vérité est que nous avons au contraire abouti à un record d’ambition et de rapidité avec le consensus obtenu sur le paquet climat.
Écoutez le vice-président de la Commission européenne chargé de ces questions, Frans Timmermans, qui a félicité la PFUE. Il a même indiqué que, en tant que socialiste, il aurait préféré ne pas avoir à le faire ; et pourtant, il l’a fait !
Sur le plan social, nous aurions obtenu des avancées « en trompe-l’œil » ? C’est inexact. Si celles-ci étaient aussi symboliques que vous semblez le penser, les discussions n’auraient pas donné lieu à des années et des années de négociations et de blocage. Ces textes attendaient parfois depuis dix ans ou quinze ans. Nous sommes parvenus à convaincre et à réaliser le consensus européen sur ces avancées ; c’est une bonne chose. Nous devrions reconnaître la réalité et nous retrouver pour nous féliciter ensemble de ce qui a été fait.
Certains sénateurs ont évoqué l’État de droit. Il n’est pas possible de dire que la présidence française ne se serait pas battue suffisamment pour que nos partenaires, certains États membres, respectent l’État de droit.
Nous avons mené le combat contre les régressions démocratiques qui apparaissent – c’est vrai – au sein même de notre Union. Il s’agit d’un combat juridique et politique. Nous le mènerons d’ailleurs autant qu’il le faudra.
Monsieur le sénateur Didier Marie, j’ai bien entendu vos déceptions, mais la vérité est que l’État de droit a été un fil conducteur tout au long de ce semestre. Nous avons notamment inscrit à l’ordre du jour la situation en Hongrie et en Pologne ; je reviendrai sur ce dernier pays.
Notre présidence a vu l’activation du mécanisme sur la conditionnalité relative à l’État de droit. Nous avons adopté des conclusions sur la protection des journalistes. Nous avons finalisé un accord au Conseil sur le financement et le statut des partis politiques européens. Nous avons soutenu une révision de la Charte des droits fondamentaux pour défendre le droit à l’avortement. Vous m’avez entendu rappeler la proposition du Président de la République à ce sujet ; elle est désormais reprise par le Parlement européen.
Nous n’avons donc évité aucun débat. Nous ne nous sommes enfermés dans aucun confort. Nous n’avons accepté aucune compromission sous prétexte de faire avancer notre agenda législatif.
Depuis plusieurs années, la situation de l’État de droit en Pologne est suivie avec une attention soutenue par l’Union européenne, et en particulier par la France. Au cœur de nos préoccupations se trouve le constat de défaillances structurelles, notamment celles qui compromettent l’indépendance de la justice.
À l’issue de longs échanges et d’une suspension du plan national de reprise et de résilience (PNRR), des engagements ont été obtenus de la part de la Pologne. Leur respect fera l’objet de contrôles.
Ainsi, si le 1er juin, la Commission a donné son feu vert de principe au PNRR polonais, le 1er juillet, la présidente de la commission, Mme von der Leyen, a indiqué que les progrès réellement effectués étaient insuffisants pour permettre d’aller de l’avant et de débloquer le premier paiement. Celui-ci n’a donc pas eu lieu. En cause : les questions de justice, qui sont au cœur des difficultés de l’État de droit en Pologne, la loi ne garantissant pas l’exclusion de toute poursuite disciplinaire à l’encontre d’un juge qui aurait interrogé le degré d’indépendance d’un autre juge.
Le dialogue se poursuivra au sein du Conseil, mais aussi dans le cadre de la procédure fondée sur l’article 7 du traité sur l’Union européenne, que nous avons mise en œuvre. Soyez assurés que nous serons vigilants.
Monsieur le président Jean-François Rapin, nous aurions subi un « revers » avec la démission du directeur français de Frontex ?
Quelles que soient les qualités de M. Leggeri, permettez-moi de souligner qu’il ne faut pas mélanger deux choses. Il y a, d’une part, une situation individuelle, que je n’ai pas à commenter – elle fait l’objet d’une enquête toujours en cours – et qui a conduit notre compatriote à présenter sa démission, et, d’autre part, le renforcement de l’agence Frontex, qui est engagé depuis des années et pour lequel a France a toujours plaidé. Ce n’est pas facile, parce qu’il y a beaucoup à faire pour renforcer la maîtrise des frontières extérieures de l’Union.
Je suis fière que les réformes aient été accélérées sous notre présidence. Le recrutement du corps permanent de garde-frontières et de garde-côtes ? C’est fait ! L’amélioration des procédures de signalement d’incidents graves ? C’est fait ! Idem s’agissant de la montée en puissance en matière de retour vers les pays d’origine en appui aux États membres.
