Intervention de Marta de Cidrac

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 juin 2022 à 16h00
Voisinage et élargissement — Perspectives d'élargissement de l'union européenne - communication

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac, rapporteure :

Merci, cher président, de nous donner l'occasion, avant la fin de la présidence française de l'Union européenne, d'échanger sur l'une des plus importantes questions auxquelles celle-ci a à faire face, à savoir, bien sûr, celle de l'élargissement. Cette question a été remise en lumière par la guerre en Ukraine et par la demande d'adhésion, consécutive à l'agression russe, de l'Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie, sur laquelle la Commission européenne vient de donner son avis, vendredi 17 juin, et qui doit être examinée par le Conseil européen dès la semaine prochaine, les 23 et 24 juin.

Comme l'ont souligné nos collègues Gisèle Jourda et André Reichardt dans leur communication de mardi dernier sur le partenariat oriental, nous vivons assurément un moment historique : nous franchissons un seuil de basculement - l'Union européenne a sans doute été rarement confrontée à un aussi grand défi depuis les traités de Rome, en tout cas depuis la chute du mur de Berlin en 1989. Le contexte géopolitique qui a jusqu'à présent présidé au très long et très progressif processus historique de l'élargissement, dont nous rappellerons brièvement les bases juridiques et les procédures, est en effet actuellement bouleversé par les conséquences de la guerre en Ukraine.

La politique d'élargissement de l'Union vise à rassembler les pays d'Europe autour d'un projet politique et économique commun. Guidés par les valeurs de l'Union et encadrés par des conditions strictes, les élargissements successifs ont modifié les contours de l'Union européenne tout en en conservant autant que faire se peut l'esprit fondateur, lequel fait sa force d'attraction pour de nombreux pays, issus de l'Union soviétique ou de l'ex-Yougoslavie.

L'article 49 du Traité sur l'Union européenne donne à tout État européen partageant les valeurs de l'Union la possibilité d'y adhérer. Le caractère européen de la Géorgie, par exemple, a pu être discuté. Mais là n'est pas l'objet de notre propos : la Commission européenne, tout en reconnaissant la perspective européenne qui demeure celle de ce pays, l'a en effet, dans l'avis qu'elle vient d'émettre, écarté d'une candidature immédiate qui, comme telle, serait examinée à la prochaine réunion du Conseil européen.

Rappelons quelles sont les valeurs inscrites à l'article 2 du traité sur l'Union européenne : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes. ».

Les critères d'adhésion, définis en 1993 par le Conseil européen réuni à Copenhague, sont essentiels pour tout candidat officiel ou potentiel.

Ils comprennent la stabilité d'institutions garantissant la démocratie, l'État de droit, les droits de l'Homme, ainsi que le respect des minorités et leur protection ; une économie de marché viable et dotée de la capacité à faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union ; la capacité du pays candidat à assumer les obligations découlant de son adhésion, notamment en souscrivant aux objectifs de l'Union politique, économique et monétaire et en adoptant les règles, normes et politiques communes qui constituent la législation de l'Union, c'est-à-dire l'acquis communautaire, acquis élargi aujourd'hui aux nouvelles politiques européennes, et particulièrement à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

En décembre 2006, le Conseil européen a approuvé un « consensus renouvelé sur l'élargissement » fondé sur « la consolidation, la conditionnalité et la communication, conjuguées à la capacité de l'Union à intégrer de nouveaux membres ».

Les élargissements successifs ont occupé une partie non négligeable des négociations qui ont abouti à l'adoption du traité de Lisbonne. L'Union européenne devait en effet adapter ses institutions et ses processus de décision à l'adhésion de nouveaux États membres. Le traité de Lisbonne a profondément modifié la composition des principales institutions européennes et leurs méthodes de travail. Certaines de ces modifications étaient dictées par la nécessité de doter l'Union d'un ensemble durable de règles qui ne doivent pas être modifiées à chaque nouvel élargissement.

