Intervention de Jean-Pierre Grand

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 juillet 2022 à 9h00
Avenir du corps diplomatique — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-Pierre GrandJean-Pierre Grand, rapporteur :

Les diplomates ont cru un temps être épargnés par la réforme de l'encadrement supérieur de l'État. Il n'en a rien été, et vous connaissez l'émoi général dont nous avons tous reçu écho lors de nos rencontres avec eux. Le décret précisant les modalités d'application de la réforme aux corps diplomatiques, paru le 16 avril dernier, a suscité des tribunes inquiètes des personnels regroupés en collectifs, des prises de positions politiques au coeur de la campagne électorale présidentielle et la première grève des personnels du Quai d'Orsay depuis plusieurs décennies, massivement suivie, le 2 juin dernier.

Dans ce contexte, nous avons voulu analyser objectivement la réforme appliquée aux métiers diplomatiques, évaluer son impact sur les personnels et sur le rayonnement de la France. Sans surprise, nous avons constaté que cette réforme fait l'unanimité contre elle, et ce ne sont pas les anciens hauts responsables politiques entendus qui nous démentiront.

La réforme prévoit la fusion des corps de la catégorie A+, indépendamment de leur ministère de rattachement, au sein d'un seul corps interministériel : celui des administrateurs de l'État. Tous les fonctionnaires appartenant à ce nouveau corps unique auront donc vocation à servir au sein d'une succession de ministères, selon un parcours plus fluide qu'auparavant, que chaque agent devra construire en se portant candidat aux offres de postes à pourvoir, quand il le souhaitera. Outre les postes d'ambassadeurs, les postes de directeurs, chefs de service, sous-directeurs et consuls généraux ne sont plus l'apanage des personnels du Quai d'Orsay ! Tous les postes de niveau ministres plénipotentiaires et conseillers des affaires étrangères, c'est-à-dire les postes d'ambassadeurs, directeurs, chefs de service, sous-directeurs et consuls généraux, entrent dans le champ de la réforme, et ont désormais vocation à être pourvus par des administrateurs de l'État.

Cette réforme essentielle pour la diplomatie de la France a été décidée sans que le Parlement n'ait été invité à se prononcer. Elle a été menée par ordonnance du 2 juin 2021. Le projet de loi de ratification a bien été déposé à l'Assemblée nationale dans le délai imparti, mais n'a pas été inscrit à l'ordre du jour. Le 30 septembre 2021, le Sénat a exprimé ses profondes réserves à l'égard de la réforme de la haute fonction publique telle que menée par le Gouvernement, en rejetant une proposition de loi visant la ratification de l'ordonnance.

Le choix du Gouvernement de ne pas affronter le débat sur ce sujet ne rend la réforme ni plus compréhensible ni plus acceptable pour les personnels du Quai d'Orsay, qui ont démontré une capacité d'adaptation à l'épreuve des réformes successives : l'absorption de la coopération en 1998, de la diplomatie économique en 2012, mais aussi la création de 25 postes de présence diplomatique (PPD) à partir de 2015.

Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) s'est emparé des enjeux portés par la réforme : diversification des profils de recrutement avec ses académies de la diplomatie ; coopération interministérielle à partir de 2018, avec le programme de transformation Action publique 2022 (AP2022) qui réorganisait les personnels et les missions de l'État à l'étranger ; réduction des effectifs, avec une diminution de 50 % des effectifs en 30 ans et une réduction quatre fois plus importante que les effectifs de la fonction publique d'État au cours des quinze dernières années ; décloisonnement puisque le Quai d'Orsay est l'une des administrations les plus ouvertes et diversifiées, avec 52 % d'agents contractuels et 20 % de l'encadrement non issu du corps diplomatique.

Enfin, la rémunération des agents du Quai d'Orsay est moins favorable que celle de l'ensemble de la fonction publique et s'érode. Entre 2010 et 2021, les dépenses de personnel ont progressé de 16 % pour les personnels de l'État, contre moins de 12 % pour ceux du ministère. Enfin, l'écart entre la rémunération médiane au sein du ministère et celle du ministère le plus favorisé est de 19 % pour les chefs de service et 33 % pour les experts de haut niveau.

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