Intervention de Pierre Laurent

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 juin 2022 à 16h00
Voisinage et élargissement — Perspectives d'élargissement de l'union européenne - communication

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

Le travail de nos rapporteurs dresse un panorama complet. Le moment est historique, même si je ne sais pas si l'on peut le comparer à ce qui s'était passé après la chute du mur de Berlin.

Nous sommes face à une accélération brutale des décisions ; je vous renvoie au discours du Président de la République du 9 mai. Cela mériterait tout de même un débat plus approfondi au Parlement, ainsi que dans d'autres parlements de l'Union. Le changement envisagé est quand même extrêmement important. Il est vrai que, pour certains pays, l'adhésion est encore un horizon lointain.

Une telle accélération est-elle motivée par la volonté de construire une Union européenne élargie ou un bloc politico-militaire face à la Russie ? Le fait que l'élargissement de l'OTAN aille systématiquement de pair avec celui de l'UE mériterait quand même un débat. Que devient l'idée d'une souveraineté stratégique européenne ?

On a l'air de faire comme si tous ces pays s'apprêtaient à intégrer une Europe qui se porte bien. Or l'Union européenne rencontre beaucoup de difficultés. Elle a du mal à relever de nombreux défis de sa propre reconstruction. Les inégalités économiques et sociales restent très importantes dans toute l'Europe. Nous allons être confrontés à un défi de convergence considérable. L'Union européenne n'arrive pas à financer ses propres ambitions. Je pourrais évoquer les laborieuses négociations sur le budget de l'Union européenne, le défi du climat, les dysfonctionnements démocratiques de l'Union européenne ou encore le rapport entre le rôle des parlements nationaux et celui de l'Union européenne.

Pour ma part, je ne vois pas comment l'on peut envisager un tel élargissement toutes choses égales par ailleurs. Je pense que l'on ne peut pas s'engager dans un processus d'une telle importance sans évaluer davantage toutes ces questions et mettre sur la table les débats sur la modification des structures de financement des objectifs et sur le fonctionnement démocratique de l'Union européenne. À défaut, nous irons soit vers une Europe à plusieurs vitesses, dans laquelle l'Union européenne ne sera qu'une Europe de cercles concentriques avec des pays dominant les autres, soit vers des crises politiques à répétition.

Je trouve donc qu'il y a un peu d'angélisme dans la manière dont nous nous engageons dans un tel processus.

Il faudra aussi se poser la question du rapport avec la Russie, même si nous ne pouvons pas l'appréhender correctement, puisque nous ne savons pas comment la guerre va se terminer.

Toutes ces questions doivent être dans le débat public.

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