Intervention de Jean-Laurent Cassely

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 12 juillet 2022 à 16h30
Audition de M. Jean-Laurent Cassely coauteur avec M. Jérôme Fourquet de la france sous nos yeux sur le portrait de la france contemporaine à travers ses territoires : la ruralité la métropolisation la péri-urbanité et l'aménagement du territoire

Jean-Laurent Cassely, co-auteur de La France sous nos yeux :

L'image de la Drôme n'était pas du tout la même dans les années 1980. À l'époque, ce territoire évoquait les centrales nucléaires et l'autoroute A7 ; aujourd'hui, les néoruraux s'y établissent pour développer un mode de vie alternatif ou pour profiter d'une vie agréable à la campagne à proximité de l'autoroute, du TGV et de la mer... Il s'agit d'une bonne illustration du renforcement de l'inégale attractivité des territoires.

J'étais dans le Nord la semaine dernière pour évoquer la question de l'image des territoires. La France industrielle, composée principalement de PME, existe encore et se montre très dynamique, mais elle se sent quelque peu oubliée, laissée dans l'ombre, par rapport à la France du Sud, à la France ensoleillée, à une France dans laquelle il ferait bon vivre. Cette inégalité en termes d'image risque de se renforcer encore dans les années à venir si rien n'est fait pour juguler ces flux.

Comme je l'ai dit aux entrepreneurs et aux élus locaux du Nord, il n'y a pas de fatalité. Il y a même une fierté à être un territoire de back-office. Le Nord est bien évidemment davantage que cela, mais les questions de logistique, de grande distribution et d'industrie y sont très présentes. Tout cela montre bien qu'il existe aussi un modèle productif des territoires à côté du modèle touristique et résidentiel.

Il existe d'évidents conflits entre ces destins territoriaux : un touriste ou un résident secondaire n'a pas envie de se retrouver à proximité d'une usine ou d'une déchetterie ni d'être confronté à des flux routiers incessants en raison de l'installation d'un entrepôt d'e-commerce... Il faut effectuer un meilleur partage entre les zones dédiées aux loisirs, au tourisme et au bien-être et les zones productives. Nous avons vu, durant la crise sanitaire, combien ces dernières étaient essentielles.

On a beaucoup critiqué le devenir touristique de l'économie. J'évoque dans mon livre un passage du roman de Michel Houellebecq, la Carte et le territoire, qui imagine une France, à l'horizon 2030, dans laquelle les résidents secondaires d'un petit village sont tous devenus artisans ou cafetiers et feraient tourner une économie 100 % touristique. Je ne suis pas économiste, mais je pense que ce n'est pas possible : il faut nécessairement une part d'économie productive.

Le monde du tourisme est en train d'évoluer très rapidement. Les aspirations générationnelles sont en train de changer. Le rapport aux transports, à l'hôtellerie, à la nature environnante évolue. L'économie touristique française des années à venir ne sera pas forcément celle des années 1970 ou 1980. Le tourisme n'est pas uniquement un lot de compensation pour le développement des territoires. Vous avez la chance d'être élu d'un département qui dispose aussi d'une économie productive, monsieur Buis. L'idéal est d'arriver à garder un certain équilibre et d'éviter la caricature décrite dans le roman de Michel Houellebecq, à savoir une France uniquement tournée vers le tourisme et les résidences secondaires, réduite à une vaste zone de loisirs ou à un grand village de marques.

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