Un pays qui souhaite adhérer à l'Union adresse une demande au Conseil, lequel invite la Commission à rendre un avis. Après avis de la Commission et approbation du Parlement européen - à la majorité de ses membres-, le Conseil peut décider, à l'unanimité, d'accorder le statut de candidat au pays concerné. Il décide ensuite - toujours à l'unanimité - d'entamer ou non les négociations d'adhésion, sur recommandation de la Commission. L'ensemble de la législation de l'Union - l'acquis communautaire - est divisé en plus de trente chapitres. Avant l'amorce des négociations, la Commission publie un rapport d'examen pour chacun de ces chapitres. Ensuite, c'est le Conseil qui décide, à l'unanimité, d'entamer ou non les négociations sur les chapitres qui font l'objet d'une recommandation en ce sens de la Commission. Lorsqu'elle estime que les progrès réalisés par le pays candidat concernant un chapitre des négociations sont satisfaisants, la Commission peut recommander au Conseil de « clore provisoirement » ce chapitre. Le Conseil rend une décision arrêtée, là encore, à l'unanimité.

Lorsque les négociations sur tous les chapitres sont closes, les modalités et conditions d'adhésion, y compris d'éventuelles clauses de sauvegarde et dispositions transitoires, sont inscrites dans un traité d'adhésion entre les États membres de l'Union européenne et le pays candidat. La signature de ce traité est soumise à l'approbation du Parlement européen et à l'accord unanime du Conseil. Une fois signé, le traité doit être ratifié par les parlements nationaux des États, voire par référendum, selon leur Constitution.

Venons-en aux élargissements successifs de l'Union européenne.

Ces élargissements n'ont pas été un long fleuve tranquille. Le Royaume-Uni avait demandé son entrée dans la Communauté économique européenne (CEE) dès 1961, puis en 1967 et en 1970. Les négociations aboutirent après le départ du général de Gaulle et, en 1973, le Royaume-Uni fut intégré à la CEE en même temps que le Danemark et l'Irlande. Notons que les négociations relatives au Brexit, depuis le référendum de 2016 jusqu'au retrait effectif, intervenu en 2020, mirent moins de temps que la procédure d'adhésion.

Puis vinrent la Grèce, en 1981, et l'Espagne et le Portugal, en 1986, trois pays revenus à la démocratie en 1974 et 1975.

En 1995, l'Autriche, la Finlande et la Suède rejoignent l'Union européenne, la Norvège restant en marge après avoir dit « non » par référendum et la Suisse ayant suspendu sa candidature après l'échec d'un référendum en 1992.

Faut-il rappeler que l'Union a, dès 1999, accordé le statut de candidat à la Turquie, qui l'avait demandé en 1987 ? Les négociations d'adhésion ont été ouvertes avec ce pays en 2005, mais le processus est de fait gelé.

L'adhésion de Chypre, ne concernant que le Sud du pays, eut lieu en 2004, de même que celle de Malte.

Ce fut ensuite, en 2004, le tour des pays d'Europe centrale et orientale, à l'issue de pourparlers démarrés sept ans plus tôt : l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie, la République tchèque.

La Bulgarie et la Roumanie suivirent, en 2007, après avoir accompli les réformes nécessaires au renforcement de leur économie de marché.

Et c'est ainsi que l'élargissement de l'Union européenne s'est progressivement dissocié de son approfondissement.

Quelques mots, maintenant, sur les Balkans occidentaux.

Le Conseil européen de cette fin de semaine sera précédé, jeudi, par une réunion des chefs d'État ou de gouvernement de l'Union et ceux des six pays des Balkans occidentaux : Serbie, Monténégro, Macédoine du Nord, Albanie, Bosnie-Herzégovine et Kosovo.

Les relations entre l'Union européenne et les Balkans occidentaux relèvent du « processus de stabilisation et d'association », lancé en 1999 et fondé sur des accords bilatéraux.

L'adhésion de la Croatie, le 1er juillet 2013, fut un signal d'encouragement fort pour les autres pays de la région. L'accent était plus nettement mis, dans la « stratégie pour l'élargissement 2011-2012 », sur les aspects liés à l'État de droit. En conséquence, le chapitre sur la réforme judiciaire et les droits fondamentaux et celui qui porte sur la justice, la liberté et la sécurité sont désormais abordés à un stade précoce de chaque processus de négociation et sont également les derniers à être clos.

