Créée au début des années 1980, la Commission de l'océan Indien (COI) est une organisation régionale intergouvernementale qui regroupe cinq États du sud-ouest de l'océan Indien : les Comores, Madagascar, Maurice, les Seychelles et la France, au titre de La Réunion. Il s'agit de la seule organisation régionale d'Afrique à être composée exclusivement d'îles et francophone. En effet, des liens historiques nous unissent à ces États insulaires qui, pour une période plus ou moins longue, ont tous été sous souveraineté française.
À l'origine, le champ de la coopération de la COI était circonscrit à quatre domaines : la diplomatie, l'économie et le commerce, l'agriculture, ainsi que les sciences et l'éducation. Progressivement, les domaines d'action se sont étendus, entre autres, à la lutte contre le changement climatique, à la sécurité alimentaire et sanitaire, à l'économie bleue, ou encore à la sécurité maritime.
Compte tenu, d'une part, des nouveaux enjeux de la coopération régionale dans l'Indianocéanie - comme le défi climatique ou la connectivité numérique - et, d'autre part, de l'extension progressive des domaines d'intervention de la COI, les États membres se sont engagés dans un processus de modernisation de l'organisation afin de lui donner les moyens de ses ambitions.
Sur la base de la déclaration de Moroni, signée par les États membres en août 2019, qui définit les orientations politiques et stratégiques de l'organisation, l'accord de Victoria de 1984, texte fondateur de la COI, a fait l'objet d'une révision adoptée en mars 2020 et soumise aujourd'hui à l'examen du Parlement en vue de sa ratification.
Outre l'extension des domaines de coopération précédemment évoquée, l'accord tend à affirmer l'identité de la COI en inscrivant l'insularité et l'appartenance à l'espace africain du sud-ouest de l'océan Indien comme critères d'adhésion. Cette disposition permet de garantir l'identité de la commission comme organisation régionale de proximité, sa cohésion, ainsi que son caractère francophone et africain.
En outre, le présent accord tend à assainir la gestion financière de la commission. En effet, la COI rencontre des difficultés de gestion de ses ressources, qu'elle travaille à améliorer. Ces difficultés trouvent leur origine dans le fait que, depuis 2011, près de 600 000 euros de dépenses ont été déclarés inéligibles par l'Union européenne sur les projets qu'elle finance. Ces dépenses se transforment alors en dettes pour la COI, qui représentent 40 % de son budget annuel.
Enfin, les États membres ont souhaité renforcer le volet institutionnel de l'organisation, afin de l'accompagner dans ses nouvelles missions. La COI a décidé de maintenir l'unanimité comme mode de décision, de doubler le nombre de réunions annuelles du conseil des ministres - son organe décisionnel -, d'instaurer un sommet quinquennal des chefs d'État et de gouvernement, et de porter le mandat de son secrétaire général de quatre à cinq ans non renouvelable.
Si cette réforme de l'organisation est évidemment bienvenue, elle suscite plusieurs remarques et interrogations. Dans son discours du 23 octobre 2019 prononcé en clôture du sommet Choose La Réunion, le Président de la République insistait sur la nécessité, pour les territoires français de la zone - La Réunion et Mayotte -, de tirer parti des potentiels importants de la région, en renforçant l'intégration et la coopération régionales. Or, en raison d'un contentieux territorial qui oppose la France aux Comores, Mayotte n'est pas membre de plein droit de la COI. Les consultations diplomatiques ont néanmoins ouvert la voie à une participation de représentants mahorais à des projets d'intérêt commun, après une autorisation préalable des États membres. Il n'y a donc pas, à ce jour, de démarches pour l'adhésion de Mayotte à l'organisation, mais des actions sont entreprises pour mieux associer le département à certains programmes.
Par ailleurs, l'un des axes de notre politique étrangère consiste à accroître la présence française auprès des enceintes régionales qui sont en mesure de contribuer au développement du multilatéralisme renforcé et rénové que la France appelle de ses voeux. À ce titre, la participation à la COI s'inscrit dans la stratégie française en Indopacifique. Or, malgré les efforts entrepris par la présidence française qui s'est achevée en février dernier, l'organisation manque d'une vision stratégique claire et assumée au plus haut niveau des États membres, ainsi que de moyens financiers idoines.
En effet, le nouveau plan de développement stratégique, qui constitue la feuille de route de la COI, tarde à être adopté. En outre, le sommet des chefs d'État et de gouvernement, censé fixer le cap de la COI et définir ses grandes orientations politiques, ne s'est tenu que quatre fois depuis la naissance de l'organisation, ce qui peut être considéré comme le signe d'un relatif désintérêt des exécutifs. S'agissant des ressources financières de la COI, le secrétaire général de l'organisation a souligné, lors de son audition, la forte inadéquation entre, d'une part, les moyens qui lui sont alloués, et d'autre part, les besoins réels et les exigences des États membres et des bailleurs.
Pour conclure, l'objectif du présent accord est d'insuffler un nouvel élan à la coopération dans l'océan Indien occidental, où la France et l'Union européenne ont des intérêts. Le rôle du Parlement est d'accompagner ce mouvement, même s'il suscite des questions, voire des réserves, sur l'efficience des actions conduites par la COI jusqu'à présent, mais aussi sur l'engagement des États membres à faire vivre cette coopération.
Si les actions entreprises ces dernières années et les annonces faites à l'occasion de la présidence française semblent répondre aux difficultés rencontrées par la COI et aux défis auxquels elle doit faire face, on peut légitimement s'interroger sur la capacité de l'organisation à se doter des moyens suffisants pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés et à mobiliser les chefs d'État et de gouvernement pour que les décisions politiques trouvent une traduction concrète, au bénéfice des îles de la région et de ses habitants.
En dépit des remarques que je viens d'exprimer, je préconise l'adoption de ce projet de loi, en espérant que cette réforme donne à l'organisation les moyens d'agir davantage et mieux. L'examen en séance publique est prévu le mardi 19 juillet, selon la procédure d'examen simplifié, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.