Troisième conclusion, toujours sur le registre de l'Europe puissance : nous devons défendre plus fermement les intérêts économiques européens.
En premier lieu, il nous faut aussi chercher à obtenir un règlement définitif des différends commerciaux qui n'ont été que temporairement gelés, comme celui sur l'aluminium et l'acier, en ayant en tête le calendrier électoral aux États-Unis.
En outre, nous devons mieux nous défendre contre les sanctions économiques américaines et leur application extraterritoriale, en complétant et surtout en utilisant les outils juridiques dont nous disposons ou dont nous sommes en train de nous doter pour mieux nous protéger. Pour cela, il nous faut mener à bien la révision, prévue en 2022, du règlement européen de blocage de 1996, avec comme priorités une simplification des procédures et un meilleur accompagnement des entreprises visées, afin d'empêcher la transmission de données sensibles.
L'instrument anti-coercition, qui devrait être prochainement adopté dans le cadre de la nouvelle stratégie de politique commerciale européenne, devrait quant à lui permettre prochainement à l'Union européenne de mettre en oeuvre des mesures de représailles proportionnées face à des pratiques coercitives.
Bien entendu, tout cela ne peut fonctionner sans fermeté et sans volonté politique de faire usage de ces instruments.
Par ailleurs, il nous faut anticiper les conséquences du découplage entre les États-Unis et la Chine sur nos chaînes de valeur. En effet, l'Europe pourrait à moyen terme voir ses exportations vers la Chine de produits comprenant des composants critiques d'origine américaine frappées de sanctions, et réciproquement côté chinois, l'Europe se retrouvant ainsi prise en étau. Des stratégies de redéploiements doivent être étudiées.
Enfin, les rapporteurs recommandent d'engager une véritable réflexion sur l'opportunité de faire de l'euro une monnaie internationale, afin de nous permettre de nous affranchir du recours au dollar dans nos échanges économiques avec les États-Unis.
C'est d'ailleurs ce que fait la Chine qui, après avoir déployé en début d'année à l'occasion des jeux Olympiques sa monnaie numérique, le e-yuan, sur son territoire, est en train de la propulser au plan international au travers d'une plateforme de monnaie numérique regroupant plusieurs banques centrales, dont celles de la Thaïlande et des Émirats arabes unis. L'objectif est, à terme, de concurrencer le dollar dans les transactions internationales et d'échapper au contrôle financier exercé par les États-Unis au travers du réseau de communications interbancaires Swift.
Promouvoir l'euro comme monnaie internationale permettrait, à notre sens, d'échapper à l'utilisation du dollar comme instrument de politique étrangère dans le cadre des sanctions extraterritoriales, mais aussi de réduire l'exposition de l'UE aux perturbations sur les marchés financiers américains et à la volatilité des taux de change.
Il paraît crucial d'engager maintenant cette réflexion, en explorant aussi la dimension numérique de la question monétaire - comme les États-Unis ont décidé récemment de le faire.
L'Union européenne a tout intérêt à mener sans tarder cette réflexion et à se doter d'une véritable stratégie monétaire au plan international si elle ne veut pas que l'euro soit distancié à la fois par le dollar et par le yuan.
Notre deuxième axe de recommandations, après celles visant à renforcer l'Europe puissance pour rééquilibrer nos relations transatlantiques, porte sur la nécessité de poursuivre et d'approfondir le dialogue et les coopérations avec les États-Unis, qui demeurent un partenaire essentiel et notre principal allié.
Au plan européen, il existe de nombreux domaines où nous avons intérêt à poursuivre notre dialogue et approfondir nos coopérations avec les États-Unis.
C'est bien sûr le cas de la guerre en Ukraine, pour laquelle la coordination étroite devra être poursuivie pour évoquer des sujets tels que l'aide à l'Ukraine, les sanctions contre la Russie ou encore la nécessaire mise en place d'une traçabilité des armes livrées à l'Ukraine.
Nous avons également besoin de coopérer sur la gestion d'autres crises internationales ou régionales, à commencer par le dossier du nucléaire iranien.
Par ailleurs, il est dans l'intérêt de l'Union européenne, qui promeut une résolution des conflits par le droit, de chercher à réengager les États-Unis dans le multilatéralisme commercial, notamment en ce qui concerne la réforme de l'OMC.
Enfin, il faut mettre à profit le Conseil du commerce et des technologies pour ajuster nos positions, réduire les divergences et déminer de potentiels contentieux dans des domaines souvent techniques et sensibles, comme la cybersécurité, la régulation du secteur numérique ou le contrôle des exportations, et prendre une longueur d'avance sur les enjeux futurs.