Devant la complexité, la technicité, l'inertie, la lenteur du processus, mais aussi les frustrations politiques que cette situation ne manquait pas d'entraîner, une nouvelle méthodologie a été introduite, à la demande de la France, en 2020. Cette approche a été formalisée dans la communication faite par la Commission le 5 février 2020, intitulée « Renforcer le processus d'adhésion - Une perspective européenne crédible pour les Balkans occidentaux », puis approuvée par le Conseil le 25 mars 2020.

Il s'agissait de relancer le processus d'adhésion en le rendant plus prévisible, plus crédible - grâce à une hiérarchisation des priorités et à une concentration de celles-ci sur les réformes les plus importantes et les plus urgentes -, plus dynamique aussi via un regroupement des chapitres de négociation et un pilotage politique plus déterminé, prenant la forme de conférences intergouvernementales plus régulières organisées au niveau ministériel. Il y a donc une véritable cohérence dynamique dans cette nouvelle méthodologie : elle est en effet réversible, négativement - il est possible de revenir en arrière en interrompant un processus de candidature lorsque les avancées obtenues sur des critères fondamentaux sont détricotées - ou, à l'inverse, positivement - il est possible de réintégrer dans le processus un pays qui en aurait été écarté.

L'objectif est clair : il ne s'agit pas d'une approche « punitive », mais d'une dynamique incitative.

Où en est-on aujourd'hui, dans le contexte de la guerre en Ukraine, qui a fortement ébranlé ces pays ?

Le Monténégro a ouvert l'ensemble des trente-trois chapitres de négociation, dont seuls trois sont aujourd'hui provisoirement clos.

Ce pays, le plus avancé sur le chemin de la candidature parmi ses voisins, est aussi celui qui a le plus souffert de la récession post-covid, du fait de sa dépendance au tourisme, étant entendu que ce secteur représentait deux tiers de ses exportations avant la crise.

Le Monténégro a fait de son rapprochement avec la zone euro-atlantique et de sa contribution à la stabilité régionale les objectifs principaux de sa politique extérieure. Le Monténégro est un acteur constructif en matière de coopération régionale. Depuis 2006, année de son indépendance recouvrée, où il quitta l'État de « Serbie-et-Monténégro », ses relations avec la Serbie sont toutefois grevées par des tensions récurrentes. L'adhésion de Podgorica à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), en 2017, a suscité une forte opposition de la minorité serbe.

Deux premières conférences intergouvernementales de pilotage politique ont eu lieu les 14 juin et 13 décembre 2021. Le rythme auquel progressent les négociations d'adhésion dépend principalement des progrès enregistrés dans les chapitres 23 et 24 relatifs à l'État de droit. Dans son dernier rapport sur ce pays, la Commission européenne pointe toutefois des lenteurs souvent liées au manque d'indépendance des institutions à l'égard du politique. Gouverné depuis son indépendance, en 2006, par le Parti démocratique des socialistes (PDS), ce pays vit une alternance politique pour la première fois de son histoire. Le nouveau Gouvernement constitué en mars de cette année maintient l'avancée des négociations européennes au rang de priorité de son action.

Ces derniers mois, le Monténégro s'est aligné sur les positions de l'Union européenne concernant l'invasion russe de l'Ukraine, mais a tardé à adopter les sanctions, en raison de divisions internes au Gouvernement. Il a également interdit de diffusion les médias russes Russia Today et Sputnik.

La Serbie, quant à elle, est un pays européen en transition, qui demeure marqué par les conflits nés de l'éclatement de la Yougoslavie, en 1991-1995, d'abord, puis en 1999 au Kosovo, dont elle ne reconnaît pas ce qu'elle appelle le « régime de Pristina ». Si le dialogue avec ce dernier progresse néanmoins par à-coups, des tensions notables persistent sur le terrain, faisant de ces relations un point de crispation régionale non négligeable du point de vue de la perspective européenne de la région tout entière.

Sur le plan intérieur, la Serbie se caractérise par sa stabilité en raison de la domination sur l'échiquier politique du principal parti au pouvoir, le Parti progressiste serbe (Srpska napredna stranka, SNS) de droite conservatrice et pro-européenne, et de son leader, Aleksandar Vuèiæ, Premier ministre de 2014 à 2017, élu président de la République de Serbie le 2 avril 2017, dès le premier tour, et réélu pour cinq ans le 3 avril 2022, au premier tour également, avec près de 59 % des voix.