Plusieurs d’entre vous ont également évoqué la réforme du pacte de stabilité et de croissance. Ce débat n’a pas été mis de côté. Je peux vous l’indiquer, la Commission européenne fera prochainement des propositions sur la base des orientations qu’elle avait décidées préalablement au sommet de Versailles du mois de mars et qui reposent sur plusieurs principes auxquels nous souscrivons.
Tout d’abord, nous avons besoin d’une politique économique coordonnée pour contrer les effets de la guerre en Ukraine, conforter la stratégie de relance adoptée par l’Union au mois de juillet 2020 et détendre les goulots d’étranglement qui font monter les prix, notamment de l’énergie.
Cette fonction de stabilisation, la Commission la promeut d’ores et déjà en étendant la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance jusqu’à 2023. Nous sommes donc toujours sous l’emprise de circonstances exceptionnelles, ce qui a permis à la Commission d’assouplir la contrainte.
Ensuite, il faudra élaborer une trajectoire intelligente de désendettement compatible avec l’investissement dans la double transition numérique et climatique. Pour cela, il sera très important de tenir compte des situations et des choix de chaque État membre, à l’instar de ce mécanisme d’appropriation qu’a permis l’élaboration des plans nationaux de relance et de résilience.
Après l’urgence et cette flexibilité qui a été étendue jusqu’à 2023, nous souhaitons nous inscrire dans une approche de moyen terme donnant à chacun la lisibilité et la prévisibilité nécessaires.
L’appartenance a-t-elle été la grande absente de notre présidence ? Monsieur le président de la commission des affaires européennes, j’ai entendu vos regrets, et je vous remercie de cette question, parce que c’est un mot-clé au cœur du triptyque de notre présidence. Cela va d’ailleurs de pair avec la volonté de la France de bâtir une Europe plus souveraine.
Pourtant – permettez-moi de le dire – les regrets que vous avez exprimés paraissent presque paradoxaux au moment où plusieurs peuples, ukrainien, moldave, géorgien, ont exprimé leur aspiration forte à intégrer l’Union européenne. Le sentiment d’appartenance ne doit pas se trouver seulement à l’extérieur de l’Union européenne ; il doit également être à l’intérieur. C’est cela que nous devons encourager et c’est ce que nous avons voulu faire. Nous sommes conscients que l’Europe apparaît trop souvent, à tort, comme une entité lointaine. Il faut changer cela : nous devons conquérir les cœurs et les esprits plus encore que nous ne le faisons déjà. Cela a été l’un des axes de notre présidence, par le truchement de débats citoyens qui ont été menés pendant un an.
L’appartenance, c’est d’abord ressentir la force et la singularité de notre modèle, de nos valeurs, de nos convictions, de la démocratie, de l’État de droit et des droits fondamentaux. À l’extérieur, l’Ukraine nous y appelle ; à l’intérieur, nous devons encourager le sentiment d’appropriation européen. Pour résumer, au cours de ce semestre, face à la guerre en Ukraine, le sentiment d’appartenance de tous les Européens n’a pas diminué ; il s’est accru.
Monsieur le sénateur Pierre Laurent, l’accord entre l’Union européenne et la Nouvelle-Zélande n’est pas un accord mixte ; c’est bien un accord signé par l’Union européenne dans le cadre de ses compétences, au sens des institutions européennes. Il revient donc au Parlement européen de se prononcer, et il le fera. Sur le fond, il s’agit d’un bon accord, le plus ambitieux en matière de développement durable que l’Union européenne n’ait jamais conclu, sur le modèle qui nous conduit désormais à intégrer des clauses environnementales et sociales dans les accords de nouvelle génération. Ce n’était pas le cas précédemment s’agissant des accords commerciaux. Cet accord protège nos filières agricoles sensibles et 200 indications géographiques. Le Gouvernement viendra – j’en prends l’engagement – vous en présenter les enjeux.
Mme Guillotin s’est interrogée sur la ruralité et l’attention portée à la politique agricole. Là encore, notre action a été marquée par la guerre en Ukraine, une réalité qui s’est imposée à tous. Elle a permis de conforter trois objectifs cardinaux.
Le premier est la production. Alors que les pays du Sud sont exposés à l’insécurité alimentaire, dont la Russie porte l’unique responsabilité par son blocus et la guerre qu’elle mène, par les exactions qu’elle continue de perpétrer, notre continent doit plus que jamais être un continent de production et d’exportation.
Le deuxième est la réduction de nos dépendances. En matière agricole, nous dépendons trop souvent des intrants qui viennent d’ailleurs, par exemple de Russie et de Biélorussie pour les engrais phosphorés.