Les autorités actuelles ont entrepris des choix courageux, depuis leur arrivée au pouvoir, pour avancer sur la voie européenne - réformes économiques, coopération régionale, disposition à trouver un accord avec le Kosovo -, en dépit de tendances autoritaires et de certaines réticences à s'engager pleinement dans les réformes liées à l'État de droit. Les autorités serbes sont motivées par une prise de conscience de l'urgence qu'il y a à améliorer la situation économique et à stabiliser la région, du fait de l'érosion démographique et de la forte émigration des élites, afin de ne pas rester à l'écart de l'Europe et de la mondialisation. Cette volonté de réformer le pays reste fragile. Les obstacles sur la voie européenne sont nombreux : peur du changement sur le plan économique, contestations à l'égard du pouvoir, refus de concessions sur le Kosovo, blocages internes.

Le pays est néanmoins tourné vers l'Union européenne : on ne sait pas assez, y compris en Serbie même, que deux tiers de ses échanges commerciaux sont réalisés avec l'Union européenne, celle-ci représentant aussi deux tiers des investissements directs étrangers effectués en Serbie. Candidat à l'adhésion, le pays a commencé ses négociations en 2014. Vingt-deux chapitres sur trente-cinq ont été ouverts, dont les chapitres essentiels relatifs à l'État de droit, en juillet 2016.

Un référendum longtemps attendu, relatif à une révision constitutionnelle portant réforme de la justice conforme aux attentes de l'Union européenne, a eu lieu avec succès le 16 janvier dernier.

Plusieurs préoccupations demeurent, bien entendu, et la conférence intergouvernementale de juin 2021 avait permis de mettre « les points sur les i » avec ce pays clé de la région.

La principale préoccupation tient à la politique étrangère de la Serbie et à ses liens historiques, culturels, politiques avec la Russie, anciens et denses, mais aussi avec la Chine, plus récents et singulièrement renforcés par la crise sanitaire. C'est le pays de la région dont le « taux d'alignement » avec les décisions de la politique européenne étrangère et de sécurité commune est le plus faible - moins de 40 %, contre 90 % à 100 % pour les autres. La Serbie a voté avec l'Union européenne les résolutions condamnant l'agression russe en Ukraine présentées devant l'Assemblée générale des Nations unies, mais a jusqu'à présent refusé de s'associer aux sanctions contre la Russie. Sa dépendance énergétique à l'égard de cette dernière est très forte. Et la Russie est également vue comme un rempart contre une plus grande reconnaissance internationale du Kosovo.

Si la Serbie souhaite progresser sur la voie de sa candidature, elle devra prendre ces enjeux à bras-le-corps, et nous formons le voeu que le dialogue de haut niveau mené dans le cadre de la réunion de ce jeudi pourra y contribuer.

Venons-en à l'Albanie et à la Macédoine du Nord.

Dès juin 2018, le Conseil européen a accepté la possibilité d'ouvrir en juin 2019 des négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord et avec l'Albanie, pour autant que les conditions définies comme nécessaires soient satisfaites. Or le Conseil européen n'a donné son feu vert à l'ouverture de négociations d'adhésion avec ces deux pays qu'en mars 2020, feu vert précisé en juillet 2020 par la Commission européenne dans le cadre de la nouvelle méthodologie.

Près d'un an et demi plus tard, les négociations d'adhésion avec la Macédoine du Nord et avec l'Albanie, tous deux pays candidats depuis des années, n'ont toujours pas commencé, principalement du fait d'un différend d'ordre identitaire, linguistique et historique entre la Macédoine du Nord et la Bulgarie.

La présidence française de l'Union européenne n'a ménagé aucun effort et nos diplomates ont redoublé d'énergie pour surmonter cet obstacle.

L'Albanie fut longtemps le pays le plus fermé des Balkans, coupé du reste du monde après la rupture d'Enver Hodja avec la Yougoslavie, avec l'Union soviétique, puis avec la Chine. C'était aussi le plus pauvre de cette région, le taux de chômage y avoisinant les 40 % dans les années 1990.

Depuis lors, le « pays des aigles » a accompli des progrès considérables, mais il reste assurément beaucoup à faire pour progresser dans le sens des critères d'adhésion.

Sur le plan économique, l'Albanie demeure l'un des pays les plus pauvres d'Europe en raison d'un retard de développement important. Alors que la situation s'améliorait, la croissance de l'économie albanaise a décéléré en 2019, en raison du violent séisme qui a frappé le pays le 26 novembre 2019. La pandémie de covid-19 représente un second choc qui aggrave les déséquilibres existants. Ce pays subit actuellement de plein fouet les conséquences, notamment inflationnistes, de la guerre en Ukraine. L'émigration économique ne faiblit pas, notamment en direction de l'Italie.

La scène politique albanaise est fortement polarisée et le dialogue entre les différentes forces politiques reste difficile, ce qui pèse sur la mise en oeuvre des réformes, dans un contexte toujours problématique au regard de l'État de droit.

En matière de politique étrangère, l'Albanie est alignée sur la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne. Attentive aux positions des États-Unis, elle n'en opte pas moins pour celles de l'Union européenne en cas de divergence, en matière de diplomatie climatique par exemple. Membre de l'OTAN depuis 2009, Tirana cherche à se positionner, dans la région, comme un pays modérateur et un facteur de stabilité. L'Albanie participe à la francophonie depuis 1999 et y joue un rôle assez actif. Elle a assumé la présidence de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en 2020. Elle est devenue membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies le 1er janvier 2022, pour un mandat de deux ans ; elle y joue un rôle assez actif, pour ce qui concerne notamment la guerre en Ukraine.

Le Premier ministre Edi Rama a fait de l'adhésion de son pays à l'Union européenne sa priorité. L'Albanie a certes obtenu le statut de candidat en juin 2014 et l'ouverture des négociations d'adhésion le 24 mars 2020, mais la tenue de la première conférence intergouvernementale, qui concrétisera ladite ouverture sur la base d'un cadre de négociations agréé par le Conseil, a été conditionnée à un certain nombre de progrès dans le domaine de l'État de droit, mais aussi liée aux négociations qui concernent la Macédoine du Nord.

Parmi les conditions que l'Albanie doit remplir avant cette première conférence intergouvernementale, je citerai : l'adoption d'une réforme électorale reprenant les recommandations du bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ; la poursuite de la réforme de la justice et la mise en fonctionnement de la Cour constitutionnelle et de la Haute Cour ; la mise en place des structures spécialisées prévues en matière de lutte contre la corruption et la criminalité organisée.

Il est indiqué, dans les conclusions du Conseil, que « l'Albanie devrait en outre renforcer encore la lutte contre la corruption et la criminalité organisée, y compris par la coopération avec les États membres de l'Union européenne et par le truchement du plan d'action visant à donner suite aux recommandations du Groupe d'action financière (GAFI). S'attaquer au phénomène des demandes d'asile infondées et assurer les rapatriements, ainsi que modifier la loi sur les médias conformément aux recommandations de la Commission de Venise, demeurent autant de priorités importantes. ».

L'Albanie a accompli des progrès significatifs dans la satisfaction des critères définis par le Conseil européen. Le projet de loi sur la réforme électorale, qui vise à reprendre les recommandations formulées par le BIDDH de l'OSCE, a été adopté le 23 juillet 2020 par le Parlement albanais. L'ambitieuse réforme de la justice et la vérification scrupuleuse du cursus des juges se sont poursuivies, en dépit de la crise sanitaire. La Cour constitutionnelle et la Haute Cour ont désormais, avec les nominations intervenues en décembre 2020 et au printemps 2021, un quorum suffisant pour se prononcer sur le fond et exercer leurs fonctions juridictionnelles.

Si l'ensemble des États membres considère que l'Albanie satisfait désormais globalement aux conditions fixées, l'organisation de la première conférence intergouvernementale est suspendue à la résolution du différend bulgaro-macédonien. Edi Rama milite ouvertement pour que soient découplés le processus d'adhésion de son pays et celui de la Macédoine du Nord, à supposer que les négociations ne soient pas lancées d'ici à la fin de la PFUE.

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